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Commentaires et/ou Conseils d’achat de DVD – Peut dégénérer en étude de fond d’un auteur



mardi 5 novembre 2024


Jerry Maguire
posté par Professor Ludovico

Jerry Maguire, film de 1996, bénéficie – de façon assez inexplicable – d’une bonne réputation, trente ans après.

Quand on découvre le film aujourd’hui, c’est plutôt pénible à regarder*. Eternelle histoire de rédemption d’un crétin friqué qui rencontre de La Femme, Tom Cruise incarne un agent sportif qui, grâce à une gentille nunuche (Renée Zellweger) et son petit garçon tout mignon (Jonathan Lipnicki), comprend le Sens de la VieTM.  

Si le postulat de départ est originalement traité (Cruise devient un born again agent dès le générique, écrivant en pleine nuit une mission statement censée redéfinir le métier de l’Agence « moins d’argent, plus d’humain (sic) » et se faisant virer illico), la suite est assez horrible.

Voilà Jerry Maguire quasi seul, avec un misérable (et irascible) client, Rod Tidwell, footballer sur la pente descendante. Seule la petite comptable de l’Agence (Renee Zellweger, déjà folle amoureuse) accepte de suivre Mr Mission Statement, quoi qu’il arrive.

Les deux mâles (Cruise et Cuba Gooding Jr**) jouent sur stéroïdes, Zellweger minaude, Lipnicki est tout choupinet, et, au cas où vous ne sauriez pas où pleurer, une petite musique folk signée Nancy Wilson (Mme Crowe à l’époque) accompagne le tout. On passera donc toutes les étapes de la Romcom (le rendez-vous raté, le bisou sur le pas de porte, la grande sœur qui dit « si tu lui fais de la peine, je te tue »). Le propos humaniste prend quand même un coup dans l’œil quand l’agent et le wide receiver délivrent (sous coke ?) la citation la plus célèbre du film « SHOW ME THE MONEY !!! ».

On ressort épuisé, 139 minutes plus tard, devant tant de coke et de guimauve mélangées.

*Ce n’est pas une question d’époque : en 1996, c’est l’année de Fargo, The Rock, Une Nuit en Enfer, Mission: Impossible…

** Qui gagnera tout aussi inexplicablement un Oscar du meilleur second rôle…




mercredi 30 octobre 2024


Le Cercle des Neiges
posté par Professor Ludovico

Depuis deux mille ans, la chrétienté éduque la populace à l’aide d’une imagerie singulière, basée sur le supplice de son prophète. Quelle autre religion a réussi à imposer l’image d’un instrument de torture dans votre chambre, autour du cou de vos enfants, ou plaqué sur votre tombe ?

Le christianisme disparait, comment éduquer le peuple ? Par le Biopic. Qu’est-ce que le Nouveau Testament, si c’est n’est le premier biopic de l’histoire ? Les épreuves variées qui jalonnent le Parcours du Héros, jusqu’au succès de Jésus from Nazareth ?

Quand on y pense, les biopics sont dans cette veine judéo-chrétienne : une avalanche d’images doloristes autour du parcours sacrificiel du héros, quelle que soit l’étendue de ses souffrances. De Charles Aznavour, qui ne gagne pas assez d’argent, aux survivants des Andes, qui passent deux mois à s’entredévorer.

L’histoire incroyable des Old Christians de Montevideo a inspiré des documentaires, des livres, et un très bon film, Les Survivants, signé Frank Marshall. Le Cercle des Neiges n’est pas du tout de cet acabit. Il valide l’opinion – désormais vérifiée – que Netflix produit de bonnes séries mais de mauvais films.

Dans Le Cercle des Neiges, aucun personnage ne sera créé. Aucun enjeu non plus. Mais on subira pendant 2h24 tous leurs supplices. Gros plans sur les yeux exorbités, cheveux artistiquement souillés de sueur et de poussière, maquillages blessures prêts pour l’Oscar, et visages émaciés à tous les étages : le film convoque, comme beaucoup de films hollywoodiens, tout l’attirail de la pornographie de la souffrance. Avec évidemment une voix off qui explique tout*.

On s’ennuie autant que les survivants, c’est dire… Ce n’est pas un film, c’est un chemin de croix.

*Avec, concédons-le, un petit twist final




mercredi 23 octobre 2024


Incendies
posté par Professor Ludovico

On avait conseillé au Professore il y a bien longtemps l’un des très bons films canadiens de Denis Villeneuve. Il s’agissait d’Incendies, son dernier film avant Hollywood.

