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Commentaires et/ou Conseils d’achat de DVD – Peut dégénérer en étude de fond d’un auteur



mardi 28 décembre 2021


Don’t Look Up (Déni Cosmique)
posté par Professor Ludovico

Et si Hollywood nous avait menti ? Et si, une comète s’apprêtant à percuter la terre, on n’envoyait pas de working class heroes sauver le monde, comme dans Armageddon ? Et si on ne cherchait pas à se réconcilier avec son père, comme dans Deep Impact ? Mais qu’on s’en foutait complètement ? Parce qu’on n’y croit pas… parce qu’il y’a des choses plus intéressantes, comme le mariage de Meghan Markle ou la sex tape de Benjamin Griveaux ?  

Derrière ce pitch très alléchant, il y a un ratage, cosmique lui aussi. Pour des raisons incompréhensibles, Don’t Look Up ne fonctionne pas du tout. Le top des acteurs US (Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Jonah Hill, Cate Blanchett, Mark Rylance, Timothée Chalamet, excusez du peu !) joue très bien, mais la satire tourne à vide.

Pourtant tout est là sur le papier et Adam McKay (The Big Short) fait feu de tout bois : présidence trumpiste, ados déconnectés, télé putassière et gourous hi-tech perchés… On voit très bien que les gags sont écrits, mais ça ne marche pas à l’écran.

Mystère (et magie) du cinéma.




jeudi 9 décembre 2021


Us
posté par Professor Ludovico

Après Get out, Jordan Peele enchaîne un nouveau grand film, dans son style si particulier d’horreur sociale. Le cinéma d’horreur a toujours porté en lui une petite part de critique de la société, de la folie de la consommation chez les zombies de Romero, aux teenagers bourgeois 80’s punis dans d’innombrables slashers

Mais on pourrait dire aujourd’hui, comme le fait Michel Ciment, que la part est inversée*. En effet, ce sont les films de genre qui tiennent le haut de l’affiche, même dans les festivals : Titane (Cannes), Parasite (Oscars), etc.

Le cinéma de genre n’est plus contraint dans de petites productions cheap, mais au contraire réalisé avec qualité, et des budgets afférents**. Personne ne va s’en plaindre.

Dans Us, Jordan Peele tisse à nouveau sa toile autour de personnages noirs projetés dans l’horreur pure. Une famille aisée se trouve soudain confrontée à ses doubles, qui lui ressemble trait pour trait. Pourquoi sont-ils là ? Que veulent-ils ? Le film passe alors au slasher, avec beaucoup de talent et d’humour.

La seule faiblesse du film réside dans la scène d’explication sur l’origine des doppelgangers, pas très claire et, pour tout dire, un peu inutile. Pour paraphraser Hitchcock, on aurait aimé que rien ne soit dit.

Mais hormis cela, c’est la perfection.

* Ciment se plaignait plutôt de la primauté donnée désormais aux films de genre (Titane Palme d’Or), versus des films plus conventionnels.

** Us a couté 20M$, La Nuit des Morts Vivants avait couté 114 000$ en 1968.




jeudi 2 décembre 2021


Old Joy
posté par Professor Ludovico

Old Joy est peut-être le moins intéressant de la filmographie de Kelly Reichardt. Partant une nouvelle fois d’un argument minuscule, elle en extrait cette fois-ci très peu.

Deux copains décident de partir en balade dans les Cascade Mountains. La petite rando de trentenaires va virer à l’épiphanie coming of age. Mark (Daniel London) a un job, et va bientôt de venir papa. Kurt (Will Oldham) est plutôt bohème, et se laisse porter par le vent. Leur balade – et le film donc – sont le constat de leur routes désormais divergentes.

A l’instar des personnages qui perdent un moment leur itinéraire, il semble que Kelly Reichardt ne sache pas quoi faire de cette situation. La cinéaste laisse ses personnages en suspension, mais aussi le spectateur. Pas désagréable mais pas passionnant non plus.




mercredi 1 décembre 2021


Kelly Reichardt
posté par Professor Ludovico

On réalise qu’on a oublié de vous parler des films de Kelly Reichardt, que Le Grand Action a pourtant la bonne idée de diffuser en intégralité depuis la rentrée. On avait jusque-là eu accès uniquement aux quatre films de la réalisatrice sortis en salle depuis 2010 : La Dernière Piste, Night Moves, Certaines femmes et First Cow.

