[ Séries TV ]

Il n’y pas que le Cinéma dans la vie.. y’a aussi quelques séries TV…



vendredi 13 novembre 2015


The Affair, S02e03
posté par Professor Ludovico

On n’osait pas reprendre la saison 2 de The Affair. On avait tellement aimé la saison 1, qu’on se demandait comment Sarah Treem et Hagai Levi allait pouvoir à la fois surpasser cette saison-là, et lui trouver une suite correcte, tout en résolvant les mystères savamment entretenus de l’intrigue policière. Pour cela, nous renâclions tel un vulgaire jockey tombé à l’orée du rail ditch and fence du Grand Steeple Chase de Paris.

Mais Notre Agent au Kremlin nous ramena aux dures réalités cinefasteuses ; le premier épisode était très bien, et nous devions remonter sur notre monture. Une fois lancé, en effet, nous voilà incapable de nous arrêter de dévorer cette deuxième saison.

Car cette Affair est le parfaite antidote à la morosité cinématographique. Après avoir enfilé la même semaine Sicario, Everest, Seul sur Mars, tous mauvais pour des raisons différentes, un peu de cinéma – même sur un écran d’un seul mètre de large – satisfaisait nos besoins essentiels. Une histoire, des personnages, des enjeux. Nous n’en demandons pas plus, en vérité. Pas besoin de montagne à vaincre, de narcotrafiquant ou de martiens, le désastre d’un couple, la construction compliquée d’un autre, fournit plus de cinéma que les trois autres réunis…

Et c’est surtout dans cet épisode 3 que le génie de The Affair éclate de sa noire luminescence.

Si le procédé est désormais classique (la perception de l’homme (30mn), puis celui de la femme (30mn)). C’est la matrice de The Affair ; cela pourrait devenir artificiel, un peu répétitif. Non seulement les auteurs jouent avec cette contrainte, mais ils offrent au passage le plus beau cadeau que l’on puisse faire un acteur. D’abord lui donner des scènes longues, sans coupes, concentré sur le visage, pour exprimer l’étendue de son talent*. Et ensuite lui redonner l’opportunité de rejouer cette même scène, en proposant une deuxième version de soi-même : le fantasme absolu de l’acteur ! On verra ainsi un Noah tendre et généreux et un connard imbu de lui-même, une Helen sûre d’elle-même ou complètement à la ramasse, et une Alison (Ruth Wilson) psychotique ou amoureuse.

Les acteurs se régalent. Le spectateur aussi.

* Qui est immense : le mari, c’est Dominic West, notre tête brulée de de Mc Nulty de The Wire. Son épouse, c’est Maura Tierney qui brillait il y a vingt ans dans Urgences et qui ose ici exposer sa détresse (et son corps) de quinqua comme peu d’actrices en sont capables…




dimanche 18 octobre 2015


Orange is the New Black, saison 1
posté par Professor Ludovico

Si l’on cherche un exemple de tragi-comédie, Orange is the New Black fait très bien l’affaire. Le Cid (version lesbiennes en prison), on aurait bien aimé ça pour le bac français de 1982.

Qu’a-t-on appris de la tragi-comédie à Louis Bascan, Rambouillet,YV ? Ce qu’était une litote (« Va, je ne te hais point ! ») Mais encore ? Que la tragi-comédie, c’est une tragédie qui se termine bien. Comme le Cid. Pourtant, Orange is the New Black, ça commence mal, comme une mauvaise sitcom un peu niaise, avec petit couple sympa, et gentille blonde, conne de service.

Mais tout ça est fait exprès, une tactique pour tromper le pauvre spectateur : si tout est rose au début, c’est pour mieux voir comment la série vire au noir ensuite. Après le couple rose bonbon, la prison, le new black.

Ce splendide effet de contraste permet d’esquisser le propos d’Orange is the New Black ; la description d’un univers, la prison, sans en faire des tonnes. « On n’est pas dans Oz » prévient un des personnages dès le pilote*. La prison, ce n’est pas l’enfer, mais c’est un cauchemar. Le passage d’une vie normale (copain gentil, parents pas affectueux, courses bio) à l’univers carcéral (copines pas très sympas**, gardiens trop affectueux, jambon-purée)…

C’est ce qui est remarquablement rendu, notamment par Taylor Schilling qui joue l’héroïne WASP, gentille petite blanche moyenne qui tombe au milieu de cette triste réalité américaine où la plupart des détenus sont noirs.