Incendies, c’est l’occasion de vérifier dans la pratique la théorie qui veut que Villeneuve est un simple metteur en images (Dune, Blade Runner 2049). Quand il n’a pas de scénario en béton, c’est un idiot de cinéma : il ne sait que faire. Et cette idiotie est cachée par de géniaux chef opérateurs, qui permettent au québécois de signer des œuvres magnifiques, mais vides de sens.

Mais ici, Villeneuve n’a pas Roger Deakins, il n’a pas Greig Fraser, et le scénario d’Incendies, adapté de la pièce de Wajdi Mouawad, est très bon.

De nos jours, des jumeaux – frère et sœur – découvrent à l’ouverture du testament de leur mère, que leur père n’a pas disparu, et qu’ils ont un frère, tous deux restés dans leur pays d’origine, qui ressemble au Liban. Leur mission : leur porter chacun une ultime lettre, signée de sa main.

Nawal est loin d’avoir été une mère parfaite, et ses enfants n’ont aucune envie de se plier à ses dernières volontés. Néanmoins, la fille s’exécute. Le film va désormais tisser un tapis persan composé de deux intrigues : d’une part , la fille et le fils à la recherche de leurs origines, et d’autre part, trente ans auparavant, la vie de la mère dans ce pays en proie à la guerre civile.

Ce tissage implacable, absolument maitrisé par Villeneuve, va faire émerger une image au centre du tapis : la Vérité, rien de moins. Incendies est un film sur le tabou ultime, qui taraude chacun d’entre nous : découvrir qui étaient réellement nos parents, avant que nous n’existions.

Villeneuve est à la fois le maître parfait de son intrigue et de ses comédiens, il maintient la tension de bout en bout, tout en parvenant à créer des personnages sensibles et variés. Trois ans plus tard, il fera de même sur son premier film Hollywoodien : Prisoners.




jeudi 10 octobre 2024


Simple comme Sylvain
posté par Professor Ludovico

La force de la littérature – en tout cas de la grande littérature – c’est sa capacité à décrire avec profondeur et justesse les sentiments humains. C’est ce qui fonde les grands livres, de Céline à Conrad, de Yourcenar à Franzen.

Le cinéma a du mal à faire ça ; c’est un art visuel, moins profond, il n’a pas les mots pour décrire les sentiments. Il lui faut donc des visages, des situations, des intonations, des dialogues, pour donner les sentiments en spectacle…

Simple comme Sylvain peut pourtant démontrer le contraire. Caché derrière une comédie romantique innocente, le film de Monia Chokri se révèle d’une grande profondeur, tout en restant drôle et simple d’accès.

Sophia est professeure de philosophie à Montréal. Trentenaire en couple, c’est une bobo bien-pensante, totalement intégrée dans son milieu. Lorsqu’elle rencontre Sylvain, un charpentier venu aménager son chalet au bord d’un lac des Laurentides, ils tombent immédiatement amoureux. Et follement. S’agit-il d’une passade, intense mais ponctuelle ? D’une incroyable alchimie sexuelle ? Ou de la fin d’un couple, et la création d’un nouveau ?

Avec une grande économie de moyens, et, en même temps, un génie simple de la mise en scène, Mona Chokri organise les débats avec virtuosité pendant 110mn, sans une seule minute d’ennui. Ses comédiens, chacun s’évertuant dans leur propre trajectoire, sont parfaits. L’intrigue est même parsemée de virgules philosophiques, sous la forme des cours données par la bien nommée Sophia. Mais la cinéaste n’est pour autant pas dupe de la fracture sociale qui est à l’œuvre.

Une comédie romantique et réaliste : une rareté, donc.




mercredi 11 septembre 2024


La Veuve Couderc
posté par Professor Ludovico

La mort d’Alain Delon permet de rattraper des films, La Veuve Couderc par exemple. Bon, à vrai dire, le Professore Ludovico a longtemps confondu ce film avec Les Granges Brûlées, et La Horse.

La Veuve Couderc est basé sur un roman de Simenon dont le pitch est simple mais démontre qu’en 1h30 – contrairement à ce qu’on dit partout – on peut créer des personnages et les faire évoluer sans avoir besoin de six heures sur Netflix. Ici, la veuve en question (Signoret) vit chichement dans une ferme au bord d’un canal. Elle rencontre au début du film un beau mec (Alain Delon) qui cherche du travail. Ça tombe bien, elle en a, exploitant désormais seule la ferme de son mari (au grand dam de sa belle-sœur, l’éclusière, dont la fille, lolita déjà fille-mère, complète l’ensemble). Le drame est posé. Une femme vieillissante qui cherche un homme, qui va passer de sa protectrice à la nymphette.  

