Au début de Only Lovers Left Alive, Jarmusch filme en gros plan un 45 tours qui débite un vieux rock très lent, à tel point qu’on se demande si le disque n’est pas en 33 tours, et qu’une main amie va jaillir dans le champ pour régler l’électrophone sur la bonne vitesse.
Only Lovers Left Alive, c’est ça : très rock, très lent. Beaucoup trop lent. D’aucuns – et notamment le guitariste qui m’accompagnait ce soir-là, expliquera, mi fataliste, mi fan transi, que ben, bon, Jarmusch, c’est ça.
Ok, mais quand ça dépasse les limites du supportable, le corps se révolte, et on s’endort. Quand on se réveille, vingt minutes plus tard, on n’a rien perdu de l’intrigue. Certes, on imagine des voix s’élever dans la salle, sur la cohérence, pour ne pas parler de métaphore, avec la notion très distendue du temps qu’ont les vampires (du moins, ceux que je connais).
Certes, mais nous, on s’ennuie quand même.
C’est dommage, parce que le reste est bien, la musique, géniale, les décors, la photo, parfaite, l’argument, pas mal du tout*. Pas pratique pour se retrouver (vols de nuit obligatoires) et pour s’abreuver (on ne suce pas le sang des misérables humains comme ça, il fait rester discret) ; appliquant en cal le credo du revival goth vampirique des romans d’Anne Rice et du très populaire jeu de rôle Vampire : La Mascarade.
Mais tout cela est long, beaucoup trop long, chaque scène étant elle-même interminable. Et peu subtil : Jarmusch parsème son film de références vampiro-littéraires : Christopher Marlowe, Paganini. Tout cela tourne au name dropping. Dommage.
* Deux vampires s’aiment, mais vivent séparément, chacun à l’autre bout du monde : Adam (Tom Hiddleston) vit dans les très impressionnantes ruines de Detroit et compose de la musique, Eve (Tilda Swinton) vit à Tanger dans les pas de Bowles et Burroughs et lit -beaucoup).
posté par Professor Ludovico
C’était hier, et nous reprenions, après un an d’abstinence*, notre ultime virée dans Twin Peaks land, son RR Café, le bureau du sheriff, la scierie, le Great Northern Hotel, le Jack-N’a-Qu’un-Œil… Ultime, car il n’est pas sûr que la Professorinette ait envie d’aller jusqu’au bout d’une série qui, comme chacun sait, échoua dans la saison 2 tout ce qu’elle avait réussi dans la saison 1.
Bref c’était L’épisode, celui où l’on sait enfin qui a tué Laura Palmer, La Grande Scène.
A vrai dire, je ne m’en rappelais plus. Une scène à la fois absolument terrifiante, uniquement rythmée par le crachotement d’un 33 tours en bout de piste, mais aussi contrebalancée par une autre scène magnifique, juxtaposée, où tous ceux qui ont connu et aimé Laura (Dale Cooper, Donna, Bobby) sont pris d’une horrible mélancolie, tandis que Julee Cruise interprète une chanson d’amour.
Tout Twin Peaks est là-dedans, et tout Lynch, pourrait-on dire : ce que la vie a de plus beau et de plus noir, concentré en une seule scène.
* due à une malencontreuse erreur de manipulation, qui avait révélé à la Professorinette, avec un épisode d’avance, le secret de Twin Peaks
jeudi 17 avril 2014
Fincher perd son Jobs
posté par Professor Ludovico
On l’annonçait, la bave s’écoulant des babines : le duo de choc Social Network, Sorkin-Fincher, était reformé pour s’attaquer au biopic du Commandeur des Croyants, le génial designer de Lisa et du Newton, monsieur Steve Jobs lui-même.
Malheureusement, Fincher a osé demander ce qu’il demande à chaque fois : le final cut*. Ce qui n’a pas plu à monsieur Sony, exit donc David Fincher.
Reste à savoir qui cuisinera la recette Sorkin, une bonne surprise n’étant pas à exclure. Et vu le sujet, il reste de grandes chances qu’on aille voir le film quand même. On n’est pas sectaires.
* Pour Social Network, Fincher avait formulé trois exigences : tourner le scénario tel quel sans y changer une virgule, l’assurance des avocats du studio que le film ne risquait aucun procès de la part de Marc Zuckerberg**, et, évidemment, le final cut.
** Le Zuck, grand prince, invita tout le personnel de Facebook à une projection privée de The Social Network, et se contenta du commentaire suivant : « They got the clothing right. »
lundi 31 mars 2014
Good Bye Lenin
posté par Professor Ludovico
C’est toujours amusant de voir un film longtemps après la hype. Good Bye Lenin faisait partie des films qu’on m’avait violemment conseillés à l’époque, que je n’avais pas refusé de voir, mais bref, ça n’a s’était pas fait. Il est depuis passé à la télé plusieurs fois, et je l’ai raté à chaque fois. Le signe – quand même – d’une très faible volonté de la part du Professore.
Mais voilà la Professorinette passe le bac, et considérant que le meilleur des profs d’allemand, c’est encore le cinéma, décide de bosser sa compréhension orale en visionnant quelques films. Immédiatement, le Professore suggère La Chute et Das Boot, mais bizarrement la jeune fille préfère Good Bye Lenin.
Bon, ben, c’est bien, sans plus. Après toutes ces années, il ne reste que les souvenirs de la hype : des scènes soi-disant très drôles d’une RDA reconstituée. Il ne reste qu’une forme de nostalgie de la chute du Mur, mélangée à une forme d’empathie distanciée pour ces ossies qui voyaient le rêve socialiste s’effondrer.
Tout cela semble bien loin maintenant.
mardi 4 mars 2014
Fincher+Sorkin x 2 = Steve Jobs
posté par Professor Ludovico
C’est peut-être la nouvelle la plus excitante du moment, révélée par Le Parisien (et les bons soins de Maître Fulci) : David Fincher travaillerait (avec Aaron Sorkin !) sur une adaptation de la vie de Steve Jobs, d’après la bio de Walter Isaacson.
Sachant qu’on vénère ici tout autant le réalisateur de Fight Club que le créateur d’A La Maison Blanche, et que l’on considère que leur bébé commun – l’épopée Zuckerbergienne filmé comme un slasher gothique mâtiné de John Hughes – comme le chef d’œuvre des années 2000, et que par ailleurs, l’on conchie l’idolâtrie jobsienne tout autant que l’on pourchasse avec vigueur l’hérésie Applemaniaque (cette chronique étant rédigée sur iPhone mais avec clavier intelligent Path), c’est une quadruple bonne nouvelle.