Ensuite la deuxième couche d’Orange – et probablement la plus intéressante – c’est cette grande fresque de la féminité. La plupart des personnages sont féminins, les seuls hommes étant des gardiens et le chéri de l’héroïne.

Le portrait de ces femmes aux destins très divers – de la restauratrice russe à la transsexuelle noire -, montre la diversité de la population carcérale, du délit mineur (blanchiment) au crime le plus abject. Mais il montre aussi toutes les manières d’être une femme : précieuse, coquette, autoritaire, butchy, grosse, mince, effrayée, amoureuse, manipulatrice, patronne, servile, born again christian, bouddhiste, hétero, lesbienne, ou ne-sait-plus-trop…

Dans un univers souvent loin du test de bechdel et le plus souvent péniblement politiquement correct, ce simple portrait, cru et frontal, sérieux et drôle, et servi par des dialogues excellents, est extrêmement rafraîchissant …

* Une série qui cite Oz et Mad Men dans ses deux premiers épisodes ne peut pas être totalement mauvaise…
** Il y aussi le grand plaisir de retrouver Laura Prepon, la Donna de That 70’s Show




mercredi 30 septembre 2015


Utopia, saison 1
posté par Professor Ludovico

J’ai longtemps renâclé devant Utopia. Pourquoi ? Parce que le Professore Ludovico est raciste : il a un très fort préjugé contre les films esthétiques. La beauté formelle cache souvent le vide de la pensée. Or c’était l’argument principal de vente d’Utopia. De très belles images, aux couleurs acidulées, cadrées arty, et une ambiance à nulle autre pareille… Sous l’amicale pression de l’Homme à la Barbe, qui m’a d’abord laissé, tel le dealer lambda de The Wire, un échantillon de la came Utopia « Regarde juste un épisode, tu me diras si tu veux la suite… » Ah, le ladre !

Mais, as I say, après avoir renâclé pendant des mois, j’ai fini par insérer le premier DVD dans le lecteur. Et là, surprise, surprise, Utopia est un délicieux mélange de terreur sucrée et d’humour glacé, le tout arrosé de la sauce à la menthe chilienne de Cristobal Tapia De Veer, dont le tango deep house sert de thème musical…

Le pitch, in two words : cinq personnes qui ne se connaissent absolument pas échangent sur un forum au sujet d’Utopia, leur bédé conspirationniste préférée (grippe aviaire et expériences génétiques), et la sortie imminente du tome 2 : un trader, un enfant pauvre, une jeune femme gironde, un survivaliste pakistanais et un timide informaticien. Mais cette BD a l’air toute particulière, car elle est aussi activement recherchée par un duo de tueurs étranges et ultraviolents : un rocker à chaussures bicolores qui semble sortir d’Eraserhead et un gros apathique informe (qui, lui, sort de Trainspotting) et ne fait que répéter la phrase culte : « Where is Jessica Hyde ? »

On le voit, on n’est pas dans Esprits Criminels, mais plutôt chez Twin Peaks et Danny Boyle, dans une Angleterre aux forts accents cockney. Mais avec une couche de Lost, car il y a non seulement une idée désopilante par plan, mais aussi un rebondissement énorme par épisode.

Et comme c’est court (2 saisons de 6 épisodes), on a non seulement pas le temps de s’ennuyer, mais encore moins de se poser les questions habituelles de réalisme qui plombent, au hasard, Wayward Pines.

Highly recommendable, donc, you fucking twats!




dimanche 20 septembre 2015


Wayward Pines, season finale
posté par Professor Ludovico

C’est l’heure de faire le point sur ces presque dix heures de Wayward Pines à l’heure où son producteur, M. Night Shyamalan, avoue n’être pas sûr qu’une saison 2 existe et qu’en même temps, la fin de la saison 1 laisse à croire qu’il y aura une suite. Ou pas.

