[ Séries TV ]

Il n’y pas que le Cinéma dans la vie.. y’a aussi quelques séries TV…



mardi 29 novembre 2016


Casual
posté par Professor Ludovico

On ne regardait plus trop de sitcoms, car rien ne nous faisait rire. L’humour, ça se date plus sûrement que le Carbone 14. Parks & Recreation, par exemple, qui tord de rire mes enfants, peine à me décrocher un sourire. C’est tout simplement que ce rire-là ne nous est plus destiné.

On essaye pourtant ce qui passe ; Togetherness, par exemple, précédé d’une réputation flatteuse. On sourit mais on n’est pas suffisamment séduit pour s’engager dans la relation à long terme que représente une série.

Casual ressemble beaucoup à Togetherness (famille de californiens divorcés et problèmes de couple afférents), mais cette série-là, elle nous parle. Une histoire de quadras qui doivent se refaire une vie, et pas seulement sexuelle. Le pitch : Valerie est une psy qui a réussi (merveilleuse Michaela Watkins), mais qui vient de se faire larguer pour une jeunette de vingt ans. Elle emménage par nécessité chez son frère (Tommy Dewey), start-upper à succès, en embarquant sa fille ado (Tara Lynne Barr). Mais rien n’est simple. Le tonton est certes séduisant, très très (trop) cool, mais aussi un peu suicidaire. La jeune fille, elle, est très pressée d’expérimenter sa sexualité et la mère cherche désespérément à retrouver la sienne.

On l’a compris, les trois sont à la poursuite de ce casual sex que nous vante les sites de rencontres (et c’est justement le métier du tonton, tiens, tiens). Leur quête poursuit des motivations bien différentes, mais les résultats sont tout aussi catastrophiques. On ajoutera des grands parents dysfonctionnels (avec une Frances Conroy qui joue l’exact opposé de son rôle dans Six Feet Under) et un voisin black (Nyasha Hatendi), british et coinçouille, et vous avez une salade californienne particulièrement réjouissante.

Casual a l’intelligence de chercher le sourire avant l’éclat de rire, d’alterner le chaud comique et le froid dramatique, et la finesse de choisir des comédiens normaux, pas particulièrement beaux, et donc parfait contrepoint à cette Californie hygiéniste et politiquement correcte, où le rêve d’un sexe performatif et efficace côtoie les utopies d’un relationnel de couple fusionnel, sans accroc ni conflit.

On ne pouvait pas attendre moins de la férule de Jason Reitman, monsieur In the Air, Juno, et Thank You for Smoking




samedi 12 novembre 2016


Un Village Français, finale : un naufrage français
posté par Professor Ludovico

C’est triste de voir couler le Titanic. Une série qui semblait insubmersible malgré ses défauts, et malgré les charges de plus en plus importantes qu’on lui demandait de porter : être une série pédagogique, mais excitante (donc feuilletonnante) avec des personnages crédibles, mais pas monolithiques, et qui ne rate pas sa sortie : l’Epuration, 1945, était toute désignée pour servir d’écrin à un final en beauté.

Malheureusement, la série déclinait déjà depuis deux saisons, et son naufrage n’en est que trop logique. Comme toutes les séries, on peut imaginer que ses fondateurs soient déjà partis comme des JJ Abrams de Marne-La-Coquette, avec en tête de nouvelles aventures, de nouvelles séries, et des projets à pitcher.

Mais quand même. Six scénaristes, un atelier d’écriture, un conseiller intrigue, un conseiller en psychologie des personnages ; tout ça pour ça ? Autant de monde pour torpiller dans les grandes largeurs le plus beau cuirassé que la France fictionnelle ait produit depuis des années ? Six épisodes pour massacrer consciencieusement ses personnages, les amener prendre des décisions les plus ridicules les unes que les autres, et leur faire jouer des situations les plus rocambolesques ? Un cake indigeste, nappé par-dessus le marché de quelques velléités graphiques tout aussi ambitieuses que ridicules ? Du fameux mouvement circulaire avant/après évoqué précédemment aux faux raccords de la scène d’amour des Schwarz, qui tentent péniblement d’évoquer La Ligne Rouge ?

