Pourquoi se replonger dans Rio Bravo, un film de 1959, et obliger les pauvres professorinets à se colleter un film sans orques, sans elfes, sans vampires, sans hélico, sans 3D ?
Probablement par nostalgie : il fut un temps, mes amis, où sur la seule chaîne de télévision, nous découvrions Rio Bravo en noir et blanc chez mémé. Mais aussi, parce que ce film, Rio Bravo, c’est la pierre de touche CineFastienne par excellence : scénar en béton, acteurs au top, et perfection du rapport mise en scène/histoire à raconter.
Cette histoire, elle est bibliquement simple. Dans la jungle du Texas, un shérif (on mettra une heure quarante à découvrir son nom : Chance), arrête pour meurtre Joe Burdette, un voyou issu d’une riche famille. Coincé dans la ville, espionnée par les hommes du frère de Burdette, John Wayne ne peut compter que sur un adjoint alcoolique (Dean Martin dans son plus grand rôle), Stumpy, un vieil éclopé blagueur, (le sidekick Walter Brennan). A cela viendront s’ajouter deux autres personnages secondaires : Colorado (Ricky Nelson), le loner, si indépendant qu’il mettra du temps à rejoindre la justice, et Feathers (magnifique Angie Dickinson), la southern beauty, qui a le feu aux fesses pendant tout le film, et rêve de mettre John Wayne dans son film.
Entre temps, il sera fait état d’un crachoir, d’un dollar en or, d’une petite culotte rouge. Mais dans l’affrontement final, tous nos amis feront corps pour nettoyer Rio Bravo des bandits.
Si Rio Bravo est un chef d’œuvre, c’est par la profondeur de ses thématiques : la rédemption, la justice face au pragmatisme, thèmes toujours autant d’actualité, ce qui explique qu’il résiste aussi bien à l’usure du temps.
Malgré sa lenteur (parait-il insoutenable à la génération actuelle), ses quelques petits redressements moraux incongrus vers la fin (Angie Dickinson remercie le mâle de l’arrêter d’être une allumeuse, comme si elle ne pouvait pas le faire elle-même), Rio Bravo est immortel : les deux scènes du crachoir (Dean Martin, alcoolique, s’abaisse à aller chercher une pièce au fond des molards), Deguello (l’air mexicain d’Alamo qui hante le film), les sourires en-dessous d’Angie Dickinson, l’air désabusé de John Wayne, et encore une fois, la performance de Dean Martin, Rio Bravo reste gravé dans les mémoires.
Et tout cela, sans indiens, sans poursuite en diligence, sans attaque du chemin de fer, le tout dans un huis clos étouffant (prison, rue, saloon…)
Si ce n’est pas déjà fait, il est temps de retourner à Rio Bravo.
25 septembre 2015 à 22 h 18
[…] Howard Hawks c’est l’homme de Rio Bravo, Hatari, mais aussi La Chose Venue d’un Autre Monde, La Rivière Rouge, La Captive aux Yeux […]
16 mars 2016 à 12 h 08
[…] Des hommes courageux confrontés à des situations extrêmes, des femmes fortes qui n’ont pas leur langue dans la poche, on est donc dans le prototype du film Hawksien, le premier qui réussit son vol inaugural… Des hommes en danger, comme dans Tiger Shark (Le Harpon Rouge, 1932), des pilotes au bord de la crise de nerfs, comme dans La Patrouille de l’Aube (1930, déjà avec Richard Barthelmess), des femmes courageuses, dans un port noyé dans la brume, comme dans Ville sans Loi (Barbary Coast, 1935), mélangé à un peu de screwball comedy (L’Impossible Monsieur Bébé, 1938, avec Cary Grant). Et déjà des vieux, grincheux mais courageux, comme dans Rio Bravo. […]