[ Pour en finir avec … ]

On peut pas aimer tous les gens…



mercredi 1 décembre 2021


Kelly Reichardt
posté par Professor Ludovico

On réalise qu’on a oublié de vous parler des films de Kelly Reichardt, que Le Grand Action a pourtant la bonne idée de diffuser en intégralité depuis la rentrée. On avait jusque-là eu accès uniquement aux quatre films de la réalisatrice sortis en salle depuis 2010 : La Dernière Piste, Night Moves, Certaines femmes et First Cow.

Mais là, c’est l’occasion de redécouvrir les premiers films fondateurs de ce style Reichardtien si particulier, totalement indépendant et féministe. Des films low fi, tournés avec des amis d’Hollywood (Todd Haynes à la production,  et Jesse Eisenberg, Michelle Williams, Kirsten Stewart, Laura Dern comme acteurs)

Au programme : River of Grass (1994), Old Joy (2006), Wendy et Lucy (2008). On y revient. Et on parlera aussi de l’excellent dernier : First Cow.




mercredi 17 novembre 2021


Ninotchka
posté par Professor Ludovico

Il y a des cinéastes avec qui on n’est pas en affinité, sans vraiment savoir pourquoi. Dans les années 80, nous arrivions à Paris, tel un Rastignac des Yvelines. Le célèbre IUT-Paris V Communication d’entreprise était infesté de jeunes garçons du XVIème arrondissement qui n’avaient pas réussi à intégrer Dauphine, ou de filles (du même arrondissement) qui n’avaient pas – encore – trouvé de mari. En tout cas, c’étaient des parisiens qui fréquentaient les cinémas du Quartier Latin depuis leur tendre enfance, dès que leur grand mère avaient pu les emmener voir Les Aristochats. De sorte que la cafétéria de l’Avenue de Versailles bruissait des rétrospectives vachement bien qu’il fallait absolument voir : Hitchcock et Lubitsch…

Mais le Professore Ludovico, pauvre mais déjà snob, n’avait absolument pas envie, selon le mot fameux d’un comparse, de « pointer au chef d’œuvre »… Peut-être parce qu’il y décelait, indistinctement, une forme de choix bourgeois, et de pure convention sociale : voir des vieux films plutôt que plonger dans l’excitant cinéma eighties : Birdy, Blade Runner, ou La Fièvre au Corps

Quarante ans plus tard, voilà Ninotchka sur OCS, un des waypoints obligatoires de la cinéphilie, de surcroit recommandé par le Rupellien. Poussé uniquement par le nom du film et la présence de Garbo, (et sans comprendre qu’il s’agit d’un Lubitsch), on se jette donc sur Ninotchka.

En deux mots, trois russes (sosies de Lénine, Trotsky et Staline), sont à Paris pour vendre des bijoux de l’aristocratie tsariste. En face, le Comte d’Algout (Melvyn Douglas), playboy parisien, cherche à récupérer ces bijoux pour le compte de sa maÏitresse, la Grande Duchesse Swana.

Vite distraits par les plaisirs de la vie parisienne, les trois russes sont vite rappelés à l’ordre par l’envoi du commissaire politique Ninotchka (Greta Garbo), inflexible héraut de la révolution prolétarienne. Mais évidemment, la camarade Nina Ivanovna Yakouchova va tomber dans les bras du comte, puis se laisser séduire par les charmes du capitalisme.

Si le début avec les 3 stooges russes est plaisant, le film est très vieillot et l’histoire d’amour est tout sauf plausible. Greta Garbo a été belle, mais ne l’est plus en 1939*, Melvyn Leroy encore moins… Le rythme se traine à la vitesse du transsibérien et le film est affreusement pataud dans son anticommunisme primaire – et c’est un fan de Michael Bay qui vous le dit !

*C’est d’ailleurs son avant-dernier film.




lundi 25 octobre 2021


Dune, part two: l’adaptation impossible
posté par Professor Ludovico

Dune n’est pas fait pour le cinéma. Deux adaptations recensées (Lynch, Villeneuve), quatre projets connus (Jodorowsky, Scott, Berg, Morel), et plein d’autres dans les cartons : que des échecs.