C’est ça Wayward Pines, à moitié brillant et à moitié foiré et complètement à l’ouest. C’est réussi parce qu’il y a une vraie idée, très originale, derrière ce show et un sous-texte qui pose les bonnes questions : doit-on, pour son bien, cacher la vérité au peuple ? Toute forme de répression est-elle envisageable contre le terrorisme ? Et plutôt raté, parce que, comme d’habitude dans la SF US, littéraire ou cinématographique, les idées très originales ont du mal à tenir debout.

Sans rien révéler, on peut simplement se demander comment le postulat qui tient derrière le village de Wayward Pines peut simplement exister. Comment se ravitaille-t-on en essence, par exemple ? Comment répare-t-on les véhicules ? Et pourquoi cette petite banlieue américaine dans les circonstances où se déroule la série ? Est-ce possible techniquement ? Il est évident que non. Et c’est sur cet unique défaut que tout l’édifice Wayward Pines s’écroule.

Car malgré ce que dit Hitchcock sur ce qu’il appelle avec mépris « nos amis les vraisemblants », il ne faut pas interrompre dans une œuvre la suspension consentie de l’incrédulité, ce tour de magie qui permet au spectateur de croire aux hobbits ou à Mary Poppins.

Ici toute l’attention du spectateur était concentrée sur l’intrigue, les personnages ; là voilà soudain distraite par cette impossibilité ontologique. Une fois que le spectateur a compris, il ne pense plus qu’à cela : comment est-ce possible ? Et évidemment, si ce n’est pas possible, comment croire aux autres aspects de l’histoire, qu’ils soient d’ordre sentimental, familial ou social ?

C’est bien dommage car si les créateurs de la série ne s’étaient pas comportés comme des escrocs, en proposant par exemple une solution un peu plus réaliste, un peu plus cohérent avec le postulat de base, on se serait volontiers accroché.

En l’occurrence, c’est confirmé : il n’y aura pas de saison deux est notre prédiction initiale était exacte : si Canal programmait Wayward Pines à la fin de l’été, c’est que ça ne valait pas tripette, et il n’y avait pas que les français pour le penser…




mardi 15 septembre 2015


True Detective saison 2
posté par Professor Ludovico

« The war was lost, the treaty signed.
I was not caught, I crossed the line.
I was not caught, though many tried.
I live among you well disguised.
I had to leave my life behind;
I dug some graves you’ll never find.
The story’s told, with facts and lies.
I had a name. But never mind

Et voilà, la petite musique de True Detective va encore traîner dans la tête pendant quelques années encore… Intrigue béton, quoiqu’un peu compliquée (mais a-t-on jamais reproché cela au Grand Sommeil ?), quatuor d’acteurs Farrell-Vaughn-McAdams-Kitsch extraordinaires (sauf Kelly Reilly, vraiment en-dessous), mise en scène au cordeau, générique qui tue, et photographie parfaite, prenant une nouvelle fois à rebrousse-poil les clichés d’une région tout en l’esthétisant à mort : cette fois-ci, la Californie, comme True Detective première itération avait arraché les costumes folkloriques de la Louisiane.

Ce qui est étonnant dans cette série, c’est sa capacité à frôler la faute de goût tout en se rattrapant à chaque fois à quelques millimètres du précipice. On se dit que cette réplique-là ne va pas passer, que cette intrigue-là ne sert à rien ; que cette scène d’action est too much pour être crédible (c’était déjà le cas du drug bust de la saison 1), mais à chaque fois, Nic Pizzolatto retombe sur ses pieds.

La fin (ratée car trop rapide en saison 1) est mieux cette fois-ci, mais ce n’est pas pour cela que l’on regarde True Detective. L’intrigue on s’en fiche, ce qu e l’on veut c’est des personnages faits de chair et de sang comme on en voit rarement dans le séries. Des trajectoires de vie esquissées sur deux décennies, avec les désillusions et les tragédies que cela implique. C’est pour ce qui semble être l’obsession fictionnelles de Nic Pizzolatto que nous attendons de pied ferme True detective 3. Et tout autant l’adaptation de son très bon polar Galveston par Janus Metz.




vendredi 4 septembre 2015


Wayward Pines
posté par Professor Ludovico

Voilà donc la fameuse séééériééévéénement, bizarrement lancée par Canal fin août ; ça doit pas être si bien que ça. Mais bon, le cocktail est dosé pour le CineFaster : M. Night Shyamalan aux commandes, ambiance Twin Peaks et Lost mâtinée de Prisonnier, avec, en prime, une ancienne sweetheart : Carla Gugino, ex girlfriend de Michael J. Fox dans Spin City, ex Spectre Soyeux dans les Watchmen. Plus le beau ténébreux Matt Dillon, ça doit faire le plat pour saucer.

