[ Séries TV ]

Il n’y pas que le Cinéma dans la vie.. y’a aussi quelques séries TV…



lundi 3 janvier 2022


Hello Geekette, la série animée
posté par Professor Ludovico

C’est le retour de la Geekette, cette fois-ci sous forme de dessin animé. 5 épisodes très courts (quatre minutes chacun) qui explorent les facettes de la Geek Nation : Japan Expo, Rétro gaming, Gothic girls, you name it ! 

La série de Julien Pichard, Nicolas Ramade et Jérôme Gallioz est toujours aussi drôle, toujours aussi bien vue et tire partie de sa conversion en animé avec sa musique 8-bit et ses génériques originaux !

Séquence copinage : le Professore décerne une mention spéciale pour l’épisode Full Metal Japan Expo où James Malakansar fait une excellente imitation (un talent qu’on ne lui connaissait pas !) du Sergent Hartmann : « Sors de ta connerie, sacré de bon Dieu, sinon moi je te dévisse la tête et je te chie dans le cou !« 

Hello Geekette est là et en plus c’est gratuit !




dimanche 26 décembre 2021


Retour à Dillon
posté par Professor Ludovico

À l’heure où Canal+ a la bonne idée de combler cet immense vide culturel qu’était l’absence de Friday Night Lights sur les écrans français, et qu’on attribuera évidemment l’anti-américanisme et au mépris le plus crasse pour le Pays de la Démocratie, de la Libre Entreprise et de la Lutte contre le Communisme, il était temps de retourner à Dillon, Texas.

Pour voir la bête, au-delà de ce qui a déjà été dit, c’est-à-dire l’incroyable ambition de Peter Berg de traiter, dans le cadre étroit d’une petite série sur le football, rien de moins que Tout et Son Contraire : l’Amérique, terre de contrastes.

Ce point de vue holistique – traité comme une symphonie de caractères -, et un sens inné du mélodrame ont fait de FNL LE Drama définitif des années 2000. Et si à la relecture les péripéties sportives des Dillon Panthers, l’équipe high school football deviennent secondaires (on connait la fin du match), revoir Friday Night Lights, c’est aussi l’occasion de lui trouver d’autres qualités, d’autres thématiques.

Revue d’effectifs…

Un film féministe au pays des cagoles

Dans l’environnement de FNL, la femme moderne n’est pas vraiment représentée : pom-pom girl, fêtarde imbécile, ou mère courage, les role-models sont limités. Mais comme le reste de FNL, cette description hâtive est une illusion. Nourrie de clichés qu’elle va très vite entreprendre de démolir consciensieusement, FNL affirme en fait que les rôles féminins sont les personnages les plus forts de la série.

Lila Garrity, la très jolie Cheerleader nunuche, fille du garagiste local et président des Panthers, amoureuse guimauve du Quarterback Jason Street en est l’exemple principal. Ce cliché sur pattes va rapidement se métamorphoser en papillon Drama.  Effondrée par l’accident de ce qu’elle envisageait comme son futur mari, Lila fait l’erreur de tomber dans les bras de son meilleur ami. Elle devient alors moins que rien, harcelée sur Internet (là où se déroule La Lettre Ecarlate de nos jours). Mais plutôt que se repentir, Lila Garrity se révolte (« I made ONE mistake !! ») contre ses amants, contre sa la famille, contre l’hypocrisie de la communauté toute entière…

Tyra Collette semble être son opposée : dropout absolue, entouré d’une mère battue et d’une sœur stripteaseuse, la white trash refuse de jouer le jeu de la vénération obligée pour l’équipe de foot, comme la moitié de la ville qui tourne autour. Mais dès la première saison, Peter Berg met en place un schéma binaire qui permettra à Tyra de montrer beaucoup mieux dans la suite de la série. Dans une scène culte de la saison un, Peter Berg file la métaphore mécanique. Tyra et sa mère tombent en panne : pneu crevé. Que faire dans la steppe texane, sans homme en vue ? Sa mère s’est toujours reposé sur les hommes justement, c’est ce qu’elle vient de raconter. Tyra explose alors « If we don’t change this tyre by ourselves right here, right now, we’re both doomed!* »

Quant à Tami Taylor, la femme du Coach, elle est d’abord présentée comme l’exemple à suivre, la femme parfaite : belle, intelligente, courageuse, bonne mère et bonne épouse. Mais vers la fin de la saison un, elle montrera ses fêlures. Si elle a consenti à de nombreux sacrifices personnels et professionnels, elle n’entend pas se contenter de vivre aux côtés de son gentil et parfois borné entraîneur de mari…  

Macho men ?