Mais là, c’est l’occasion de redécouvrir les premiers films fondateurs de ce style Reichardtien si particulier, totalement indépendant et féministe. Des films low fi, tournés avec des amis d’Hollywood (Todd Haynes à la production,  et Jesse Eisenberg, Michelle Williams, Kirsten Stewart, Laura Dern comme acteurs)

Au programme : River of Grass (1994), Old Joy (2006), Wendy et Lucy (2008). On y revient. Et on parlera aussi de l’excellent dernier : First Cow.




mercredi 17 novembre 2021


Ninotchka
posté par Professor Ludovico

Il y a des cinéastes avec qui on n’est pas en affinité, sans vraiment savoir pourquoi. Dans les années 80, nous arrivions à Paris, tel un Rastignac des Yvelines. Le célèbre IUT-Paris V Communication d’entreprise était infesté de jeunes garçons du XVIème arrondissement qui n’avaient pas réussi à intégrer Dauphine, ou de filles (du même arrondissement) qui n’avaient pas – encore – trouvé de mari. En tout cas, c’étaient des parisiens qui fréquentaient les cinémas du Quartier Latin depuis leur tendre enfance, dès que leur grand mère avaient pu les emmener voir Les Aristochats. De sorte que la cafétéria de l’Avenue de Versailles bruissait des rétrospectives vachement bien qu’il fallait absolument voir : Hitchcock et Lubitsch…

Mais le Professore Ludovico, pauvre mais déjà snob, n’avait absolument pas envie, selon le mot fameux d’un comparse, de « pointer au chef d’œuvre »… Peut-être parce qu’il y décelait, indistinctement, une forme de choix bourgeois, et de pure convention sociale : voir des vieux films plutôt que plonger dans l’excitant cinéma eighties : Birdy, Blade Runner, ou La Fièvre au Corps

Quarante ans plus tard, voilà Ninotchka sur OCS, un des waypoints obligatoires de la cinéphilie, de surcroit recommandé par le Rupellien. Poussé uniquement par le nom du film et la présence de Garbo, (et sans comprendre qu’il s’agit d’un Lubitsch), on se jette donc sur Ninotchka.

En deux mots, trois russes (sosies de Lénine, Trotsky et Staline), sont à Paris pour vendre des bijoux de l’aristocratie tsariste. En face, le Comte d’Algout (Melvyn Douglas), playboy parisien, cherche à récupérer ces bijoux pour le compte de sa maÏitresse, la Grande Duchesse Swana.

Vite distraits par les plaisirs de la vie parisienne, les trois russes sont vite rappelés à l’ordre par l’envoi du commissaire politique Ninotchka (Greta Garbo), inflexible héraut de la révolution prolétarienne. Mais évidemment, la camarade Nina Ivanovna Yakouchova va tomber dans les bras du comte, puis se laisser séduire par les charmes du capitalisme.

Si le début avec les 3 stooges russes est plaisant, le film est très vieillot et l’histoire d’amour est tout sauf plausible. Greta Garbo a été belle, mais ne l’est plus en 1939*, Melvyn Leroy encore moins… Le rythme se traine à la vitesse du transsibérien et le film est affreusement pataud dans son anticommunisme primaire – et c’est un fan de Michael Bay qui vous le dit !

*C’est d’ailleurs son avant-dernier film.




samedi 30 octobre 2021


Stardust
posté par Professor Ludovico

Bowie aime les biopics. Ou les biopics aiment Bowie. Après Velvet Goldmine, ce sont des inconnus avec peu de sous qui s’y collent. Précédé d’une note catastrophique et d’une réputation ad hoc, Stardust débarque directement sur OCS. Pourtant il est loin d’être nul, le film de Gabriel Range, surtout si on le compare aux autres biopics musicaux (Ray, Bohemian Rhapsody, All Eyez on me)

Stardust remplit toutes les cases de ce que devrait être – et n’est jamais – un biopic. D’abord, il a un point de vue : David Bowie devient David Bowie pour ne pas devenir fou comme son frère, grand schizophrène. Bowie sera un schizophrène de scène, camouflant le vrai David Robert Jones sous des identités changeantes : Ziggy Stardust, Major Tom, Thin White Duke, Alladin Sane. Sûrement pas un scoop pour la Bowiesphère, mais néanmoins un bon point…

En se centrant sur la période pré-Ziggy, et en particulier sur une tournée calamiteuse aux Etats-Unis, Range dresse un portrait assez fin de Bowie (très bon Johnny Flynn) et de sa relation compliquée avec Angie (Jena Malone, qui explose ensuite dans Too Old To Die Young).

Certes, on a droit à la happy end conventionnelle : Bowie sauvé par sa transformation en Ziggy, le personnage-concept qu’il est le seul à défendre. L’éternelle héroïsation « seul contre tous » du biopic, comme si l’art se faisait tout seul.

En réalité, l’histoire de David Bowie commence, et Ziggy est loin d’être une happy end. Mais pour cela, il faudra voir (ou revoir) l’excellent Velvet Goldmine de Todd Haynes, qui reprend la saga Bowiesque là où Stardust se termine, sur un ton beaucoup plus fictionnant et mystique.

