Les séries, c’est de la drogue. Y’en a pour tous les goûts, du cannabis récréatif (Friends, Battlestar Galactica), aux amphétamines survitaminées (24), à la coke roborative (Seinfeld), au LSD qui fait voir des petits hommes verts (Lost), jusqu’à l’aristocratie de la drogue – l’héroïne bien sûr – la plus classe et la plus addictive (Sopranos, Sur Ecoute)
Dans les quatre premiers épisodes de Pigalle la Nuit, on croyait être tombés sur une rareté : de l’héro french connection, pas coupée. De la came de première qualité, direct from Thailand : une histoire addictive, une réalisation parfaite, une photo moderne, mais pas maniérée, une musique excellemment choisie, mais surtout une ambiance incroyable pour une série française, mi-reportage, mi-Twin Peaks…
Le pitch n’était pas à tomber par terre (un trader découvre que sa sœur fait go-go girl à Pigalle ; le jour même, elle disparaît. Pour la retrouver, il va plonger au cœur d’une guerre sanglante qui oppose le Pigalle traditionnel, Zainoun, propriétaire du Sexodrome (les habitants du 18ème reconnaîtront leur peep-show), et Dimitri, le nouveau venu, aidé par la mafia russe, qui installe le Paradise, nouvelle boîte branchée au cœur de Pigalle…
Ce qui étonne dans Pigalle la Nuit, c’est le traitement : mi-course poursuite, mi-film choral (Plus Belle la Vie à Pigalle). Mi-cauchemar lynchien (les séquences oniriques), mi-film de gangster, façon Sopranos. Tout ça en quelques épisodes et une demi-douzaine de personnages, tous excellents dans leur rôle (Jalil Lespert en trader, qui joue correctement pour la première fois depuis Ressources Humaines (1999, quand même), Catherine Mouchet (la Thérèse de Cavalier) en représentante du quartier « normal », et une révélation : Simon Abkarian, le de Niro français, pas moins, en Tony Soprano à la ramasse, patron du peep-show au bord du divorce…
Autre force de Pigalle la Nuit, rarissime dans les séries françaises : la documentation. Les scénaristes ont vraiment bossé le sujet, connaissent les coins et les recoins du quartier, le fonctionnement technique d’un peep-show, la fabrication du crack dans un atelier. Ce réalisme est amplifié dans un tournage en décor réels, la nuit à Pigalle (rappelons que la nuit, c’est deux fois plus cher), dans des vrais sex-shops, dans des vraies boîtes, avec de vraies go-go, sur une vraie musique de boîte. Pour tout dire, c’est la première fois au cinéma que je vois l’ambiance de la nuit filmée correctement.
Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin, et assez inexplicablement, la série se torpille dans le dernier épisode en réglant tout, d’un seul coup, et de manière outrée. Ce qui finit bien finit exagérément bien, Ce qui finit mal, exagérément mal. On souhaite en tout cas une suite à Pigalle, et on vous conseille très vivement de la regarder en entier…
Et comme le dit Nadir Zainoun : « Bienvenue à Pigalle, Côôônnaaard ! »
posté par Professor Ludovico
Après une saison, Battlestar Galactica reste un mystère : réinvention géniale, ou nanar de première ? Après un pilote décoiffant, les douze épisodes de la saison 1 ont alterné le meilleur (l’épisode sur la torture façon Abou Graib), et le pire (l’épisode suivant : le retour de l’épouse Tigh, limite Sex and the City). Aucune cohérence, et aucune évolution perceptible : on serait bien en peine de déceler une amélioration ou un déclin…
Il y a toujours eu du remplissage dans les séries (quelques épisodes pitoyables des X Files, au hasard), mais là, on a du mal à voir où ça pêche, tant ça pêche partout, et pourtant, on a envie de voir la suite… Les décors sont cheap, les acteurs ne sont pas excellents, les situations sont parfois carrément invraisemblables : dans un épisode, on manque d’eau, et deux épisodes plus loin, un vaisseau de luxe fait fonctionner cascades et fontaines : il serait peut être temps d’instaurer la loi martiale, non ?!
De même, comme dans les bonnes séries des années 70, les héros s’occupent de tout : t’es pilote de Viper ? Tu dirigeras la patrouille de marines dans les sous-sols, tu iras explorer la planète machin, et après, t’essaieras d’installer le patch antivirus sur le serveur central du Battlestar Galactica.
Début saison 2, ça commence pareil, avec deux épisodes consternants façon guerre du Vietnam : « Tu vas pas mourir, putain, mon pote ! », comme on n’ose plus en filmer depuis que Coppola a dépoussiéré tout ça…
Mais bon, on continue à regarder, comme un bon vieux McDo : c’est pas génial, mais on sait ce qu’il y a dedans… En l’occurrence : des révélations fracassantes, les cigares de Starbuck, les combats spatiaux étonnants, la belle musique du générique, et la petite robe rouge de Tricia Helfer…
samedi 28 novembre 2009
Braquo (finale)
posté par Professor Ludovico
Même problème pour Braquo que pour Into the Loop : quand c’est trop, c’est trop. Trop de malheurs pour nos amis ripoux, trop de rapiéçage, trop de coutures mal faites qui se voient.