Car si, là aussi, si Friday Night Lights semble faire l’éloge de la virilité NFL poussé à son paroxysme**, la série se révèle en fait extrêmement critique de cette macho attitude. On y trouvera le premier personnage gay dans cet univers (ce qui déclenchera un scandale ridicule ; la NFL osant affirmer qu’il n’y aucun gay dans les millions de licenciés du foot américain(!)) Mais surtout, une critique de la violence endémique de ce sport, sur et au-delà du terrain, le hooliganisme, les privilèges sans fin laissés aux joueurs (notamment en matière de filles), le dopage de ces soi-disant surhommes, et les dégâts que tout cela engendre. Mais peut-être que Dillon est le pays…

… des pères déficients

Coach Taylor serait-il le père parfait que nous venons de voir ? Le mari aimant de Tami, le père attentionné de Julie ? On le verra assez vite, Eric Taylor aussi un homme borné, obsédé par le football, engoncé dans des principes qui laissent peu de place à la compassion et à l’analyse***. Mais c’est aussi le père de substitution de tous ces fils de Dillon, sans véritable père. Car il semble qu’il n’y ait que ça dans ce coin perdu du Texas : le père de Tim Riggins tente de profiter de lui, celui de Smash Williams est mort dans le ghetto, et celui de Jason Street entend profiter de l’accident de son fils. Quant au père de Matt Saracen, seul héros potentiel (il est en Irak, Support our Troops!), c’est probablement le pire d’entre eux. Faux héros au cœur de pierre, il est prêt à envoyer sa mère à l’hospice, n’encourage pas son fils qui gère seul la baraque depuis des mois, et se permet même de lui faire la leçon….

On le voit, dès la première saison, FNL est loin de l’Amérique triomphante que semble annoncer son packaging…

* « Si on ne change pas ce pneu nous-mêmes, ici et maintenant, alors c’en est fini de nous ! Nous serons maudites pour toujours… »

**Aux Etats-Unis, l’expression « Welcome to NFL » peut se traduire par « Bienvenue chez les hommes ! »

***C’est devenu proverbial là-bas : « Don’t coachtaylor me ! »




samedi 25 décembre 2021


On n’arrête pas l’Eco(nneries)
posté par Professor Ludovico

« Il va falloir sortir de cette économie de l’attention. Cette addiction, il faut nous dire comment on s’arrête. » C’était sur France Inter ce matin, dans On n’arrête pas l’Eco, l’émission a priori sérieuse d’Alexandra Bensaid.

On avait pris la phrase en cours ; on se disait donc qu’on parlait encore des effets désastreux des réseaux sociaux sur la jeunesse*.

Point du tout. On parlait de séries télévisées. Valérie Martin, qui a écrit un livre sur le sujet**, venait nous expliquer combien les séries étaient formatées par le marketing : on cocha donc toutes les cases habituelles du Bingo Bullshit : Addiction, Neuro Marketing, Showrunners dictatoriaux et scénaristes esclaves***…

On s’apprêtait à pleurer devant le niveau pathétique du débat, imaginant les mêmes, en 1844, vilipender Alexandre Dumas et son Monte Cristo trop addictif.

C’est alors qu’un grand éclat de rire nous sauva. La spécialiste des séries nous offrait une solution pour éviter cette terrible addiction : arrêter la lecture au milieu de l’épisode (sic), pour éviter le terrible Gliffhanger. (Resic)

Après le MEUPORG, le Gliffhanger est le nouveau symbole du niveau journalistique. AEn anglais, et, en l’occurrence, de la Dramaturgie.

Voilà nous rassura immédiatement sur le sérieux de l’émission.

C’était en direct de l’Esprit de Noël, Live sur CineFast.