Ça fait beaucoup pour le suiveur, comme on dit sur le Tour de France.

Et crime ultime pour une fiction : ne pas finir. Un Village Français avait déjà du mal à relier une saison à l’autre : pas de résumé de l’épisode précédent*, pas de scène de réintroduction contextuelle. On sait désormais que ce Village-là ne sait pas non plus faire un dernier épisode. Le Professore resta longtemps abasourdi avec sa petite famille devant le générique de fin, se demandant si c’était bien là la fin de Villeneuve.

* On suppose que, dans ce cas particulier, on fasse appel à « l’intelligence du spectateur »…




mardi 1 novembre 2016


Un Village Français, la der des ders
posté par Professor Ludovico

C’est parti pour les six derniers épisodes de notre série fétiche sur la France de 40, et, à vrai dire, il est temps que ça s’arrête. La série, qui était composée à 90% de réalisme historique et à 10% d’intrigues feuilletonnantes, est en train d’inverser cette proportion. Elle aligne les rebondissements les plus improbables, les uns après les autres, croyant que ça fait système. Au contraire, le spectateur, dépité, amoureux désabusé de sa maîtresse infidèle, décroche un peu plus à chaque scène.

Ainsi, Müller, dont personne ne nous a dit ce qu’il était devenu (les résumés à l’américaine, c’est vulgaire), revient dans la Grande Scène du IV. Une scène abrupte, absurde, incompréhensible, qu’on explique après (par un dialogue évidemment. Don’t show. Tell, it’s cheaper!) : Müller a été retourné, il est devenu un agent de l’OSS, comme beaucoup de nazis à cette période. N’importe qui, d’Asghar Farhadi à Hitchcock, de Marcel Carné à Steven Spielberg, vous aurait expliqué qu’il faut faire l’inverse, pour créer la suspense, pas la surprise.

Mais bon, UVF n’en est plus là. Elle préfère dépenser son argent dans un très bel effet spécial, qui mélange, d’un tour de caméra, passé et présent ; une façon de montrer que rien n’a changé sous la France de De Gaulle. Car il reste de belles choses dans Un Village Français ; les « corvées de bois » de la Guerre d’Algérie qui s’annoncent dans la scène des prisonniers allemands, les gaullistes qui ne s’embarrassent pas trop de principes, les communistes non plus. Il reste aussi quelques beaux personnages : Larcher, Schwartz, Servier, Bériot.

Dans quelques années, on oubliera les prestations calamiteuses des autres acteurs (peu aidés, la plupart du temps, par des situations scabreuses) pour retenir le courage ultime d’un Servier, la gouaille d’un Marchetti, l’assurance morale d’un Schwartz.

Car Un Village Français nous a beaucoup donné. Et s’il nous a un peu repris ces dernières années, le cadeau originel ne s’oublie pas.




lundi 10 octobre 2016


Twin Peaks, la beauté et la vérité
posté par Professor Ludovico

Troisième pèlerinage à Twin Peaks, cette fois-ci avec le Professorino. A cet âge-là, – quatorze ans – on déteste se faire imposer par le paternel un quelconque programme de visionnage. Il y a les parties commentées de League of Legends à mater sur Twitch, les messages à lire sur Messenger, et on veut suivre sa propre route ; finir par exemple la saison 3 d’Orange si the New Black, depuis que le vieux a décidé que les filles de Litchfield étaient devenues nulles. Sans parler de la carrière de Jean-Kevin Augustin qu’il faudrait faire décoller sur FIFA 17. Mais la soeur, déjà passé par Snoqualmie Falls, fait pression : ça sent le rite initiatique. On s’y colle donc.

Quand on regarde Twin Peaks pour la troisième fois, il est possible de s’attarder sur les détails. Et donc de remarquer les faiblesses de la série, son montage et ses coupures publicitaires parfois hasardeuses, ses longueurs non voulues (on ne parle pas des longueurs lynchiennes voulues*)…

Mais maintenant, nous pouvons approcher de près la toile Twin Peaks, et admirer un par un les détails, les coups de pinceaux, de Maître Lynch.