La première couche est cependant un peu bizarroïde car dans ce premier épisode, tout sonne faux, à commencer par le décor de la petite ville proprette de Wayward Pines. Mais on se dit que soit c’est raté, soit c’est fait exprès.

Et le fait est que le pilote ne fait pas de chichi sur les mystères de l’intrigue : Ethan Burke (Matt Dillon) est agent des services secrets, et il a eu un grave accident de voiture. Il se retrouve hospitalisé dans un étrange village de l’Idaho, Wayward Pines, où les habitants se comportent bizarrement. Pendant ce temps, les services secrets cherchent activement leur agent. Mais on comprend vite que quelque chose ne tourne pas rond, entre les précédentes crises d’amnésie du personnage principal, les tons de comploteurs des villageois, sans parler des paradoxes temporels qui pointent leur nez. De plus, la solution de l’enquête de Burke est là devant ses yeux ; il cherchait son collègue disparu, le voici en cadavre dans une maison abandonnée. Tout ça en 41mn.

M. Night Shyamalan se la joue donc postmoderne ; on ne va pas passer une saison à vous expliquer tout ça, on vous le dit tout de suite. Evidemment, la vérité doit être ailleurs, comme dirait l’autre.

Le problème, c’est plutôt Shyamalan lui-même. Le réalisateur wonderboy s’est enfermé tout seul depuis quinze ans dans le-film-à-twist. Après le coup de génie Sixième Sens, le très bon Incassable, la carrière du Spielberg de Pondichéry n’a fait que décliner : Signes, Le Village (qui montre des similitudes avec Wayward Pines, par ailleurs) et le désastre Phénomènes. Au-delà de la faiblesse d’une partie de ces films, c’est plutôt le réflexe pavlovien de guetter la « surprise » Shyamalanienne finale qui a gâché ces films. Savoir qu’il y a toujours une surprise, ce n’est plus de surprise du tout.

Evidemment, tout cela est dans la tête du spectateur à l’orée de Wayward Pines. Mais pour le moment on est suffisamment accroché à l’originalité du personnage principal, formidablement campé par Dillon, pour une fois loin de ces rôles de bellâtre qui ont fait sa fortune. Il est ici aussi à rebours des habituelles victimes du ce genre de conspiration (le Jack de Lost, pour n’en citer qu’un). Au contraire, Ethan est un flic hardboiled, prêt à te péter la gueule si tu ne le laisse pas téléphoner. Il rappelle à cet égard les meilleures scènes de Patrick Mc Goohan dans le Prisonnier.

Donc on va s’accrocher un peu, même si on guette le twist.




jeudi 30 juillet 2015


Halt & Catch Fire, saison 2
posté par Professor Ludovico

Dommage que ce soit si mal fait, Halt & Catch Fire…

Avec ses intrigues, certes intéressantes, mais mal construites, mal amenées, au déroulement tellement téléphoné… Parce que, pour le reste, la série sur nos programmeurs texans des eighties est passionnante.

Comment, tout simplement, quelques ringards à barbichettes, stylos dans la poche de chemisette, ou ados boutonneux / T-Shirt Star Trek, ont transformé nos vies du fond de leur garage ? Les jeux vidéo, la communication en réseau, les forums, CompuServe, Usenet, les PCs à la carte, les interfaces graphiques, les modems, le first person shooter, le RPG en ligne : tout ce qui, aujourd’hui, n’est rien de moins que notre quotidien.