Stardust n’a pas cette ambition, ou, en tout cas, son ambition est toute petite. Mais dans cadre, il réussit.

 



mercredi 27 octobre 2021


Return of the Secaucus 7
posté par Professor Ludovico

Depuis la révélation Passion Fish et Lone Star, on avait noté soigneusement sur notre Palm Pilot les films de John Sayles. Le cinéaste avait ébloui nos années 90, la grande époque du cinéma indépendant façon Hal Hartley, Steven Soderbergh, ou Harmony Korine.

Mais le cinéma de Sayles était invisible : trop américain pour le cinéma « cultivé » français, trop « cultivé » pour les américains. Pas de DVD, pas de diffusion TV, et rien sur les plates-formes de streaming*.

Et patatras, voilà qu’on apprend au détour de Libération que la Cinémathèque Française organise une grande rétrospective. On se jette d’abord sur AlloCiné – le site le plus buggé de France depuis Day One – puis on se replie sur le site de la Cinémathèque : une vraie rétrospective, avec toute notre ToDo list : The Secret of Roan Inish, The Brother from Another Planet, Baby, It’s You, Lianna, et Return of the Secaucus 7

Malheureusement, on travaille, et on ne peut pas tout voir. Donc priorité est donnée au premier film, Return of the Secaucus 7. Nous voilà donc tranquillement installé dans la salle quand un fâcheux s’empare du micro, et l’on se dit qu’on va avoir une demi-heure d’exégèse oiseuse, mais non. « Mesdames et Messieurs, je vous demande d’applaudir… John Sayles ! ». Le Maître était dans la salle ! Prototype du septuagénaire américain, cool et élégant, le Johnny nous narra en dix minutes chrono la genèse de son premier film. Simple romancier, scénariste sur les films série B de Roger Corman, John Sayles avait gagné 40 000 $ pour écrire le Piranha de Joe Dante. Il les investit sur ce premier film. Lui qui n’avait passé qu’une journée sur un plateau, ses camarades acteurs et techniciens guère plus, bouclèrent ce Return en cinq semaines…

C’est évidemment la faiblesse – et tout le charme – du film. Le montage est abrupt, et parfois hasardeux, l’image 16 mm très granuleuse, mais voilà : John Sayles a quelque chose à dire. Un petit sujet qui n’intéresse plus grand monde aujourd’hui : la vie, tout simplement. L’éternelle histoire coming of age d’une bande de trentenaires qui se retrouvent dans une maison de campagne**. L’occasion de comprendre qu’on n’a plus vingt ans, que des choix importants se profilent (le couple, le mariage, les enfants, la carrière, devenir chanteur de country ou renoncer à ses idéaux et faire du fric). Et constater l’écart qui se creuse avec les copains laissés au bled, devenus garagistes, tandis qu’on fait carrière à Washington… Malgré ses acteurs débutants***, Return of the Secaucus 7 finit petit à petit par nous gagner. À la fin, John Sayles a installé la petite musique inimitable qu’il va développer dans une vingtaine de films.

« La plupart des films [de John Sayles] sont à la pointe des grandes préoccupations de reconnaissance sociale, identitairetout en se refusant aux platitudes des discours bornés, péremptoires, du «film à sujet»» , constatait Camille Nevers dans son excellent article consacré au cinéaste dans Libération. « Latinos, Amérindiens, noirs, homosexuels, femmes, pauvres, étrangers, ruraux, les opprimés habitent ce cinéma en refusant de se laisser fixer sur une seule identité ou une fiction bouclée… »

 Rien de plus ? Rien de moins, en tout cas.

* Depuis, certains films sont disponibles sur Amazon et Canal+

** On a souvent prétendu que Lawrence Kasdan s’en était inspiré pour son Big Chill, ce que le cinéaste a toujours nié.

*** L’occasion de découvrir les début de Gordon Clapp (le Medavoy de NYPD Blue) ou David Strathairn (qui va devenir l’acteur fétiche de Sayles, puis faire carrière sur le tard : Good Night, and Good Luck, Lincoln, The Expanse…)




samedi 24 juillet 2021


Jojo Rabbit
posté par Professor Ludovico

C’est le sujet casse-gueule par excellence. Une comédie sur le Troisième Reich. Très peu ont essayé, beaucoup ont échoué, très lourdement comme l’ignoble La Vie Est Belle de Roberto Benigni.

Jojo Rabbit tente l’impossible : une comédie sur un petit garçon des Jeunesses Hitlériennes, et dont l’ami imaginaire n’est autre qu’Adolf Hitler ! Un Adolf Hitler drôle, qui fait des blagues et danse sur les chansons des Beatles.