On remarquera ainsi que les pilotes des deux saisons sont des chefs-d’œuvre du genre. Et notamment celui de la saison deux, où un moment particulier fait exploser le talent de David Lynch et de ses comédiens.

Dans cette scène, on va enfin apprendre l’histoire d’Ed et de Nadine. Pourquoi ce couple si mal assorti, le garagiste beau ténébreux et la pirate folle des rideaux sont mari et femme. Dans une confession déchirante, Ed raconte les événements survenus vingt ans auparavant. Évidemment Ed aimait Norma, la sublime et émouvante patronne blonde** du Double R, LE diner emblématique de Twin Peaks. Et Norma aimait Ed. Mais un soir, Norma est parti avec Hank, futur voyou de Twin Peaks. De dépit, Ed s’est saoulé avec la première fille venue, Nadine. Nadine, la pas très jolie, mais si douce et si gentille.

Le lendemain, Norma est revenue ; il ne s’était rien passé avec Hank. Pas de chance, Ed et Nadine avait passé la frontière et s’étaient mariés. Tragédie. Vingt ans de malheur.

Cette histoire-là est si bien amenée depuis six épisodes (les regards déchirants des anciens tourtereaux, la folie absurde de Nadine, l’ombre menaçante de Hank qui va sortir de prison) qu’on est émotionnellement prêts à l’entendre. Et cette révélation est si formidablement interprétée par Everett McGill***, assis dans ce couloir d’hôpital, qu’il nous tire directement les larmes, comme à l’Agent Cooper.

Mais c’est à ce moment-là que David Lynch fait un truc absolumement incroyable, un truc qui définit totalement Twin Peaks, qui est totalement Twin Peaks : il inverse la charge émotionnelle de la scène.

Nous étions dans le mélo, nous passons dans la comédie.

En face d’Ed, dans ce couloir d’hôpital où Nadine est peut être en train de mourir, il y a un odieux personnage, qu’on a déjà vu : l’Agent Albert Rosenfield (génial Miguel Ferrer). Depuis le début de l’enquête sur Laura Palmer, Rosenfield représente le seul vrai flic de la série, dur, méchant, mécaniquement professionnel. Un des rares personnages réalistes de Twin Peaks, prêt à découper sans vergogne le corps de Laura pour l’autopsie, ou à moquer les manières de bouseux du Sherif Truman ou du docteur Hayward. Albert, c’est la méchanceté de la ville, c’est l’ombre de Washington qui plane sur l’Amérique des campagnes. Le type qui n’a rien compris à la vraie vie, au bon café, à la tarte aux cerises, aux pins Douglas. Un type qui ne saura jamais que la vraie vie est à la campagne ; un type qui n’a rien compris à Twin Peaks, la ville ou la série.

Et voilà que Rosenfield retient difficilement un fou-rire devant l’histoire d’Ed et de Nadine, d’Ed et de Norma. Plié en deux, maîtrisant à grand peine ses larmes, en contraste total avec la consternation des autres personnages.

Mais, nous, subitement, nous basculons vers Albert : cette histoire d’amour, c’est un cliché ridicule, c’est pathétiquement corny, c’est digne d’un épisode d’Invitation à l’amour, le soap que regarde Lucy avec assiduité.

Encore mieux, Lynch, après nous avoir fait basculer des larmes aux rires, va encore alterner entre ces deux sentiments. Nous avec Ed qui pleure, puis nous qui rigolons avec l’agent Rosenfield, puis retour à Ed, etc.

Arriver à nous faire ressentir en même temps ces deux sentiments, c’est tout bonnement extraordinaire. Ce n’est pas lynchien (l’homme de Missoula étant rarement drôle dans le reste de son œuvre). Est-ce que cela existe ailleurs ? Même pas sûr.