On prépare la saison 2, alors on lance subitement dans le bain un nouveau personnage, Marceau (Samuel Le Bihan), sorti de nul part. On remet en selle l’IGS et sa sublime fausse blonde (Laëtitia Lacroix), alors qu’ils avaient disparu dans les épisodes récents. On crée une nouvelle intrigue islamiste, qu’on résout immédiatement (???), et on balance le cliffhanger de rigueur.
Résultat, comme dans 24 ou The Shield : on décroche, le mieux étant l’ennemi du bien.
Pas sûr qu’on regardera la saison 2 de nos flics habillés de noir, qui sont tellement désespérés, qui ont tellement la haine, qu’ils ont tellement pas le temps de nettoyer le sang séché des bastons précédentes qui ornent leurs tempes !
samedi 28 novembre 2009
Into the Loop
posté par Professor Ludovico
Jamais croire la pub, c’est un pro qui vous le dit ! Le spin, le buzz, la hype était excellente : une page entière dans Télérama vantait le travail du doubleur (Harold Manning, avec raison, d’ailleurs…) :
« On rit tout le temps ! »
Il devait y avoir quelque chose de spécial, aujourd’hui aux Halles, car la salle était pleine, et ne riait pas. Peut-être qu’elle n’était pas « Into the Loop » (dans la confidence)…
Une bonne idée, au départ ; décrire comment une bourde d’un sous-ministre britannique aide le camp des faucons américains à lancer une guerre contre un obscur pays du Moyen Orient, toute ressemblance avec des événements existants ou ayant existé étant purement fortuite… Deuxième bonne idée : la caméra portée, le ton « reportage » du film. Troisième bonne idée, les dialogues, injurieux et plutôt rigolos. Quatrième bonne idée, de bons acteurs anglo-américains comme James « Tony Soprano » Gandolfini.
Ce qui ne marche pas dans le « Loop », c’est seulement la grosseur du trait. Les ficelles sont trop grosses, les situations trop caricaturales, les personnages trop cons pour qu’on y croie. On peut mépriser les politiciens pour beaucoup de raisons, mais les portraiturer tous comme des incompétents carriéristes, formidablement idiots, ne marche pas. C’est tout le problème entre réalisme et crédibilité, déjà évoqué ici.
Une formidable série, K Street, malheureusement morte-née, avant tenté l’expérience en 2003 : un vrai lobbyiste à Washington (James Caville), filmé avec de vrais politiciens, mais dans une fiction tourné comme un reportage. C’était très drôle, avec une petite couche de thriller politique en plus.
La production Clooney-Soderbergh ne dura malheureusement qu’une année, dix malheureux épisodes…
lundi 2 novembre 2009
Braquo (4)
posté par Professor Ludovico
Il fallait que ca arrive : Braquo dérape, Braquo vire gnangnan. La semaine dernière, à force d’épreuves accumulées, leur dénouement heureux n’en a paru que plus ridicule. Les enjeux (le DVD, le bébé, la séparation du couple), surmultipliés, les réactions, outrées, les sentiments, trop bons dans ce monde de brutes, ont coulé la série…
Espérons que tout ça sera rattrapé par un cliffhanger de fin de saison, ce soir…
Braquo
Tous les lundis sur Canal+, 20h45
dimanche 1 novembre 2009
Braquo (3)
posté par Professor Ludovico
Braquo continue sur la voie de l’excellence, même si des fissures apparaissent. Ces fissures sont-elles les failles de demain, annonciatrices de l’effondrement de la pyramide d’Olivier Marchal ? On ne sait.
Le traitement est toujours impeccable, froid comme l’hiver, souligné par une formidable musique (d’Erwann Kermorvant), une photo et un étalonnage sombre qui soulignent l’ambiance désespérée de Braquo. Mais comme le faisait remarquer la CineFasteuse Alex, back in black as always, ce formidable désespoir pourrait permettre de cacher les trous dans le scénario.
Car en copiant ostensiblement The Shield, Marchal hérite aussi des défauts. Ainsi, il charge dangereusement sa barque d’enjeux, et risque le naufrage pur et simple. Nos amis de la PJ, qui ont déjà l’IGS aux fesses, trois meurtres sur le dos, des petits problèmes de drogue personnels, des couples à la dérive, se rajoutent de l’action là où il n’en faudrait peut être pas. L’autre soir Caplan (Jean-Hughes Anglade) s’est pris une grenade, le lendemain il sort de l’hôpital pour sauver son pote, le soir, il protège la call-girl qui lui a fourni un alibi… C’est ce qui fait le malheur des séries de Shawn Ryan (Nip/Tuck et The Shield) : certes, la surenchère crée du rythme et accroche le spectateur dans les premiers épisodes, mais mène fatalement au ridicule à long terme.