Et au-delà de la pastille nostalgique, (musique, vêtements, coupe de cheveux, et le doux babillement d’un clavier de Commodore 64), Halt & Catch Fire vaut quand même le détour.




jeudi 9 juillet 2015


True Detective saison 2
posté par Professor Ludovico

Un départ sur les chapeaux de roues, c’est ce que nous propose True Detective saison 2. La série a le grand mérite de se renouveler tout en conservant ses principes de base. Un générique extraordinaire, qui pourtant reproduit les motifs de la saison 1 : visages torturés et autoroutes impersonnelles, musique lancinante* et flots de liquides écarlates, dont on ne saura jamais si c’est du sang, ou de la pollution. Les motifs cultes de la première saison sont là aussi ; les flics qui philosophent dans la bagnole, les illusions perdues entre vingt et cinquante ans, la violence omniprésente au sein du couple ou de la famille. Et une fois de plus, Nic Pizzolatto tire le maximum de son casting de losers, comédiens égarés loin de la yellow brick road parfaitement huilée du succès Hollywoodien*.

True Detective sera néanmoins jugée à l’aune de son intrigue, déjà point faible de la saison 1. Totalement différente ici (trois flics, un voyou, un scandale immobilier dans le nord de la Californie**), l’intrigue part bien. Tiendra-t-elle toutes ses promesses ? That is the question.

* Nevermind, de Leonard Cohen
* Colin Farrell n’a rien fait depuis Miami Vice, Rachel McAdams dit que True Detective est « le rôle de sa vie », Taylor Kitsch est notre chouchou, mais se remet à peine de John Carter, Kelly Reilly est surtout connue de Cédric Klapish, et Vince Vaughn espère sortir du carcan des comédies…
** filmé comme on ne l’avait jamais vu, tout comme on avait fait jamais filmé la Louisiane industrielle




samedi 4 juillet 2015


Girls saison 3
posté par Professor Ludovico

On pouvait se demander quelle était la pérennité de ces filles, au-delà de la surprise initiale (Sex & The City 2.0, sexe assumé, et problématiques twentysomething de saison). Avaient-elles la capacité de tenir la distance, sans vieillir ? Sans fatiguer les spectateurs ou elles-mêmes… ?

A l’issue de cette troisième saison*, on est rassurés. Non seulement cette écriture saignante, moderne, qui fait le talent de Lena Dunham est toujours là, encore plus vivace même**. Mais cette saison ajoute une touche de tragique, avec la mort des proches, le suicide, et la lente désintégration du couple, sans cesser de faire rire.

A l’heure (25 ans) où l’on tente de bâtir quelque chose, un couple et la perspective d’une famille, un job qui correspondrait enfin à nos aspirations réelles, Lena Dunham pose les dernières questions qui méritent d’être posées ; faut-il renoncer à la vie dont on a rêvé (aller étudier dans la meilleure fac littéraire des Etats-Unis, devenir écrivain, enfin), ou abandonner l’amour avec un grand A et être plus réaliste (Marnie) ? Ou renoncer à sa fierté et reconquérir un bonheur atteignable (Shoshannah) ? A ces questions, Dunham apporte des réponses sobres, subtiles, nuancées. Elle est en cela aidée par des comédiens gigantesques qui toisent la concurrence du haut de leur vingt ans quelque chose : Lena Dunham, Allison Williams, Jemima Kirke, Zosia Mamet, Adam Driver (Bientôt grand méchant de Star Wars VII), Alex Karpovsky …

Girls est tout simplement ce qui se fait de mieux à la télé en ce moment.

* Nous n’avons pas vu la quatrième saison, actuellement sur OCS.

** « Pourquoi ne poses-tu pas une miette de compassion humaine de base sur ce muffin allégé de détachement psychopathique ? On dirait Adam. Il y a plus d’une façon de ressentir les choses. »
Ray à Hannah




dimanche 21 juin 2015


Game of Thrones : où est passé le magicien ?
posté par Professor Ludovico

Quand on commence à remarquer la technique de l’œuvre art, c’est mauvais signe. Si l’on voit le coup de pinceau derrière un Poussin, si l’on repère que chez Michel Houellebecq, il y a une scène de cul toutes les dix pages, si l’on commence à trouver répétitive le boogie-woogie éternel des Rolling Stones, c’est que l’artiste a déjà perdu la partie.