Mais c’est Twin Peaks, cette série-monde qui passe de la tragédie à la comédie, du polar au mélo, ou, comme dans la dernière scène de ce pilote saison 2, à la terreur pure.

Lynch a toujours dit vouloir montrer les choses telles qu’elles sont, et pas comme la morale nous a appris à les regarder. Le cinéaste expliquait ainsi garder dans un bocal de vieux chewing-gum mâchés par ses amis, ou, dans un autre, des mouches mortes. Deux choses bien dégoûtantes en vérité. Mais, expliquait-il, il suffit d’enlever les mots qui ont été plaqués dessus pour entrevoir une autre réalité : la beauté, la vérité. Plus de chewing-gum, plus de mouches, mais une belle pâte rose, brillante et aux formes étonnantes, ou les reflets noirs et irisés de l’autre bocal. Filmer en somme le Festin Nu, le projet littéraire de William Burroughs, la vérité au bout de la fourchette ; sans jugement, sans morale. La beauté et la vérité.

Twin Peaks n’a fait que montrer cela ; la pure et terrifiante beauté de la vie, et son horrifique réalité.

* Comme par exemple la scène trioliste de la James’ song, où James passe de Donna à Maddy en trois minutes quarante ; une scène tout aussi romantique que terrifiante
** Peggy Lipton, qui est aussi la maman de Rashida Jones, miss Perkins de Parks & Recreation ou l’avocate sexy de The Social Network
. Bon sang ne saurait mentir.
*** Everett McGill, qui joue aussi le Stilgar de Dune.




vendredi 7 octobre 2016


Peaky Blinders
posté par Professor Ludovico

Comment se mettre à dos ses amis ? En regardant Peaky Blinders, une série recommandée à la fois par Notre Agent au Kremlin, Karl Ferenc Scorpios, et Rillettes du Mans.

Ce n’est pas le pitch qui cloche (l’histoire d’une famille de gangsters qui cherche à devenir un opérateur respectable de paris hippiques dans la riante Angleterre de 1919), ce n’est pas le casting, entre Cillian Murphy, toujours beau à tomber, (La Jeune Fille à la Perle, Batman, Red Eye, le Vent se Lève, Sunshine, Inception), Annabelle Wallis encore plus belle que la Jane Seymour des Tudors, ou notre chouchou nineties, Sam Neill toujours aussi bon depuis Calme Blanc, Jurassic Park, L’Antre de la Folie, Les Tudors, etc.) Ce n’est pas l’image somptueuse, avec des moments qu’on n’oubliera pas, comme ce cheval blanc qui traverse les hauts-fourneaux de Birmingham. Ce n’est sûrement pas la musique, avec la main rouge de Nick Cave, chanson fétiche du Professore, qui sert de comptine atroce quand nos héros déambulent dans les slums de Birmingham*.

Non, ce qui nous empêche d’apprécier pleinement Peaky Blinders, ce sont ses dialogues. Tout, dans la série, est expliqué par un dialogue. L’héroïne veut venger son père tué par l’IRA : son patron le dit. Elle trahit par amour : elle dit « j’ai trahi par amour »…

Steven Knight, le créateur de ces Blinders, aurait pu dans le premier cas, montrer une photo de la tombe du père, et dans le second, un beau regard triste de miss Wallis aurait suffi à nous aider à déchiffrer ses sentiments (chose assez facile, en vérité, puisqu’elle venait de faire l’amour avec le garçon en question). Mais non, tout est dit. Tout doit être dit. Comme si le spectateur n’était pas assez intelligent pour comprendre.

