« Toi qui entre ici, abandonne tout espoir » c’est cette célèbre apostrophe qui accueille le pécheur, sur le linteau de la porte de l’Enfer, dans la Divine Comédie. On pourrait adapter cet adage aux spectateurs de Lars von Trier : « Toi qui entre dans la tête du Danois, abandonne ici tout espoir »; car d’Antichrist en Melancholia, d’Epidemic en Breaking the Waves, Lars von Trier fait rarement preuve d’un optimisme débridé.
Ici, Melancholia pose la bonne question, terrifiante et eschatologique : où est le sens de la vie, puisque toute vie est condamnée à disparaître ? Là où Malick et son Arbre de Vie croit au miracle de la création, Lars von Trier croit au hasard. Un jour, demain, dans cent mille ans ou un million d’années, une planète croisera inévitablement la trajectoire de notre bonne vieille terre et ce sera la Fin de Tout.
C’est en tout cas ce qu’il expose dans ces dix premières minutes exceptionnelles de Melancholia, un 2001 apocalyptique, avec avec Tristan et Isolde pour musique des sphères, et ce sens esthétique qui a toujours fait de von Trier ce qui s’approche le plus d’un plasticien*.
Ensuite, il reste 2h30 pour raconter son histoire, maintenant que tout espoir est perdu. 150 mn à partager entre deux sœurs : l’une rayonnante, magnifique, blonde : Kirsten Dunst va faire un beau mariage. L’autre est névrosée, pas très jolie, brune : Charlotte Gainsbourg va organiser ce mariage. Après son introduction posée dans l’éther infini, Lars von Trier organise autour des deux sœurs un Festen virevoltant, comme un film amateur, mais tourné en haute définition, et qui passerait à la moulinette ces mariages de la haute bourgeoisie où tout est arrangé par un wedding planer, avec horaires précis pour le toast du marié ou la découpe du gâteau, discours du père et lancer de ballon festif à la lumière des étoiles.
Quiconque est allé une fois à un mariage retrouvera cette étrange sensation, cet asservissement médiéval de la femelle au mâle (blancheur virginale, jarretière, riz fertile), ces rituels immuables (le bouquet, les dragées), ce défilé de personnages embarrassants et incontrôlable (le vieil égrillard, le patron autosatisfait, le bailleur de fonds qui en veut pour son argent…)
Cette démonstration est cruelle mais impeccable. Kirsten Dunst joue à la perfection un ange de miel attiré par la lumière, tandis que les seconds rôles (Kiefer Sutherland, Charlotte Rampling, John Hurt, Alexander Skarsgård, Stellan Skarsgård, le fidèle Udo Kier…) sont tout autant parfaits. Quand on bascule vers l’autre film, celui de Charlotte, on ne fait que changer d’angle : l’humanité est tout aussi engluée, dans la rébellion ou dans la névrose. Et tandis que la technologie les abandonne (la sagesse d’un enfant remplaçant avantageusement un téléscope), il ne nous reste plus qu’à attendre la fin.
* On lui sait gré d’avoir abandonné le Dogme – intéressant par ailleurs – et d’être revenu à ce formalisme splendide dont il semble être le seul artisan aujourd’hui.
9 janvier 2012 à 0 h 02
Je n’ai probablement jamais vu de film aussi artificiel, rien n’est ressenti, tout est factice, fait d’une suite de cliché collées entre eux par Wagner super-glue. Il n’a même pas l’excuse de l’intellectualisme, c’est une métaphore grossière, le côté scientifique est tellement enfantin – niveau apocalypse vu par les mayas. C’est peu de dire qu’on s’y emmerde. Et puis depuis les films de Syberberg, utiliser la musique de Tristan pour tenter de donner un peu de profondeur à des scènes creuses devrait être interdit.
12 janvier 2012 à 21 h 21
désolé de ne pas être d’accord avec vs cher Ostarc, pourtant j’aurais juré que ce film vous plairait. Tant pis… moi il m’a touché, malgré son nihilisme… next time maybe
26 janvier 2012 à 16 h 44
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