De même, la noirceur du propos, mais aussi la noirceur esthétique (blousons noirs, pulls noir, cafés noirs), peuvent finir par devenir grandiloquents et finalement dévaloriser l’ensemble.
Mais on n’en est pas la : ne boudons pas notre plaisir et regardons Braquo…
Braquo
Tous les lundis sur Canal+, 20h45
dimanche 25 octobre 2009
Un Village Français, saison 2
posté par Professor Ludovico
Un Village Français, c’est reparti. Rien que le titre de cette chronique pique les yeux, sachant qu’il s’agit de notre propre histoire : je doute que nos parents aient eu conscience d’attaquer la saison deux de l’occupation allemande en janvier 1941.
C’est tout le génie de cette merveilleuse série : un point de vue impeccable, inédit, sur cette période. Par ailleurs, la mise en scène est quelconque, les acteurs aussi, mais le scénario, le texte, les dialogues, sont aux petits oignons.
Un exemple dans le premier épisode de la Saison 2, on traite de la spoliation de juifs de manière presque anecdotique : on offre au fils de Marcel – le militant communiste – un jouet d’occasion à la brocante, qui pose les bonnes questions au collabo qui lui offre : d’où vient ce jouet ? Où est le petit garçon qui le possédait ? S’il revient, devrais-je lui rendre ? Le flic a du mal à lui répondre, car il n’en est pas très sûr lui-même… le tout traité sans pathos, sans pédagogie lourdingue, sans manichéisme aucun…
De même, on se met à résister par dépit : comme dit une pute : « Faut bien que quelqu’un fasse quelque chose ! »… Et quand un habitant du village parle de De Gaulle, les gens ricanent… C’est à ces petits détails qu’on reconnaît une grande ambition, celle de J.-P. Azema, consultant sur la série, qui, visiblement, n’était pas seulement chargé de choisir les Lüger chez l’accessoiriste…
Ne ratez pas la suite, et la fin de la saison 2 mardi prochain…
Un Village Français,
2 épisodes tous les mardi, 20h35
France 3
mardi 13 octobre 2009
Sons of Anarchy, le pilote
posté par Professor Ludovico
On a retrouvé Drea di Matteo ! On avait laissé l’épouse – vulgaire mais splendide – de Christopher Moltisanti disparaissant dans un sous-bois, abattue par les primo capo de Tony Soprano.
En fait, elle est vivante, enceinte et divorcé du beau Jax, le futur « President » des Sons of Anarchy, et elle a pris vingt kilos. S’il n’y avait que ça ! Sa belle-mère veut sa mort, elle se came à la mauvaise héroïne que lui vendent les néonazis du coin (dirigés par Mitch Pileggi, le Directeur Adjoint Skinner, qui, probablement lassé de toutes ces histoires d’extraterrestres,s’est lui aussi réfugié en Californie).
Vendredi, c’était donc le premier épisode de Sons of Anarchy, et on attendra la suite pour se faire un jugement. Ça a l’air bien fait, bien joué, avec plein d’intrigues annexes, mais on ne sait pas encore si on tient le nouveau Sopranos, ou si Sons of Anarchy joue juste aux Sopranos…
Sons of Anarchy
M6, 23h10
mardi 13 octobre 2009
Braquo (2)
posté par Professor Ludovico
Aïe aïe aïe !!! Mea culpa, mea maxima culpa ! Errare humanum est ! J’ai dégainé trop vite et j’ai abattu Braquo, sans sommations. Or, c’est très bien Braquo ! Y’a bon Braquo ! J’avais promis de jeter un œil, j’ai même jeté les deux.
Certes, la parenté avec The Shield est évidente, mais Braquo est ce que The Shield aurait du être : moins hystérique, moins dans la surenchère, plus sobre…
Le pitch ? Quatre flics borderline arrêtent des voyous avec des méthodes de voyou : intimidation, torture, extorsion de fonds… Le Bien et le Mal confondus, dans une PJ de toutes façons dirigée par la politique et les statistiques.
Mais le talent de Braquo, c’est la mise en scène : parfois épurée (les interrogatoires vicieux de l’IGS), parfois ultra-moderne : (la course poursuite caméra portée, sur une musique élégiaque)
Ce n’est pas super bien joué, mais c’est tenu par des dialogues réalistes et peu conventionnels (on reconnaît Olivier Marchal aux commandes)
Donc on y retourne, dès lundi prochain…
Braquo
Tous les lundis sur Canal+, 20h45