L’artiste, ou plutôt, dans le cas du cinéma, le magicien. Immuable Odéon de Nickel, attraction de fête foraines depuis l’aube du vingtième siècle, le cinéma est avant tout un tour de passe-passe. Ce n’est pas les Rocheuses qu’on voit au fond de la Mort aux Trousses, c’est un matte painting. Bruce Willis ne se jette pas dans le vide, c’est un cascadeur attaché un fil. Ce ne sont pas les seins de Lena Headey qu’on voit dans le final du Trône de Fer, mais ceux d’une doublure. Et ces deux acteurs ne sont pas amoureux, ils font seulement semblant de s’embrasser sur la bouche. On s’y croirait, pourtant.

Comme dans un tour de magie, le prestidigitateur nous oblige à regarder sa main droite pendant que tour est fabriqué de la main gauche. Si jamais on voit cette main gauche, la magie disparait. C’est ce qui se passe – espérons provisoirement – sur cette cinquième saison de la plus grande série du monde, Game of Thrones. Ce qui a si bien marché pendant quatre saisons ne marche soudain plus. Où est passé le magicien ? Soudain, la main gauche de David Benioff et de D. B. Weiss nous est apparue dans la lumière.

Pour une raison très commerciale, en fait : George Martin n’a pas fini sa saga, mais pourtant, HBO doit la finir. Car si l’on peut étendre des romans sur trente ou quarante ans, écrire quand cela nous chante ou quand l’inspiration vient, c’est impossible dans l’univers très cadré de la télévision. Une saison chaque année, un créneau spécifique chaque semaine, et surtout, battre le (trône de) fer quand il est chaud. Le public veut son frisson hebdomadaire, il l’aura. Dans deux ans, ce sera trop tard.

Ce sera trop tard aussi, techniquement. Les acteurs jeunes grandissent trop vite, plus vite que dans le livre, comme le montre cette incroyable photo, deux ans avant les premiers épisodes. Dans le livre, quelques mois seulement ont passé. Mais nous en sommes déjà à la cinquième année de tournage. Arya n’aura bientôt plus rien d’une adolescente.

HBO sait ça, comme il sait qu’il ne peut guère espérer plus de deux ou trois saisons supplémentaires, quel que soit les volontés scénaristiques de George Martin.

Le cahier des charges de Benioff/Weiss est donc très clair : finir en deux ou trois saisons ; pour cela il faut inventer une fin et donc réorienter les arcs narratifs existants vers cette direction. Et c’est là, on le voit bien, que nos scénaristes sont à la peine. Les intrigues créées sont peu probables (Jaime qui va chercher seul sa fille) ; les raccourcis se voient (les changements en un tournemain des pouvoirs religieux à Port Réal) ; les personnages sont caricaturées (La relation entre la Khaleesi et ses dragons ne déparerait pas chez Disney) ; et même s’ils sont effectivement tués dans le livre, les personnages meurent trop rapidement dans cette saison.

Si les scénaristes n’y croient pas, comment un comédien pourrait le faire ? Les dialogues sont creux, et les plus grands personnages en deviennent faibles (Jaime, Tyrion). Pire, voilà soudain une pléthore des dialogues explicatifs censés faire progresser l’intrigue rapidement : péché mortel au cinéma, et habituellement apanage des NCIS et autre RIS : Police Scientifique : les personnages expliquant ce qu’ils vont faire et pourquoi. Cette incapacité d’expliquer les choses autrement que par le dialogue, c’est la défaite du cinéma, et c’est bien la défaite du Trône de Fer saison cinq, la série ayant su brillamment échapper à ces facilités jusque-là ! De sorte que l’on est bien en peine*, de citer une ou deux grands dialogues de cette saison. Pas de « Knowledge is not power ; power si power ! » ou autre « You know nothing, Jon Snow ! ».

Autre défaillance : la construction ratée des arcs narratifs de cette saison. Tout semble s’être concentré sur les derniers épisodes, laissant en jachère la majeure partie de la saison, bien ennuyeuse par moments. Le syndrome episode nine a-t-il frappé ? HBO est-il phagocytée par le marketing de sa série phare ? On se sait.
Il est compréhensible – voire souhaitable – que les auteurs de raccorder plusieurs histoires et trouver enfin cette voie divergente aux romans. Mais encore faut-il que ce soit bien fait. Il reste donc deux saisons pour finir en beauté ; être Six Feet Under plutôt que Lost, c’est ce qui reste comme espoir à l’aficionado.

* à part une exception ici.




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