Précisons notre pensée : Dune n’est pas fait pour être adapté dans le modèle Hollywoodien de cinéma. Pas parce qu’il est inadaptable pour les raisons habituellement évoquées (complexité de l’intrigue, longueur du roman…), mais parce qu’il ne peut pas fonctionner dans le business model qui fait tourner l’édition et le cinéma américain.

Où est le problème ? Dune est le livre de SF le plus vendu dans le monde, 12 millions d’exemplaires à ce jour. La famille Herbert a gagné des millions avec l’œuvre de Frank, et continue d’en gagner autant avec les prequels et autres sequels. Les Herbert veulent leur Seigneur des Anneaux, un film qui batte des records, même s’il n’est pas fidèle à l’œuvre*. Pourvu qu’il « développe », selon le langage entrepreneurial d’usage, « la franchise Dune »…

Mais le livre d’Herbert est avant tout un drame Shakespearien. Il ferait une bonne pièce de théâtre : l’essentiel de l’intrigue se déroule dans des palais, et se base sur des conciliabules, des apartés, et quelques duels à l’épée. Les batailles que l’on voit dans les films sont hors-champ, brièvement évoquées dans le livre. Dune est en réalité un film d’auteur à 10 millions de dollars, et pas à 160**. Un film pour adultes, qui parle de pouvoir, de politique, de mysticisme et d’écologie. Hamlet meet Star Wars. Il lui faut du temps, et pas de l’argent. Un artiste – disons européen pour simplifier – préférerait probablement que l’on adapte son livre ainsi, mais pour les Herbert (et les américains en général), il est inimaginable – question d’ego autant que d’argent – de faire un « petit » film sur Dune.

L’adaptation doit donc être spectaculaire : vers des sables, batailles, et encore des batailles pour attirer un public qui veut un peu plus de divertissement que de réflexions mystico-écologiques. Spectaculaire veut dire cher. S’il coûte cher, il doit rapporter beaucoup plus. Sachant qu’on ne vendra pas de Happy Meal Harkonnen, de couette Chani, ni de radioréveil Paul Atréides, il doit rapporter encore plus.

Il faut pour cela faire un film qui plaise à un public large, 13 ans et plus. La recette est simple, il faut gommer certaines aspérités : sexe, drogue, complexité morale ou politique… Pas de chance, c’est exactement ce dont parle Dune.

Le thème principal de la saga, c’est le rapport douteux que l’humanité entretient vis-à-vis des hommes providentiels. Frank Herbert écrit son livre en 1963, en pleine Kennedy mania. Son livre est une alerte contre l’adoration quasi mystique pour la famille du Président, qui fait perdre de vue les véritables enjeux du pouvoir.

Car même armé des meilleures intentions, le pouvoir corrompt. Paul, héros libérateur de Dune deviendra dictateur sans pitié dans Le Messie de Dune.

Une histoire somme toute bien éloignée de tout ce qui fait le divertissement hollywoodien, des Pixar-Disney moralistes à Star Wars et autres Avengers. Aucune trace du Voyage du Héros cher à ces films, mais plutôt l’inverse ! Certes, Paul est initié aux arcanes du pouvoir par ses mentors, il est confronté à des expériences douloureuses et rencontre des alliés inattendus. Mais le Bien ne triomphe pas, et Paul ne rentre pas à la maison pour améliorer le monde. Au contraire, sa prédiction se réalise : un Jihad terrible commis en son nom se répand dans l’univers, « faisant pire » – selon les mots mêmes de Paul – « qu’Adolf Hitler ».

On pourrait lister à l’infini tous les thèmes qui ne « passent pas » le test du business model Hollywoodien : la religion, outil cynique de gouvernement, la drogue comme acquis culturel des Fremen, le sexe comme outil de pouvoir, l’homosexualité malsaine du Baron, ses pensées incestueuses sur son neveu… Tous sujets traitables dans un film adulte signé Lynch, Cimino ou Kubrick, mais pas dans un Dune Spielbergo-Lucasien…

Les Star Wars, les Marvel ne sont pas confrontés à ces problèmes : depuis l’invention du Blockbuster en 1977, ces franchises sont, sui generis, faites pour le grand public, notamment adolescent. Les sujets problématiques n’ont pas besoin d’être enlevés, car ils n’y ont jamais été.

