Enfant, j’ai trois souvenirs de cinéma : le premier, c’est Les Aventures de Bernard et Bianca, en salle – à Paris ! – avec mon parrain et ma marraine. Ensuite c’est Cléopâtre, à la télé, alors que j’étais censé être couché. Et ensuite, c’est les films de guerre, avec papa, au cinéma de Dourdan.
Probablement qu’il ne se forçait pas trop pour y aller, mais il n’en demeure pas moins qu’il m’a emmené en voir beaucoup : Le Pont de la Rivière Kwai, Les Canons de Navaronne, et Le Jour le Plus Long. C’est à mon tour, maintenant, de montrer le film de Daryl Zanuck, au Professorino. Je ne me force pas trop non plus.
Avouons-le, Le Jour le Plus Long est un film nul. Ce qui passe dans le livre (une suite d’anecdotes tour à tour croustillantes ou émouvantes) ne passe pas du tout en film. Pas de début, pas d’enjeux, pas de fin. Juste un défilé insupportable de cabotinages anglo-américano-franco-allemands.
Et surtout, une belle dose de propagande yankee.
Dans le film, les allemands sont bêtes, disciplinés, et antinazis évidemment (Guerre Froide oblige, il faut se réconcilier avec l’ennemi d’hier, qui gardent maintenant le Rideau de Fer). Les allemands n’ont pas prévu le débarquement, les allemands sont mal organisés, les allemands ne veulent pas réveiller le Führer.
Rien n’est moins vrai, bien sûr. On sait aujourd’hui que les allemands se doutaient d’un possible débarquement en Normandie, mais qu’ils n’y ont pas cru le 6 juin, et que leur objectif principal était de rejeter les alliés à la mer, ce qu’ils ont failli faire. Car contrairement à la légende propagée par les films américains des années 60, les allemands se sont battus avec courage et acharnement. Pendant tout le mois de juin dans le bocage, ils ont infligé de lourdes pertes aux anglais et aux américains, et désorganisant gravement le ravitaillement allié.
Ça, évidemment, Le Jour le Plus Long n’en parle pas, tant il se concentre sur l’enfilage de perles, c’est à dire les actions héroïques isolées. Ainsi les français (Bourvil, Jean-Louis Barrault, George Wilson) sont résistants et concons, les anglais, courageux mais un peu coincés, les écossais têtes brûlées, les portugais sont gais, les espagnols sont gnols…. et les américains… courageux et cools. On mâche du chewing gum, on balance des vannes (John Wayne, Mitchum), et surtout : on n’attache pas son casque !! Sommet de la coolitude ! Si j’ai appris quelque chose dans les cinquante semaines que j’ai passé dans cette vénérable institution qu’est l’armée francaise, c’est qu’on attache son PUTTTTAAIN de casque !
Moralité, le gratin d’Hollywood passe trois heures à mettre son casque, enlever son casque, ramasser son casque, remettre son casque… Rires garantis…
Passez donc votre chemin, même si, comme moi, la nostalgie vous y a poussé.