Comme on l’a dit précédemment, Delon ne joue pas très bien, et est peu crédible en costume de ville binant les champs de pommes de terre. Mais La Signoret est impériale comme à son habitude. Sa seule voix, emplie de tabac, de tristesse, et de colère tout à la fois, les larmes perlant au bord de ces yeux bleu acier suffisent à retourner n’importe quel spectateur.

C’est la Signoret post Casque d’Or que nous avons toujours connue, celles des années 70, de L’Aveu à Police Python 357. Et puis il y a Simenon, cette ambiance campagnarde, l’écluse, les bateaux, le bal, et le drame qui pointe. Et une conclusion/explication étonnante.

Ça suffit à faire film.




mercredi 4 septembre 2024


Les Pistolets en Plastique
posté par Professor Ludovico

Pour on ne sait quelle raison, Les Pistolets en Plastique n’ont pas été chroniqués dans CineFast.

Grave oubli.  

Les Pistolets sont tombés dans le trou noir des chroniques jamais écrites. Ce phénomène étrange a pourtant été étudié depuis longtemps par le Professore Ludovico au Jet Propulsion Laboratory, à Pasadena comme chacun sait. La science démontre en effet qu’un mauvais film excite les particules critiques, et incite le CineFaster à démolir cette merde qui lui a fait perdre deux heures de sa vie. Au contraire, un bon film, a fortiori un film drôle, le laisse dans un tel état d’euphorie qu’il en oublie son devoir premier : informer. Car la mission de CineFast, s’il en est, est de pousser les gens à aller au cinéma pour voir les meilleurs films.  Les Pistolets en Plastique sont de ceux-là. Problème : le film de Jean-Christophe Meurisse est sorti en juin. Vous allez donc le chercher sur votre plate-forme préférée.

Du coup, de quoi s’agit-t-il ? Rien de moins qu’une parodie totalement barrée de l’affaire Dupont de Ligonnès, en particulier sur les détectives amateurs qui cherchent la solution. Jean-Christophe Meurisse aligne avec un talent rare une galerie de personnages tout aussi délirants (mais réalistes) : la voisine raciste, les flics incompétents, les mégères enquêtrices. Tout cela dans une ambiance à la Dupieux, ne reculant devant aucun gag, même les pires…

Mais tout cela est tellement bien fait (acteurs, dialogues, déco) que c’en est particulièrement réjouissant. Cela ne plaira pas à tout le monde – certains spectateurs ont quitté la séance – mais sans aucun doute que le goût sûr du CineFaster y trouvera son compte…




jeudi 1 août 2024


Victoria
posté par Professor Ludovico

Bon ben voilà, on sait à quel emploi – comme on dit chez les professionnels de la Profession – on peut affecter Virginie Efira : la Comédie ! C’est là que la franco-belge est convaincante. Tout en retenue, et pourtant hilarante. On n’était pas convaincu par la Sibyl de Sibyl ni la Benedetta de Benedetta. Le sérieux ne te va pas au teint, Virginie ! Justine Thiriet, dont on fait la filmographie à l’envers (bientôt La Bataille de Solférino), révèle aussi un talent pour la comédie, peu décelable chez la furiosa antimacroniste.  

Victoria, c’est l’histoire d’une avocate à la ramasse qui gère ses deux gamins, ses amants idiots et son ex, écrivain-blogueur foutraque. Voilà que surgit Vincent, un client séduisant (et séducteur, le toujours excellent Melville Poupaud) accusé d’avoir poignardé sa chérie (une bimbo folle furieuse) à un mariage auquel assistait, justement, Victoria.

Le beau gosse nie, mais il est lui aussi complètement barré, et contre toute logique déontologique, Victoria accepte de le défendre. Surgit alors une aide inattendue, en la personne de Sam, (Vincent Lacoste, impérial) en assistant-baby sitter éperdu d’amour pour sa MILF de patronne.  

Tout cela est mené tambour battant avec un scenario impeccable, qui ne cherche ni le gros gag ni la punchline qui tache, et se permet néanmoins d’amener une touche sentimentale sur la fin.

Du grand art.

Madame Triet, de grâce, revenez faire un tour en comédie !




samedi 27 juillet 2024


Sibyl
posté par Professor Ludovico

C’est confirmé, Justine Triet est une cinéaste. Quelqu’un, donc, qui croit à la capacité du cinéma de posséder son propre langage. Sibyl démontre amplement cela. Si le film paraît si emmêlé qu’il fait penser à Antonioni, il reste parfaitement lisible.