Si on rit de bon cœur sur ces plaisanteries, c’est d’abord par le style impeccable de la mise en scène (sous influence Wes Anderson) , et une bande de comédiens parfaits (Roman Griffin Davis, Scarlett Johansson, Thomasin McKenzie, Taika Waititi, Sam Rockwell…)

Et on se demande évidemment comment cela va finir, comment conclure, comment résoudre l’équation impossible d’une rédemption du petit nazi qui ne serait ni ridicule, ni à l’opposé de la trajectoire du film depuis le début.

Comme le propose le carton final, pré-générique de fin, il faut « laisser tout vous arriver, beauté et terreur… Continuez à le faire, car aucun sentiment n’est jamais définitif *». Magnifique morale de l’histoire, et merveille de bout en bout.

Oui, on peut être un héros, juste pour une journée.

* Rainer Maria Rilke




jeudi 22 juillet 2021


The Nest
posté par Professor Ludovico

The Nest, en anglais c’est à la fois le doux nid du couple de tourtereaux, et aussi le nid de frelons. C’est de cela dont parle le nouveau film de Sean Durkin, dont on avait adoré le très fin Martha Marcy May Marlene.

De la transplantation d’une famille, de New York à Londres dans les 80s, pilotée par la volonté mythomane du père de famille, trader en pleine ascension, et formidablement interprété par Jude Law.

Durkin montre rapidement les faux-semblants de cette trajectoire, qui n’est pas sans rappeler le Shining de Kubrick, sans l’emphase fantastique, même si, à certains moments, des fantômes semblent frapper à la porte… à moins que ce ne soit un courant d’air, ou une impression de déjà-vu.

Mais si le film est intéressant dans cette ambiguïté, et si les acteurs sont tous excellents (dont notre chouchou Carrie Coon), il n’arrive pas vraiment à décoller, ni à passionner.




mardi 22 juin 2021


Bobby Deerfield
posté par Professor Ludovico

Tout fan d’Al Pacino est completiste, et tout cinéphile se doit de l’être également. Il veut avoir tout vu, même le pire. En particulier les vieux films, qu’on imagine – souvent à tort – bons. L’effet magique de la patine du temps, j’imagine. C’est ainsi que Bobby Deerfield est sur ma liste Pacino depuis longtemps.

Ça aurait dû m’alerter. Un film difficile à voir, il y a toujours une bonne raison pour ça : en général, il est assez mauvais. Même W9 n’en veut pas.

En fait, Bobby Deerfield est une tentative cynique de surfer sur les océans marketing de Love Story, le grand succès mélo de la Paramount des années 70. Pollack part là-dessus, avec un alibi littéraire : l’adaptation du Ciel n’a pas de préférés, d’Erich Maria Remarque. L’argument : une-très-belle-femme-au-caractère-complexe émeut un très beau protagoniste masculin, qui tombe bizarrement amoureux ; mais, pas de bol, ça va mal finir.

Là-dedans, il y a une bonne idée, très mal gérée par le metteur en scène d’Out of Africa : Bobby Deerfield est pilote de Formule 1 ; il voit la mort en face tous les jours (son coéquipier a un accident dans la première scène). La-très-belle-femme-au-caractère-complexe cherche de son côté à s’échapper d’un hôpital pour une maladie inconnue. Indice : elle perd ses cheveux.

On voit l’idée ; qui affronte réellement la mort, qui peut apprendre de l’autre… ?

Le caractère fantasque de Lilian est la bonne nouvelle du film. Heureusement qu’elle est là, Marthe Keller, car c’est elle qui apporte le grain de folie du film, dans tous les sens du terme. Son interprétation est tout simplement époustouflante, apportant complexité, naturel, et sensualité à fleur de peau.

À côté, et c’est une rareté, Al Pacino joue mal, dans un registre de petit gars timide (sa spécialité dans ses premiers films (le Michael de la première partie du Parrain, Panique à Needle Park, Justice pour Tous)) Malheureusement, ça ne colle pas du tout à la personnalité d’un pilote de Formule 1. Validant au passage la théorie du Professore sur les Césars/Oscars, Al Pacino a été nommé au Golden Globes 1978, tandis que Marthe Keller n’a rien eu.

Dernier clou sur le cercueil, Pollack essaye maladroitement de copier Antonioni en insérant dans son film totalement mainstream quelques plans ultra-allégoriques, comme ce passage dans le tunnel, surjoué et surfilmé.

Le problème de la collection du cinéphile, c’est qu’il ne peut jamais s’en débarrasser : les mauvais films prennent autant de place dans son cerveau dérangé que les chefs-d’œuvre.




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