* Il est d’ailleurs toujours plaisant de voir ces boomers s’inquiéter de ce sujet, eux-mêmes rivés sur leur compte Twitter ou Instagram…

** Valérie Martin Le charme discret des séries

*** Valérie Martin expliqua ainsi que Orange is the New Black était une idée sortie d’un focus group. Elle oublia que c’était avant tout l’adaptation de l’autobiographie de Piper Kerman.




jeudi 16 décembre 2021


Arcane
posté par Professor Ludovico

C’est le pari fou de l’année : adapter un jeu vidéo mondialement connu, League of Legends, et en faire une série animée. Riot Games, qui produit le jeu et la série, n’est pas le premier à tenter le coup ; mais adapter des jeux vidéo a toujours été une catastrophe esthétique et scénaristique (Super Mario, Street Fighter, Assassin’s Creed…)

Et là, miracle ! Que le Professorino me pardonne – lui qui m’a conseillé Arcane -, mais à partir de cette très basique Battle Arena, où des combattants s’affrontent pour « détruire le Nexus », Riot games parvient à tirer une série émouvante, brillante, et esthétiquement époustouflante de près de six heures.

Dès la première scène, Arcane est une claque graphique : les décors font penser au meilleur de Miyazaki, l’animation est bourrée d’idées, chaque plan contient au moins une idée.

Scénaristiquement, ensuite, en prenant le petit bout de la lorgnette (plutôt que les Combats-Titanesques-pour-s’emparer-du-Nexus), et en repartant en arrière, à l’origine des personnages. Gros avantage : contrairement à des jeux « à héros » (Metal Gear Solid, Lara Croft), le background des personnages est peu développé dans LoL, ce qui laisse beaucoup de latitude aux scénaristes. Mais ça ne suffit pas. Dans Arcane, on sent un cœur qui bat. Si la série s’appuie sur les clichés habituels (la ville riche sur les hauteurs et ses princes marchands dédaigneux, la ville basse et son lumpen prolétariat qui n’a que la violence pour survivre), Arcane transcende très vite son ADN animé. Il y a de la violence : c’est presque contractuel, vu le sujet et le public visé. Mais cette violence n’est en aucun cas glorifiée, jamais jouissive. Elle n’amène que le drame et le chaos : on est plus chez Scorsese que chez Tarantino.

Arcane est la divine surprise de cette fin d’année.




mercredi 15 décembre 2021


Succession
posté par Professor Ludovico

Par extraordinaire, nous avions oublié de parler de Succession, rien de moins que la meilleure série des années 2020. La série qu’HBO voulait installer sur le slate – le créneau –de Game of Thrones, et qui y parvient.

Le pitch est encore une histoire de succession. Le roi n’est pas encore mort, mais on se bat bien pour un trône, celui de Waystar-Royco, conglomérat de médias et d’entertainment. Logan Roy en est le patriarche, et il veut passer la main. Problème : ses enfants ne sont pas à la hauteur. Connor, l’aîné est un quinqua idiot qui rêve de politique. Kendall est déjà à la tête de l’entreprise, mais trop tendre aux yeux du père. Shiv, la fille, pourrait faire l’affaire mais elle s’est déjà engagée en politique. Et Roman, le petit dernier, est un lutin priapique totalement déjanté.

On reconnaîtra aisément la famille Dassault, Maxwell, ou Lagardère dans ce portrait acide, avec ces géants, capitaines d’industrie autodidactes, entourés de nains. Quand on a construit soi-même un empire qui porte son nom, on a probablement passé peu de temps à s’occuper de ses enfants, encore moins à les former au poste. C’est ce que démontre Succession*.

Mais une bonne idée ne suffit pas. Il faut du talent pour la mettre en œuvre. Justement, Succession a du talent à revendre… Dès le scénario et les dialogues, tout sonne juste. On se sent vraiment au cœur de cette biosphère des ultra-riches. Et si la critique est implacable, elle ne sombre jamais dans la caricature. Car une fois de plus, tout est extrêmement documenté : décors, costumes, villégiatures…

Pourquoi parler spécifiquement de cette saison trois, alors ? Probablement parce que ce qui tue une série, c’est rarement le manque de talent, mais l’endurance. Six Feet Under s’est écroulée saison 3, Friday Night Lights en saison 2 pour remonter ensuite, et Battlestar Galactica a connu ses passages à vide.

Dans le cas de Succession, c’est pile au moment où tout ce Monopoly familial dysfonctionnel devient répétitif que Jesse Armstrong, le showrunner, a la bonne idée de passer de la comédie au Drama. Initiative bizarre mais indispensable, qui ne tiendrait pas sans l’extrême qualité des comédiens (et de l’ensemble du cast, pour tout dire), ni la finesse de l’écriture. Car ces idiots incommensurables, sculptés dans l’argile, se métamorphosent en sculptures marmoréennes capables d’engendrer l’émotion. Eux, qui n’avaient jusque-là obtenu que ricanement et mépris, déclenchent soudain larmes et compassion.