Dune, lui, est un oxymore : un drame shakespearien coincé dans un univers à grand spectacle. Il a un petit frère : le Trône De Fer, qui comporte son lot de sexe, de politique et de morale machiavélienne : mais, comme par hasard, on en a fait une série pour HBO.

Et par le plus grand des hasards, c’est HBO qui diffuse*** sur sa toute nouvelle plateforme de streaming, le Dune de Villeneuve. Ironie des ironies ! Car c’est évidemment HBO qu’il faudrait à Dune : douze épisodes d’une heure, pour un public d’abonnés adultes, ayant payé pour ne pas être censuré de sexe, de drogue, de complexité morale ou politique…

Que cela n’ait pas été imaginé reste un des plus grands mystères de l’Univers Connu. Mais comme chacun sait, il existe bien des dictons sur Arrakis : « Lourde est la pierre et dense est le sable. Mais ni l’un ni l’autre ne sont rien à côté de la colère d’un idiot. »

* Frank Herbert aurait probablement eu la même réaction. Il avait validé le film de Lynch.

** Au final, le film de Villeneuve coûte 165 millions de dollars et est censé en rapporter au moins le double. Le dernier Star Wars a rapporté 2 milliards.

***Le monde cruel d’Hollywood a vu ces derniers mois un réalisateur reconnu (Villeneuve) se battre avec la maison mère (la Warner) pour que son film soit diffusé sur grand écran, plutôt que servir de produit d’appel à HBOMax. Le canadien a fini par gagner, Dune sortira aux USA le même jour sur grand écran. Mais jeudi dernier, dans un coup de pied de l’âne dont les studios ont le secret, HBOMax a avancé d’une journée la diffusion de Dune sur sa plateforme. A la fin, c’est toujours le studio qui gagne.


 




mercredi 25 août 2021


Le Veau d’or (le Godard) est toujours debout
posté par Professor Ludovico

L’occasion était trop belle. Sur France Culture, Michèle Halberstadt – la voix la plus sensuelle du PAF – animait cet été une émission intéressante*, Les films qui ont changé nos regards.

Le concept : les grands films du répertoire (Vertigo, 2001, Le Mépris…) vus par des spectateurs français de renom (Isabelle Huppert, Bruno Podalydes, Arnaud Desplechin…), passionnés par le film en question.

A la fin de chaque émission, Michèle Halberstadt demandait l’avis de l’Oracle. L’oracle, quel oracle ? Mais l’Oracle, voyons ! Jean-Luc Godard himself. L’homme dont la pensée rayonne – au sens radioactif du terme, nous y reviendrons – sur le cinéma français depuis 70 ans. Et là, évidemment, c’est un défilé : « Le Parrain ? pas un film qui a changé le monde ! » « Kubrick ? Un faiseur…» « Hitchcock ? beaucoup de faiblesses… » Etc., etc.

Venant d’un cinéaste, dont, le moins qu’on puisse dire, aucun film n’a eu le retentissement ou la longévité de Vertigo ou de 2001, ça ne manque pas de sel. Comme on sent la jalousie d’un nonagénaire aigri, qui a beaucoup aimé le cinéma, mais qui brûle ce qu’il a adoré, on se rue sur la dernière émission qui lui est intégralement consacrée. Une heure de pure pensée godardienne sur le cinéma, la vie, et le reste.

Que dirait-on aujourd’hui de quelqu’un qui trouve tout le monde nul, à commencer par ses amis (Truffaut, Goupil, Cohn-Bendit) ? Qui râle sur tout ce qui est moderne ? Qui répond par la négative à toutes les questions** ? Un facho ? Un vieux con ? Mais non, c’est Jean-Luc Godard, l’Ermite de Rolle. Dont nous écoutons, masochistes béats, les « leçons », diverses et variées, depuis 1950***…

Hormis quelques fulgurances connues****, le génie godardien est essentiellement composé de réponses négatives (indiquant que vous avez tort, quelle que soit la question) basées sur des jeux de mots lacaniens : « Dans la peinture moderne, il y a toujours des titres aux tableaux. A la banque aussi. » « La représentation ? Mon avocat dit aussi qu’il va me représenter, mais comment peut-il me représenter ? » Etc. Essayez vous aussi, avec quelques huîtres et un bon petit Muscadet, vous verrez, c’est pas très compliqué…

Ce n’est pas pour rien que le Snake – le Chief Technical Officer de CineFast – a créé la rubrique Pour En Finir Avec. Finissons-en donc avec Jean-Luc Godard, le veau d’or du cinéma français, l’homme par qui tout est arrivé, et par qui tout fut détruit.

