Prenons un peu de distance avec la série la plus hot du moment. Homeland déçoit, forcément, mais Homeland fascine aussi.
Pour une raison très simple ; elle est produite par les gens qui représentent son antithèse absolue : Fox21, (qui appartient au groupe qui produisit 24, et qui surtout fut le principal soutien de la politique de George Bush). Son showrunner est Howard Gordon, le showrunner du même 24.
On a dit ici tout le mal que l’on pensait de la série qui fascina tant la critique française, au plus grand effroi du Professore. Car si l’on résume le pitch du plus grand succès de la Fox, cela pourrait donner cela : l’Amérique est entourée d’ennemis. Son gouvernement est incompétent, et, le plus souvent, corrompu. Pire, ceux qui sont chargé de nous protéger(le CTU) est probablement vérolé de l’intérieur. Le héros (Jack Bauer) a perdu femme, amante, confiance dans ses supérieurs, et probablement, un peu d’estime de soi. Cette vision terrifiante n’aurait pas eu autant de succès si elle ne dépeignait pas, avec quelque justesse, l’Amérique d’aujourd’hui. Du moins telle que l’Amérique se voit et se ressent. En clair, huit ans de paranoïa bushiste : ennemis extérieurs multiples, ennemi intérieur pourchassé au prix des libertés individuelles, par ailleurs si chères au citoyen américain…
Homeland propose une forme de rédemption, et une demande de pardon.
Mea culpa, mea maxima culpa. C’est ma faute. C’est ma très grande faute, semblent dire les héros de Homeland. Tous les personnages ont « merdé », comme dit Carrie Mathison. Carrie a perdu un indic, Saul Berenson (Mandy Patinkin) perd sa femme en pourchassant les ennemis (imaginaires ?) de l’Amérique. Brody s’est fait prendre par les talibans, et il est peut-être devenu un traître. Jessica, sa femme a merdé. Elle n’a attendu « que six ans » avant de coucher avec son meilleur ami. Comment mieux dire que depuis ce fatidique 11 septembre, c’est toute l’Amérique qui marche de travers ?
Homeland vient donc à point nommé, inévitable catharsis pour une Amérique qui ne demande pas mieux que de laver ses péchés de huit années de bushisme ?
Car pour le coup, Homeland en fait un peu trop dans l’islamophilie. Dans quelques scènes passionnantes, la série révèle son vrai visage : celui du converti, Saint Paul sur le chemin de Damas. Quand Howard Gordon filme ses personnages en prière à Islamabad (il y a 10 ans, les américains ne savaient pas où c’était !), c’est avec une imagerie publicitaire, digne de la pire propagande, comme on n’oserait pas filmer une prière catholique : le soleil inonde la pièce, et éclaire opportunément le visage des personnages. Il ne manque que la pub Coca.
Mieux, une autre scène (la mosquée américaine) est encore plus confondante. Une femme musulmane, plus ou moins cloîtrée chez elle, chargée de servir le thé et d’obéir silencieusement à son mari, et cette situation est présentée comme normale. Tout comme l’agent Carrie Mathison, qui met un voile pour s’approcher de la mosquée, et engueule un agent qui n’a pas enlevé ses chaussures.
Décidément, Amérique a beaucoup à se faire pardonner…
28 octobre 2012 à 12 h 02
[…] il se sent obligé de tempérer son propos. D’expliquer sa conversion (en idéalisant l’Islam, voir chronique précédente). De justifier sa décision (les petits nenfants irakiens tués par les méchants drones […]