Enorme retournement ; chapeau l’artiste !

Succession est entièrement disponible sur OCS, probablement la plateforme de streaming la plus qualitative du PAF. Les autres brillent par la quantité, et souvent par la qualité. Mais sur OCS, pas beaucoup de déchet…

* Avec des fortunes diverses : la succession Dassault s’est finalement plutôt bien déroulée, celle de Maxwell a fini par la mort étrange du pater familias, quant au groupe Lagardère, le feuilleton est en cours…




mercredi 15 décembre 2021


Friday Night Lights sur Canal+
posté par Professor Ludovico

Les excuses, c’est pour les perdants. Vous n’avez plus d’excuses : la meilleure série sur la famille, le football, le racisme, le dopage, l’hooliganisme, les sponsors, l’éducation, les jeunes, les vieux, les riches, les pauvres, les noirs, les texans, les hommes, les femmes, la guerre en Irak : Friday Night Lights est sur Canal+.

Vous n’avez plus d’excuses.




lundi 4 octobre 2021


Seinfeld
posté par Professor Ludovico

Seinfeld est sur Netflix. Est-il besoin d’en dire plus ?




dimanche 25 juillet 2021


La Servante Ecarlate au Pays de Lovecraft
posté par Professor Ludovico

On dit souvent ici que le cinéma est l’âme d’un peuple, et que c’est particulièrement vrai du cinéma et du peuple américain.

Si c’est le cas, l’Amérique va mal.

En témoigne les deux season finale de Lovecraft  Country (S01) et La Servante Ecarlate (S04). Deux séries très différentes, l’une fun, l’autre sérieuse, mais dans les deux cas pavées de bonnes intentions.

Comme l’enfer.

Dans la série inspirée du livre de Matt Ruff, il s’agit de rendre hommage à Lovecraft, tout en renversant son racisme foncier du début du vingtième siècle. Dans l’adaptation du livre Margaret Atwood (qui n’est couvert que par la première saison), il s’agit de faire œuvre prospective : que deviendrait les Etats-Unis si la dérive religieuse, déjà en cours, prenait le pouvoir ?  

Mais dans les deux cas – on n’ose le dire – poussées par une forme d’enthousiasme macabre, ces deux séries prolongent leur concept au-delà de l’extrême, et leur conclusion est la même – kill’em all! – tuons tous les blancs, lynchons tous les hommes…

Si un raisonnement élaboré amène à cette conclusion (enlevons aux blancs la magie qui a servi à notre oppression, punissons les violeurs de Gilead…), elle n’en est pas moins révoltante. Il suffit de pitcher l’inverse : qui voudrait d’une série où des héros blonds se proposeraient de tuer tous les noirs parce que certains pratiquent le vaudou ?

Il y a toujours eu cette culture de la vengeance dans le cinéma américain, (nous l’évoquions ici), mais elle était le problème de personnages solitaires*. Ici, la violence est proposée comme remède systémique. Pourtant, d’autres solutions existent : le personnage de Cristina, belle magicienne blonde, prend la défense des personnages noirs, et a même une romance (dans les années 50s de la ségrégation !) avec l’une d’entre elle. Les méchants de la Saison 4 de La Servante Ecarlate pourraient être jugés (probablement atrocement) par Gilead, mais June Osborn complote pour organiser leur lynchage. Les héros de ces séries ne sont donc pas obligés de sombrer dans une vengeance aveugle, c’est au contraire un choix conscient.  

Il y a dix ans, face à un problème collectif comme le racisme ou le sexisme, aucun film, aucune série US n’aurait proposé ce type de solution. Au contraire, une réconciliation, un pardon, une rédemption aurait été proposé au méchant (le plus souvent un mâle blanc)**. Via le pardon du héros, ou vers un procès, avec la loi comme remède aux maladies de l’humanité.

Nous n’en sommes plus là. Nous sommes à l’heure de la vengeance, et de la violence « juste », seule solution à la violence injuste***.

Et ça fait peur.