Car Godard n’a réalisé qu’une poignée de films réellement intéressants, les premiers surtout (À Bout de Souffle, Pierrot le Fou, Masculin Féminin)*****. Donnant corps à la diatribe d’Orson Welles (« Si vous voulez faire du cinéma, faites-en ! Volez des caméras ! Volez de la pellicule ! », la Nouvelle Vague apportait cette idée neuve dans le cinéma des studios : une révolution technique, en tournant avec de simples caméras 16 mm, qui permettaient de s’affranchir de la lourdeur des studios. Et une révolution narrative, en filmant ainsi dans la rue, sans décor, des choses nouvelles. En un mot les aspirations de cette jeunesse 50’s étouffant dans la pesanteur sociale d’après-guerre…

Si ce bouleversement a engendré de beaux bébés (Godard, Truffaut, le Nouvel Hollywood), elle a aussi détruit le cinéma français. Car ces jeunes Turcs ont pris le pouvoir en fustigeant le « cinéma de papa » : le cinéma populaire, de qualité, des années 30 à 50. Ecartés les Duvivier, Marcel Carné, Claude Autant-Lara…

La Fatwa des Cahiers du Cinéma a duré trente ans. Un peu comme Boulez imposant son joug dodécaphoniste sur la musique contemporaine, Godard&Co ont imposé les sujets chichiteux de la bourgeoisie de Saint-Germain des Prés, son refus du scénario, et ses pré-requis techniques low cost (son direct, éclairages hésitants, acteurs improvisés…)

Cette révolution obligatoire de la forme a contaminé tout le cinéma français comme des rayons gamma. Son aura intellectuelle a été relayée par le système des subventions du CNC, qui valide les bons sujets/le bon goût du moment (il y a vingt ans, les banlieues, aujourd’hui, les problématiques de Genre). De facto, l’État oriente le type de sujets de films qui peuvent se tourner et ceux qui ne peuvent pas se tourner. Cette pensée se retrouve parmi les techniciens (formés aussi par l’Etat, via la FEMIS). Autant dire qu’un film d’action, un thriller politique, une comédie romantique n’a pas lieu d’exister dans ce système.

Mais les gens meurent, leur influence s’estompe, et le système s’écroule lentement. Notamment grâce à quelqu’un comme Luc Besson, un autodidacte, qui pris lui aussi Welles au mot. Bricolant en 1983 son Dernier Combat tout seul, et prouvant que le cinéma de genre pouvait fonctionner en dehors du système. On peut penser ce qu’on veut de Besson (à vrai dire, le Professore n’en pense pas beaucoup de bien), mais il a remis le cinéma populaire (et au passage toute une industrie) au centre de la table.

Citons donc Yves Montand :  il est temps de mettre la statue du Commandeur, « le plus con des maoïstes suisses » au musée.

* Quoique non dénuée d’erreurs factuelles : le casting de 2001, par exemple …
** Halberstadt pose pourtant des questions très consensuelles, comme « Quel est votre film de chevet ?»
*** Miss Halberstadt valide elle-même cette théorie, racontant sa rencontre avec Godard, qui l’avait insulté direct : « Depuis quand votre journal, Première, se préoccupe de cinéma ? ». Quarante ans après, la journaliste devenue distributrice est toujours en transe…
****« Quand on va au cinéma, on lève la tête. Quand on regarde la télévision, on la baisse. »
***** Et les partie musicales de certains films (One Plus One avec les Stones et Soigne ta Droite avec les Rita Mitsouko)…




dimanche 25 juillet 2021


La Servante Ecarlate au Pays de Lovecraft
posté par Professor Ludovico

On dit souvent ici que le cinéma est l’âme d’un peuple, et que c’est particulièrement vrai du cinéma et du peuple américain.

Si c’est le cas, l’Amérique va mal.

En témoigne les deux season finale de Lovecraft  Country (S01) et La Servante Ecarlate (S04). Deux séries très différentes, l’une fun, l’autre sérieuse, mais dans les deux cas pavées de bonnes intentions.