Une psy (Sibyl), interprétée par Virginie Efira – que le Professore peine à trouver vraiment convaincante, mais qui se donne à fond dans le rôle – décide d’arrêter son activité d’analyste pour enfin écrire son roman. Elle est rattrapée contre toute attente par Margot, une jeune actrice au bord de la crise de nerfs (Adèle Exarchopoulos). Le piège est tendu. S’entame alors un jeu masochiste et vénéneux entre la blonde affolée et la brune manipulatrice, qui l’entraine dans son vortex. Transportée sur le tournage de Margot, notre héroïne va affronter une bande de psychopathes tous plus retors les uns les autres : l’amant (Gaspard Ulliel), la réalisatrice (Sandra Hüller).

Dans une réalisation magnifique où les sons, les images se superposent dans le décor majestueux du Stromboli, Justine Triet use de cette narration entremêlée, non pour cacher le vide du propos (façon Nolan ou Villeneuve), mais, au contraire, pour illustrer la confusion des sentiments.

Excellente recommandation du Professorino, qui bientôt dépassera le maître.




jeudi 4 juillet 2024


The Celluloid Closet
posté par Professor Ludovico

France Télévisions a la bonne idée de ressortir, à l’occasion de la Marche des Fiertés, The Celluloid Closet. Cet excellent documentaire de 1995 sur l’homosexualité à Hollywood accumule de nombreux témoignages de personnalités d’Hollywood (gays et hétéros), et de multiples extraits qui en font un objet instructif et réjouissant.

L’homosexualité est d’abord utilisé comme objet de comédie dans le cinéma slapstick des origines (Charlot et consorts). Elle disparait avec l’arrivée du Code Hays (1930) qui réforme la Babylone Hollywoodienne. En apparence seulement, car le Code ne fait que renforcer la créativité des scénaristes et des réalisateurs, bien décidé à passer entre les lignes pour parler de sexe*…

Quand, au début des années 60, le code Hays s’effondre de toutes parts, l’homosexualité devient une thématique « Dossiers de l’écran », sous tous les angles possibles : maladie dangereuse, repaire de serial killers, ou, au contraire, l’autre forme de l’amour.

Mais l’intérêt de Celluloid Closet n’est pas là. Si Hollywood a appris aux hétéros à comprendre les gays, et les gays à se comprendre eux-mêmes**, personne n’a échappé à cette influence. Au-delà de son sujet, The Celluloid Closet démontre que le cinéma est le grand éducateur de nos vies ; comme le dit à un moment Tony Curtis, « Cary Grant m’a appris à me comporter avec une femme, à m’habiller le soir, à aller au restaurant ou à dîner. »  

Car un film n’est pas seulement, et pas toujours, et même rarement, la volonté de l’auteur. Mais il est toujours le produit du travail qu’effectue le spectateur dans la salle, qui y projette ses propres fantasmes. Comme le chantait Nougaro « Sur l’écran noir de mes nuits blanches, moi je me fais du cinéma »

The Celluloid Closet
En replay sur France Télévisions jusqu’au 27 août

* Howard Hawks, le renard argenté d’Hollywood, expliquait ainsi saturer ses scenarios d’allusions sexuelles : « Il y en a bien quelques-unes qui passeront ! » Allusions héteros ou gays, d’ailleurs…

**”Hollywood, that great maker of myths, taught straight people what to think about gay people, and gay people what to think about themselves. No one escaped its influence. “ Commentaire lu par Lily Tomlin

***”Movies are part of my life, part of everybody’s life. That’s where we learn about life. Cary Grant taught me how to behave with a woman, how to get dressed at night, how to go to a restaurant or to a dinner.”




vendredi 31 mai 2024


La Tragédie de Macbeth
posté par Professor Ludovico

On voit l’idée. Rendre hommage à la divinité tutélaire des cinéastes, le génie maudit castré par les producteurs, Mr Orson Welles lui-même, le formidable illustrateur du grand Will : Macbeth, Othello, Falstaff. On voit l’idée, donc : tirer de l’argent chez le grand méchant Apple et concrétiser une nouvelle fois le rêve d’Orson Welles, adapter Macbeth, version arty.

Avec des sous, mais dans le même esprit : décors minimalistes façon Chirico, noir et blanc classieux du chef op’ Bruno Delbonnel et acteurs AAA à tous les étages, Denzel Washington et Frances McDormand en  couple-titre, Brendan Gleeson en Duncan, etc.

Ils sont parfaits les acteurs ; ils arrivent d’un geste à faire comprendre la poésie de Shakespeare, mais ce qui manque, c’est tout simplement du cinéma… On attend plus de Joel Coen, où est-il là-dedans ? Quel est son propos ? Son Macbeth ? Qu’a-t-il gardé ? Qu’a-t-il coupé ? Comment souhaite-t-il raconter son histoire, au delà de filmer des dialogues ? Ses choix de réalisateur restent invisibles.

C’est magnifique, mais c’est du théâtre filmé…




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