Il y a une seule chose qui puisse me distraire d’aller à l’UGC Cine-Cité, et c’est bien le Tournoi des V nations (je sais il faut dire VI, mais je ne m’y fais pas, même si j’aime le rugby italien).
Tradition filiale, déjà. Malgré l’absence de télé, mon père me traînait chez son beau-père pour voir France-Galles commenté par Roger Couderc. Je devais avoir 5 ou 7 ans ; Depuis, je ne dois pas avoir raté un tournoi.
Il faut dire que le Tournoi, c’est une production hollywoodienne, ou une mini-série digne de HBO : un superbe travail de réalisation (Ouh le bourre-pif en ralenti haute-définition, Oh la jolie cascade dans l’en-but), un chef d’oeuvre de chef opérateur (le Rouge gallois, le Bleu écossais, et bien sûr, le Blanc immaculé de l’anglais.)
Mais surtout, on ne sait jamais dans quel genre dramaturgique classer le rugby. Comédie dramatique (la dernière Coupe du Monde) ? Tragédie grecque (Durban, 1995 ? (les connaisseurs apprécieront)) Ou tragi-comédie, comme hier ??
A l’issue d’un match plié d’avance (19-6 à la mi-temps), et Jonny Wilkinson enquillant les coups de pied comme à son habitude, l’Angleterre allait triompher en son jardin de Twickenham. Comme tous les ans depuis 20 ans.
L’Angleterre règne sur ce sport, qu’elle a inventé. Et elle le fait savoir, en humiliant régulièrement ses adversaires les plus pugnaces. Mais les scénaristes gallois nous avaient réservé une petite surprise : profitant d’une erreur d’inattention de Jonny Wilkinson (même les blockbusters peuvent dérailler), les prolos, les mineurs de Cardiff ont décidé de coller deux essais en une minute aux aristos de St John’s Wood : 26-19 au final. Il restait 10 mn à jouer, 10 mn de cliffhanger absolu, pour enfin profiter du dénouement final, tout en violence débridée : le sang anglais coulant sur la pelouse de Twickenham.
Car le sommet de ce sport très particulier, ce n’est pas de brandir le Bouclier de Brennus, de gagner le Tournoi ou d’être Champion du Monde ! Laissons ça à Christian Clavier et Didier Barbelivien, aficionados d’un soir ! Non, la vraie victoire du peuple celte (irlandais, gallois, écossais et français unis autour de ce seul but), c’est de tuer la bête saxonne.
At home.
Et de venger à la fois Mers-el-Kebir, le Bloody Sunday, et renouveler l’Auld Alliance… en humiliant l’anglais orgueilleux, sûr de lui et dominateur, dans son joli jardin vert de Twickenham. Et tacher de sang son maillot blanc immaculé.
Les français, qui ne comprennent décidément rien à la dramaturgie, ont rendu l’antenne au coup de sifflet final, alors que nous nous attardions, avec un plaisir difficile à dissimuler, sur ces visages britanniques couverts de honte…
13 juin 2009 à 23 h 22
[…] pas un blog sur le sport, mais rien n’empêche d’en parler, la saison étant propice. Après un article sur rugby, il est intéressant de s’interroger sur leur cinématographie (voulue), et leur dramaturgie […]