Comme l’enfer.

Dans la série inspirée du livre de Matt Ruff, il s’agit de rendre hommage à Lovecraft, tout en renversant son racisme foncier du début du vingtième siècle. Dans l’adaptation du livre Margaret Atwood (qui n’est couvert que par la première saison), il s’agit de faire œuvre prospective : que deviendrait les Etats-Unis si la dérive religieuse, déjà en cours, prenait le pouvoir ?  

Mais dans les deux cas – on n’ose le dire – poussées par une forme d’enthousiasme macabre, ces deux séries prolongent leur concept au-delà de l’extrême, et leur conclusion est la même – kill’em all! – tuons tous les blancs, lynchons tous les hommes…

Si un raisonnement élaboré amène à cette conclusion (enlevons aux blancs la magie qui a servi à notre oppression, punissons les violeurs de Gilead…), elle n’en est pas moins révoltante. Il suffit de pitcher l’inverse : qui voudrait d’une série où des héros blonds se proposeraient de tuer tous les noirs parce que certains pratiquent le vaudou ?

Il y a toujours eu cette culture de la vengeance dans le cinéma américain, (nous l’évoquions ici), mais elle était le problème de personnages solitaires*. Ici, la violence est proposée comme remède systémique. Pourtant, d’autres solutions existent : le personnage de Cristina, belle magicienne blonde, prend la défense des personnages noirs, et a même une romance (dans les années 50s de la ségrégation !) avec l’une d’entre elle. Les méchants de la Saison 4 de La Servante Ecarlate pourraient être jugés (probablement atrocement) par Gilead, mais June Osborn complote pour organiser leur lynchage. Les héros de ces séries ne sont donc pas obligés de sombrer dans une vengeance aveugle, c’est au contraire un choix conscient.  

Il y a dix ans, face à un problème collectif comme le racisme ou le sexisme, aucun film, aucune série US n’aurait proposé ce type de solution. Au contraire, une réconciliation, un pardon, une rédemption aurait été proposé au méchant (le plus souvent un mâle blanc)**. Via le pardon du héros, ou vers un procès, avec la loi comme remède aux maladies de l’humanité.

Nous n’en sommes plus là. Nous sommes à l’heure de la vengeance, et de la violence « juste », seule solution à la violence injuste***.

Et ça fait peur.

* Qui la plupart du temps étaient obligés de tuer le méchant :  repensons à toutes ces scènes avec Bruce Willis/Nick Cage/Stallone tenant la main au méchant au bord du précipice/hélicoptère, et que celui-ci, ignorant la main tendue, en profitait pour tenter de balancer notre héros dans le vide, qui n’avait alors d’autre choix que de le tuer…

** Mississippi Burning, Le Plus Beau des combats, American History X, Gran Torino, La Dame du Vendredi, Du silence et des Ombres, Amistad, Working Girl…

*** Sur le même sujet, avec les mêmes références (le massacre de Tulsa), et la même maison de production (HBO), Watchmen fait beaucoup mieux…




samedi 22 mai 2021


Abbas Kiarostami à Beaubourg !
posté par Professor Ludovico

Les 46 films d’Abbas Kiarostami sont projetés au Centre Pompidou jusqu’au 26 juillet, qui veut venir ?

Nan, j’déconne…




lundi 1 mars 2021


Why Hollywood sucks?
posté par Professor Ludovico

Le coup fait mal, car il vient de l’intérieur. Rien de moins que de l’acteur Anthony Mackie, le Faucon des Avengers. James Malakansar nous conseille astucieusement une vidéo de 2017 où Mackie, probablement à un ComicCon ou quelque chose d’approchant, explique pourquoi Hollywood sucks

« Avant, le cinéma était une expérience, un truc familial, un événement… Aujourd’hui, les gens vont voir un film parce qu’il va être numéro un au Box-Office, tout en sachant déjà par Internet qu’il est mauvais…

Il n’y a plus de star de cinéma. Anthony Mackie n’est pas une star ! La star, c’est le Faucon ! Avant on allait voir un Stallone, un Schwarzy, un Tom Cruise, maintenant on va voir les X-Men ! Cette évolution vers les super-héros, c’est la mort des stars de cinéma… Et ça fait peur...