Contrairement à la leçon de maître Hitch, qui « aurait préféré que rien ne soit dit… »

Ou ce que vous trouverez dans n’importe quel manuel de scénario : « Show. Don’t tell. »

*Take a little walk to the edge of town
Go across the tracks
Where the viaduct looms
Like a bird of doom
As it shifts and cracks
Where secrets lie in the border fires
In the humming wires
Hey man, you know
You’re never coming back
Past the square past the bridge
Past the mills, past the stacks
On a gathering storm comes
A tall handsome man
In a dusty black coat
With a red right hand




samedi 17 septembre 2016


Leftovers, saison 2
posté par Professor Ludovico

C’est le début de la deuxième saison de nos disparus et c’est déjà la perfection. Jusqu’à preuve du contraire, The Leftovers fait déjà partie de la top liste.
Incroyablement bien construite, extraordinairement filmée et interprétée, The Leftovers confirme les espoirs placés dans la saison 1. Ces disparus font bien sûr penser à Lost, et la patte de Cuse/Lindehof est extrêmement repérable dans les deux. Les deux séries jouent à fond la carte du mystère mais, contrairement à notre île chérie/haïe, on s’est engagé ici à ne pas le résoudre.

Ce pari peut-il être gagnant sur le long terme ? Là est la question. Car si ce que le spectateur vit en ce moment sur The Leftovers est tout simplement magnifique, on ne jugera, comme toute œuvre, que la fin… c’est la tragédie de Lost, qui a fait vibrer… jusqu’au moment où elle a cessé de nous faire vibrer.

Jusque-là, The Leftovers accumule les questions. Pourquoi le sudden departure ? Cet événement séminal pourrait rester, comme promis, sans réponse. Mais avec toutes les questions annexes qui se sont accumulées sur les personnages, – et qu’on ne va pas révéler ici –, si l’on restait sans réponse, la déception pourrait être immense. Comme dans Lost.

Par ailleurs, The Leftovers se refuse à toutes les putasseries habituelles. Au spectateur de relier les fils entre les personnages, de reconstituer la chronologie*. C’est aussi, une série sans fard. La vérité nue, à l’image des deux actrices principales** qui acceptent de jouer démaquillées. Et un motif visuel récurrent apparaît dans chaque épisode de cette saison 2 : un affrontement face à face entre deux personnages, en long gros plans champ/contrechamp, qui laissent aux acteurs la part du roi.

Car c’est bien ça, le cœur de Leftovers ; l’examen brut de tous les recoins de notre humanité. Le couple, la parenté, la famille, la communauté sociale ou professionnelle, sous le choc d’un drame extraordinaire, à savoir la disparition de 140 millions d’habitants. Mais est-si extraordinaire qu’à ça ? Dès le pilote de cette nouvelle saison, le débat est lancé : L’humanité a déjà été menacée d’extinction, et des gens disparaissent tous les jours, pour bien d’autres raisons que le sudden departure. The Leftovers est déjà une critique de cette compétition mémorielle, et semble dire que la question de savoir qui souffre le plus est un non-sens Une question qui ne motive finalement que les religions établies ou celles qui veulent le devenir, sans parler des états et les marchands du temple.

Non, la question n’est pas là. Comment chacun regarde l’abîme, telle est la vraie question. Et c’est ça qui fascine le spectateur, lui aussi confronté à ces questions existentielles.

Même si la saison trois se révélait décevante, on conviendra qu’on voit rarement ça à la télé.

* Même quand ses auteurs se permettent des flash-back pour le moins étonnants. Ce qui rappelle les acrobaties de Lost avec la chronologie, et ses fameux flash forwards
** Amy Brenneman (Heat) ou Liv Tyler (Armageddon, Le Seigneur des Anneaux)




jeudi 18 août 2016


The Expanse
posté par Professor Ludovico

On a déjà lu le livre, ce qui explique probablement pourquoi on a déjà un a priori négatif sur la série. Le livre, écrit avec les pieds, est ce genre de page turner insupportable qui sort tout droit des ateliers d’écriture dont sont friands les – mauvais – écrivains américains. Pire, il se veut un crossover malin de deux vaches sacréees : Alien et Blade Runner.