* Qui la plupart du temps étaient obligés de tuer le méchant :  repensons à toutes ces scènes avec Bruce Willis/Nick Cage/Stallone tenant la main au méchant au bord du précipice/hélicoptère, et que celui-ci, ignorant la main tendue, en profitait pour tenter de balancer notre héros dans le vide, qui n’avait alors d’autre choix que de le tuer…

** Mississippi Burning, Le Plus Beau des combats, American History X, Gran Torino, La Dame du Vendredi, Du silence et des Ombres, Amistad, Working Girl…

*** Sur le même sujet, avec les mêmes références (le massacre de Tulsa), et la même maison de production (HBO), Watchmen fait beaucoup mieux…




jeudi 1 juillet 2021


La Servante Ecarlate, saison 4
posté par Professor Ludovico

Cinématographiquement, La Servante Ecarlate reste un objet difficile à critiquer. La série fait partie de ces œuvres à thèmes très lourds (la Shoah, le racisme, les banlieues, …) qui censurent toute forme de jugement.

Dans cette dystopie terrifiante, où une théocratie fasciste a dévoyé les principes de la religion (chrétienne) pour mettre les femmes en esclavage, The Handmaid’s Tale pose – comme une deuxième couche – la question de la place de la femme dans l’occident réel : mère-pondeuse, bonniche au foyer, ou prostituée destinée à ne servir que les désirs masculins ? C’est là où elle est passionnante, ce qui ne veut pas dire qu’elle est parfaite.

Critiquer la Servante, c’est très vite se voir opposer cela. « La série a peut-être des défauts, mais elle parle de quelque chose de tellement juste… » : c’est exactement le genre de chantage aux sentiments qu’on ne supporte pas ici, à CineFast.

Et en regardant le premier épisode de cette quatrième saison, on ne peut qu’être frappé par des parallèles cinématographiques qui vont évidemment hérisser beaucoup de cinefasters : La Passion du Christ, de Mel Gibson, et 24 heures Chrono. Le martyr, et la vengeance…

Prolégomène nécessaire ; nous n’ignorons pas que La Servante Ecarlate se situe à l’opposé absolu sur l’échiquier politique. Ce n’est pas une série de droite, raciste, antisémite, ou prônant simplement la suprématie de l’Amérique sur le reste du monde. Mais pour autant, Handmaid’s Tale est essentiellement, fondamentalement, américaine. Peut-être même à son insu.

L’Amérique, depuis toujours, s’est construite sur ce fondamentalisme Ancien Testament. D’abord parce que les passagers du Mayflower* étaient à l’origine des fanatiques religieux, chassés d’Angleterre pour leurs convictions. Ils se sont ensuite identifiés au Peuple Elu – les juifs de l’Ancien Testament – obligés eux aussi de faire exode. Si le Nouveau Testament (le christianisme) prône le pardon, la rédemption et la joue tendue, l’Ancien propose plutôt la Loi du Talion – œil pour œil, dent pour dent. (merci le Framekeeper).

Cette obsession biblique irrigue tout le cinéma populaire américain, du western à la science-fiction. Du Clint Eastwood d’Impitoyable au Capitaine Kirk qui règle les problèmes de la galaxie à coups de poing, un bon père de famille américain ne se tourne pas vers son avocat en cas de problème : il se fait justice lui-même**.

A l’image de ce premier épisode saison quatre, où les femmes vont se venger de ce qu’elles ont subi (comprendre : depuis trois saisons). Un Commandeur qui n’arrivait pas à avoir d’enfants a fait violer sa femme par tous les hommes qui passaient par là. Notre héroïne, June, se laisse très rapidement convaincre qu’il faut torturer l’un de ces hommes, puis le lyncher. « Because we fight. »

Tout est dit. Il faut tuer, rendre coup pour coup, car il s’agit d’un combat et pas d’une justice à exercer. Pas de procès, pas d’application de la loi, pas d’éducation ou de rédemption du coupable. Ce progrès essentiel de notre civilisation, la loi qui s’intermédie entre le coupable et sa victime pour lui donner réparation ? Tout cela a disparu. Comme dans tout le cinéma de Droite, les Dix Commandements, Le Justicier dans la Ville, les films de superhéros ou tout le cinéma de Tarantino. La solution, c’est le lynchage. June Bauer est en cornette, mais c’est quand même la sœur de Jack Bauer.

La série se complait tout pareillement dans le martyr. Martyre, June l’est assurément. Enlevée, séparée de son mari et de sa fille, insultée, violée, torturée… Il serait impensable qu’il en soit autrement dans l’univers de Gilead, cette dictature terrible inventée par Margaret Atwood. Mais l’actrice-productrice Elisabeth Moss est-elle obligée de se réserver la moitié des plans, sur son regard halluciné, son visage giflé, son corps ensanglanté ? Cette obsession douteuse a fini par gangréner la série, qui gagnerait à mettre la pédale douce sur la Passion selon Sainte June, qui finit par confiner au ridicule***.