On fait des films pour les gosses de seize ans et la Chine, et puis c’est tout. Les films que vous avez vus enfant, Les Goonies, Halloween, The Thing, ça serait impossible à faire aujourd’hui … Les Goonies, c’est maintenant sur Netflix et ça s’appelle Stranger Things. C’est pour ça que les gens ne vont plus au ciné : parce que les films sont nuls… »




mercredi 20 janvier 2021


Subway
posté par Professor Ludovico

On a le longtemps renâclé à l’idée de revoir Subway. Le film de nos vingt ans était trop important, trop viscéral. Et on ne savait que trop bien ce que le cinéma de Besson était devenu. Quelques scènes du Grand Bleu avait suffi à nous convaincre qu’il ne fallait pas retourner sur les chemins de la jeunesse ; ils avaient changé – nous aussi.

Pour autant, il est difficile d’expliquer aujourd’hui ce que Subway représentait pour la jeunesse de 1985. C’était avant tout un film d’action excitant, drôle, émouvant. Mais surtout, il était fait pour nous, par l’un d’entre nous. Besson n’avait pas fait d’école de cinéma, il sortait de nulle part : c’était l’équivalent punk du septième art. Mais il avait à peu près notre âge, savait ce qui nous émouvait, ce qui nous faisait rire… et il était bien le seul dans le cinéma français ! Si un type comme lui pouvait trouver de la pellicule pour tourner Le Dernier Combat, on pouvait le faire aussi…

Subway incarnait cela, mais plus encore : notre état d’esprit, fait de rébellion et d’arrogance, contre ces horribles années 70, giscardiennes, à la fois hippies et compassées. Subway parlait des Halles où nous traînions. Des catacombes, où nous nous aventurions la nuit venue… De musique, où nous nous lancions…

Le casting de Subway était le reflet parfait de cette génération : Adjani, qui était à trente ans la reine incontestée du cinéma français, Christophe Lambert, qui émergeait, mais aussi Richard Bohringer et Jean-Hughes Anglade, qui incarnaient les outsiders de génie, déjà vus dans Diva ou à venir dans 37°2 Le Matin, autres films cultes de cette génération.

Revoir Subway aujourd’hui, c’est donc se confronter à ce cinéma (qui a techniquement peu vieilli) mais aussi aux valeurs un peu surannées qu’il transporte. Certes, la rébellion bourgeoise d’Adjani à la table du Préfet sonne un peu faux aujourd’hui*, alors qu’elle faisait notre joie en 1985.

Mais le reste tient la route. Besson est le premier à montrer l’autre France, ces immigrés qui font le métro (la fête d’anniversaire, l’haltérophile). Cela a l’air évident aujourd’hui, mais Besson fut le premier, au moins dans ce genre grand public.

Il ridiculise la police, en la personne de Batman** (déjà génial Jean-Pierre Bacri !) et du commissaire Gesberg*** (immense Galabru !), mais derrière la comédie, se profile une belle tragédie : l’histoire d’un enfant blessé, autiste, clown triste et punk (Lambert) qui vole les riches (Adjani) pour monter un groupe de rock. Une vraie tragédie, qui finit mal.

La force du film, c’est à la fois les décors d’Alexandre Trauner, les comédiens, servis par les meilleurs dialogues que Besson écrira : une sorte, – osons la comparaison de l’époque – d’Enfants du Paradis des années 80.

Mais le plus étonnant là-dedans, c’est que tout le cinéma de Besson à venir est dans Subway : le cinéaste ne fera que des copies de ce film : des femmes belles et rebelles (Nikita, Jeanne d’Arc, Lucy), des héros au visage d’enfant (Leon, Arthur et les Minimoys), des voitures dans des courses-poursuite incroyables (Taxi, Le Cinquième Elément), des flics idiots (Taxi) et des adultes défaillants (Le Grand Bleu, Arthur). Mais on ne peut pas faire à cinquante ans le film qu’on faisait à vingt.

C’est toute la force de Subway, et toute la faiblesse du cinéma de Besson.