Dans un futur proche, trois planètes s’affrontent : la Terre, planète privilégiée, Mars, en pleine terraformation, et les Planètes Extérieures (au delà de la Ceinture d’astéroïdes, c’est à dire Jupiter, Saturne, etc.). Ces dernières se battent pour leur survie, plus difficile que sur Mars ou la Terre. Deux intrigues s’entremêlent : un appel de détresse est lancé par un vaisseau inconnu, l’équipage du vaisseau, piloté par son jeune capitaine James Holden, est obligé d’y répondre (hmm…) De l’autre, sur la station surpeuplée de Cérès un flic quadra désabusé (hmm hmm…) doit enquêter sur une des occupantes dudit vaisseau. L’ironie dramatique est au maximum, ça n’ira guère plus loin… Si ce n’est qu’on est au bord d’un conflit général.

Ce qui est passionnant par contre, c’est ce décor de space opera glauque peu utilisé au cinéma (Alien et Outland, à notre connaissance). Si Star Wars et et ses guerriers en jupettes a raflé la mise, la SF sérieuse, proposant une préfiguration réaliste de notre avenir proche a peu droit de cité.

Mais l’intrigue est à la fois trop classique et pas très claire*. C’est renforcé par la série qui tente de se glisser (très difficilement) dans les chaussons de production de Battlestar Galactica : grandes ambitions et petits moyens, malheureusement sans le talent de Ronald D. Moore. Ici, contrairement au majestueux cuirassé du Commandant Adama, les combats spatiaux ne sont ni fluides ni compréhensibles. L’intrigue elle même est découpée en multiples scènes dont le seul objectif semble de faire monter artificiellement la pression à coup de cliffhangers bidons. Vont-ils survivre à la panne d’antenne ? à la dépressurisation ? À la crise cardiaque ? (dans la même scène..)

De cliffhanger en cliffhanger, on veut voir la suite mais on ne s’attache pas aux personnages. Il faut dire qu’ils sont joués par des soucoupes en porcelaine, abonnés aux séries de quatorzième catégorie. Il ne suffit pas de ressembler à Jon Snow…

Bref, Théorème de Rabillon oblige, on va continuer notre voyage au-delà de la Ceinture. Sans espoir que ça décolle réellement.

* Le livre n’était pas très clair non plus.




lundi 11 juillet 2016


The Knick
posté par Professor Ludovico

Steven Soderbergh ne cesse de nous étonner. Il est, avec quelques autres, un des derniers innovateurs du cinéma. Au moment même où il annonce (après Liberace) vouloir renoncer à un cinéma qui ne permettrait plus de faire des films ambitieux, le cinéaste et producteur protéiforme* se tourne vers la télé, dernier refuge de l’audace, où personnages adultes et propos intelligents peuvent cohabiter. À croire qu’il lit CineFast !

Steven Soderbergh s’est donc lancé en 2013 dans l’aventure The Knick, grâce à Cinemax (une filiale de HBO), terrain fictionnel permettant d’étendre totalement ses ailes.

The Knick c’est ça. Ce Grey’s Anatomy steampunk part d’une idée toute bête : de la musique électro (signée Cliff Martinez**) pour illustrer un film d’époque. Une façon d’éviter les écueils d’une reconstitution aux petits oignons (ce qu’est The Knick par ailleurs). Ensuite la violence du propos, et la description sans fard de l’Amérique en train de se construire, avec ses immigrants. New York, 1900.

Steven Soderbergh a une certaine façon de regarder cela en biais, comme il l’a fait dans le reste de son œuvre. S’approprier un genre populaire (ici la série médicale) et le travailler sérieusement, socialement, politiquement. Ici, les progrès de la médecine, à pas de géant, mais aussi au forceps, ne sont qu’un prétexte pour attaquer les thématiques qui hantent l’opus soderberghien (en gros : sexe, mensonge, corruption). Avec une quatrième couche au millefeuille : le racisme, incarné par le parcours d’un médecin noir recruté par une famille progressiste, au milieu de l’establishment blanc.