Ces scènes sanglantes, filmées avec une telle complaisance gore, et répétés d’épisode en d’épisode, ne cessent d’étonner. Et l’on est une fois de plus consterné devant la critique française, qui voue aux gémonies (au hasard : Neon Demon), mais s’extasie sans distance devant les yeux enfiévrée de la servante écarlate.

*Les costumes féminins de la série évoquent d’ailleurs le XVIIème siècle et la série se passe à Boston.

**Il y a évidemment un pendant progressiste à cela : les films de procès

***Dans un autre rôle, l’excellente Elisabeth Moss en disait tout autant, si ce n’est plus, sur le même sujet : Mad Men, évidemment.




jeudi 4 mars 2021


The Good Lord Bird
posté par Professor Ludovico

De 1855 à 1859, le militant abolitionniste John Brown a ravagé le Kansas en massacrant tout ce qu’il suspectait d’être un esclavagiste. Une épopée qui culmina avec l’assaut d’Harpers Ferry, un village de Virginie abritant un important arsenal. Objectif : s’emparer de ses milliers de fusils et les donner aux noirs, et lancer l’ « insurrection finale » qui libérerait le peuple noir.

Cet épisode de la Guerre de Sécession, célèbre en son temps*, est parfaitement connu des amateurs du Civil War de Ken Burns. Mais aux Etats-Unis, John Brown est un personnage quasi oublié, controversé, peu célébré. Pas de rue John Brown, pas de statue à son effigie. Son fanatisme religieux**, sa folie évidente, son jusqu’au boutisme, ont éclipsé son œuvre. Mais pourtant, deux ans après Harpers Ferry, la guerre éclatait, et elle allait effectivement abolir l’esclavage.

C’est Ethan Hawke qui s’empare de cette histoire, au travers du roman de James McBride, L’Oiseau du Bon Dieu. On y suit l’épopée de Brown, vue par le regard d’un personnage fictif, le jeune Henry Shackleford, adolescent noir obligé de se déguiser en fille, car John Brown (Ethan Hawke) a mal compris son nom.

On le voit, The Good Lord Bird part bizarrement, et cela n’a pas vocation à changer. Car Ethan Hawke prend le parti de la farce, des frères Coen, du Tom Sawyer de Mark Twain, pour raconter cette histoire irriguée de toute part par le drame. Drame de l’esclavage, du racisme, du sexisme. Drame du prophète désarmé, utilisé, manipulé, et moqué… The Good Lord Bird taille au passage un costard (un peu comme 12 Years a Slave) aux abolitionnistes de salon comme Frederick Douglass. The Good Lord Bird va équilibrer en permanence son discours ; pas de méchants blancs d’un côté, et de noirs courageux de l’autre. Appelés à la révolte, les noirs ne rejoignent que rarement John Brown, tout simplement parce que c’est impossible…

Car si l’épopée est souvent drôle, la série va vous plonger subitement, au détour d’un chemin, dans le drame absolu. Pendaison d’une esclave***, ou simple anecdote, The Good Lord Bird est sur le fil du rasoir en permanence : une performance en soi.

Mais comme d’habitude, ce qui compte dans une série ce sont les acteurs. Ethan Hawke, l’habituel séducteur de Julie Delpy (Before Sunset, Sunrise, etc.) livre là une performance habitée. Mais la palme reviendra peut-être au quasi débutant Joshua Caleb Johnson, qui joue Echalote, la jeune Henrietta/Henry Shackleford. D’abord consterné par la bêtise de ce bigot blanc, puis ébloui par sa bonté et la sincérité de sa cause… Nous l’accompagnerons dans cette épiphanie : rigolards au début, pour finir assaillis par l’émotion.

* Victor Hugo, par exemple, plaida pour la libération de John Brown.

** Un des nombreux paradoxes de la Guerre de Sécession : les principaux contempteurs de l’esclavage se comptaient parmi les fanatiques religieux puritains du Massachusetts. La Bible affirmait que les hommes étaient égaux, don l’esclavage ne pouvait qu’être un péché…

*** Illustré du magnifique I Shall Be Released interprété par Nina Simone, à l’avenant d’une B.O. anachronique mais parfaite…




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