Malédiction du biopic, loi du marketing : Gainsbourg (vie héroïque) est un échec artistique et une réussite commerciale (600 000 entrées en première semaine).
Le biopic, ça marche à la nostalgie : chacun son Gainsbourg (moi, c’est le Gainsbarre de mes vingt ans, Lemon Incest et Casino de Paris). On va voir un biopic parce qu’on veut revoir ce petit bout de nos vies : ah c’est vrai, les filles dansaient comme ça en 85, elles étaient habillées comme ça en 85…
Mais un film, c’est pas un scrapbook, c’est pas du collage, c’est une histoire. Ici, évidemment, il n’y en a pas, même si Joann Sfar essaie pathétiquement de jouer à Brazil ou à Tim Burton. C’est toute la tragédie du cinéma français d’aujourd’hui : beaucoup de débutants propulsés à la réalisation d’un premier film à gros budget, sans avoir essuyé leurs fesses sur un « petit » premier film ou des courts métrages.
C’est le cas de Joann Sfar, dessinateur talentueux, mais cinéaste à l’évidence novice : il ne sait pas raconter une histoire, il ne sait pas où commencer une scène ni comment la finir. Heureusement, il y a une équipe avec lui : chef déco, chef op’ aux petits oignons, bons comédiens qui excellent dans leurs imitations de Bardot, Birkin, Bambou, et Gainsbourg.
Oui, bien sûr, Elmosnino est extraordinaire, mais on ne va pas voir UN acteur, on va voir un film. Le cinéma est un art collectif, un sport d’équipe, ce n’est pas un numéro de cirque. On ne va pas voir Tannhäuser pour entendre Placido Domingo, si l’orchestre joue faux et le chef d’orchestre est à contretemps.
Gainsbourg (vie héroïque) se contente donc d’enfiler les scènes, sans avoir de propos particulier. Madame La Professore, qui, elle, a bien aimé, tentait de mettre en joue ma mauvaise foi en me sommant de trouver un biopic à mon goût. C’est vrai qu’il y en a peu, et que, systématiquement, ils bottent en touche : Control (sur Ian Curtis), parce qu’il a un propos (« Peut-on mourir d’amour aujourd’hui ? »), 24 Hour Party People, qui évite de parler des célébrités rock de Manchester, pour parler du mentor, Primary Colors, qui fait la même chose, et laisse Bill Clinton en toile de fond pour s’intéresser au jeune militant et questionner subséquemment l’engagement (et la fin de l’innocence) en politique et puis évidemment Velvet Goldmine, la référence, qui parle de Bowie en ne collant jamais à la réalité, mais au contraire, en racontant le conte de fées le plus bowiesque qui soit. On pourra rajouter le maître du biopic, Oliver Stone, qui croqua avec talent trois présidents (JFK, Nixon, W.) en s’affranchissant sans problème de la réalité.
Mais Madame la Professore avait plus d’un tour dans son sac. Tout de go, elle me demanda mon avis sur le Cléopâtre de Mankiewicz. Je bafouillais une réponse et me mis à débarrasser la table…
9 février 2010 à 11 h 21
J’adddddooooorrrree la chute de ton article : à quand des chroniques de LA Professore ?
Sinon t’aurais pu citer « Marie-Antoinette » au moins pour faire plaisir à ton correspondant italien (de pacotille) … Mais bon « faire plaisir », c’est pas le credo de Cinefast 🙂 …
9 février 2010 à 12 h 34
exactement. Nous sommes dans la domination non-tarifée. mais bon, là aussi, je m’incline. Marie-Antoinette est un biopic très réussi.
17 septembre 2011 à 15 h 32
[…] 3. Invictus 4. Inception 5. Agora ou là 6. Shutter Island7. ex. aequo L’Arnacœur et Tournée 8. Gainsbourg vie héroïque 9. Un balcon sur la […]