Pour cela il faut un casting énorme, sans grande star, pour incarner cette galerie de personnages tous aussi passionnants les uns que les autres (le grand patron megalo (Clive Owen), la jeune infirmière carriériste (étonnante Eve Hewson***), les jeunes coqs prodiges (André Holland, Eric Johnson, Michael Angarano) et la sublime Cornelia, dame patronnesse de l’hôpital, l’héritière Robertson (Juliet Rylance)…

Le premier coup de génie du réalisateur, c’est à la fois d’avoir soigné la reconstitution (on se demande pendant tout le film où tout cela est tourné, tant on a le sentiment d’être physiquement dans le New York du début du siècle, sans la béquille habituelle de la 3D) et d’avoir filmé ça dans son jus, comme un reportage, caméra à l’épaule, sans éclairage supplémentaire.

C’est d’ailleurs Soderbergh qui tient la caméra, et le travail des éclairages est tout à fait extraordinaire. Prendre la caméra à l’épaule, ça permet de gagner beaucoup de temps et d’argent (pas de mise en place compliquée) ; mais ça permet surtout de mettre le budget ailleurs : dans un plan séquence incroyable (le bal, saison 2) ou dans un décor coûteux (la fête foraine).

Ce mélange d’esthétique est de naturalisme n’est pas à la portée de tous.

* Il suffit de jeter un œil – à rebours – à son incroyable filmographie : le film social caché dans un film de Chippendales (Magic Mike), les limites du porno (Girlfriend Experience), le biopic (Che, Liberace), le blockbuster détourné (Ocean’s 13, Erin Brockovich), la série ou le film politique (K Street, Traffic), le film SF élégiaque (Solaris), le film d’auteur (L’Anglais, Sexe, mensonges et vidéo)…

** Non content d’avoir été le premier batteur des Red Hot Chili Peppers, et d’avoir composé la musique des Soderbergh et des Nicolas Winding Refn, il travaille pour aussi Xavier Gianolli ou Harmony Korine…

*** Message personnel à Notre Agent au Kremlin : vous aviez raison, finalement…




jeudi 7 juillet 2016


Game of Thrones, saison 6
posté par Professor Ludovico

Après un passage à vide en saison cinq, les dragons sont de retour pour une sixième saison. Avec une certaine émotion, vu que l’on sait qu’il ne reste plus que deux saisons, et une douzaine d’épisodes pour terminer cette immense saga. C’est donc la nostalgie qui prévaut, car on voit bien que la série est en train de replier ses ailes. Les personnages se regroupent, prennent des décisions plus tranchées, et des personnages mineurs (générateurs d’intrigues annexes) sont éliminés purement et simplement.

C’est son premier défaut. On ne devrait pas voir la technique scénaristique à l’œuvre. Le magicien doit cacher la main qui fait le tour. Mais à côté de cela, c’est beaucoup mieux que la cuvée 2015. Même s’il y a peu de rebondissements, la saison avance inéluctablement. On s’opposera – suivant le regard que l’on porte à chacun des personnages – sur le réalisme de tel ou tel rebondissement. Les spécialistes des batailles moyenâgeuses, de la portée d’un arc, du rôle d’un vassal, s’affronteront avec les tenants de la dramaturgie ou de la technique cinématographique (ah, le hors-champ dans Game of Thrones !) mais l’on s’accorde sur le fait que la saison 6 est une bonne saison. Pas excellente, néanmoins, car il lui manque le sens de la repartie, les dialogues mouchetés qui ont fait le succès des quatre premières.

Mais on voudrait déjà être en avril. Une fois que l’hiver sera passé.




vendredi 3 juin 2016


Mozart in the Jungle, saison 2
posté par Professor Ludovico

Une bonne idée ne suffit pas pour durer. C’est la démonstration que fait Mozart in the Jungle. Dans cette deuxième saison, tout s’essouffle. On a beau partir au Mexique (sur la terre natale du maestro), on s’ennuie ferme. Les enjeux semblent bêtement plaqués pour faire avancer l’intrigue (histoires d’amour bateau, inversion grotesque de certaines relations (le maestro et son mentor mexicain). Résultat : les personnages ne nous touchent plus. Peut-être a-t-on déjà tout utilisé de Sex, Drugs, and Classical Music, le livre de départ…

C’est dommage, on était tombé amoureux de Lola Kirke.




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