*« Monsieur le préfet, votre dîner est nul, votre baraque est nulle, et je vous emmerde tous ! »
** « Chier, merde ! Chier !! »
*** « C’est terrible, hein? Cette violence qui sommeille en chacun de nous ! »




mercredi 25 novembre 2020


Mathieu Kassovitz, ou pourquoi le cinéma ne fait plus rêver
posté par Professor Ludovico

Qu’est-ce qui pourrait sortir le Professore Ludovico de sa retraite confinée ? Mathieu Kassovitz, qui donne une interview à Konbini. C’est ici, car contrairement à Apocalypse Now, il faut regarder la version longue.

Comme disait Desproges à propose de Marguerite Duras, Kassovitz a dit beaucoup de conneries, il en a aussi filmé. Mais on ne peut lui retirer ni sa sincérité (qui lui a souvent causé du tort), ni son talent, en tant que réalisateur (La Haine, Les Rivières Pourpres) ou acteur : Regarde les hommes tomber, Un héros très discret, Munich, Le Bureau des Légendes, ni son véritable amour du cinéma…

Et là, en quarante minutes, il explique pourquoi le cinéma ne fait plus rêver. Et comme vous n’avez pas quarante minutes, le Professore vous fait la synthèse.

Gratos.

  1. Avant, aller au cinéma était un événement ; il n’y avait dans l’année qu’un Star Wars, qu’un Superman… on l’attendait plein de désir, car il n’y en avait pas d’autres. Aujourd’hui, il n’y a que des Star Wars…
  2. Les effets spéciaux numériques ont tué la magie du cinéma. Dans Mad Max 1, on frémissait pour les acteurs/cascadeurs en se demandant « comment ils avaient fait ça » … Dans Mad Max 4, on est convaincus que tout est en CGI*. On a plus peur pour personne. On ne ressent plus rien.
  3. On ne sait pas exactement ce qu’on voit. « Dans 1917, il y a des explosions. Sont-elles vraies, sont-elles rajoutées ? On ne plus rêver… »
  4. Au contraire, les frères/sœurs Wachowki ont tout compris ; avec Matrix ils ont inventé quelque chose de nouveau pour dire quelque chose de nouveau. La technique au service du message…  
  5. C’est le contraire dans le cinéma français : les réalisateurs ne s’intéressent pas assez à la technique. Dans les films de Spielberg, chaque plan a une raison d’être. Dans un film français, le réalisateur ne sait pas pourquoi ce plan est filmé comme ça… c’est le boulot du chef op’, du monteur…
  6. Les scénarios sont devenus inutilement compliqués : Tenet, Ad Astra, Interstellar… au bout de dix minutes, on est perdus, et on ne se rappelle plus de rien en sortant de la salle…
  7. Fight Club a été la fin du commencement et le commencement de la fin ; la fin d’une certain type de société et aussi d’un certain type de cinéma.
  8. Ce sont les contraintes qui font l’art : le requin animatronique des Dents de la Mer qui ne marche pas, le costume d’Alien qui est ridicule en plein jour, ou Besson sans le sou pour le Dernier Combat, voilà qui obligent les metteurs en scène à inventer. Cacher le requin le plus longtemps possible, filmer Alien dans le noir, filmer dans des friches industrielles sans le son avec des vieilles cameras : c’est de ces contraintes que sont faits les films… or ces contraintes n’existent plus…  
  9. « Dès que j’ai vu l’oreille coupée avec la musique dessus, je me suis dit qu’il y avait un problème » : Kassovitz règle son compte à Tarantino et à sa trop nombreuse cohorte de fans en transe. Avant Tarantino, la violence c’était mal. Montrer de la violence au cinéma, c’était politique. Après Tarantino, la violence est devenue rigolote, funky.
  10. Tarantino, deuxième couche : « refaire pour 100 M$ des films Z qui ont coûté 100 000$, tout le monde peut le faire… »  
  11. Les réalisateurs ne font plus que 30% d’un film : tout est déjà prévu en pré-production, storyboardé, pré-animé, pré-monté : une fois arrivé sur le tournage, il n’y a plus qu’à faire de la politique : éviter les conflits sur le plateau, arbitrer avec le studio, etc.
  12.  « Marcel Carné, si vous n’avez pas vu ça… on ne peut plus faire grand-chose pour vous ! »

Que dire de plus ?




vendredi 3 janvier 2020


Star Wars 9 – L’ascension de Skywalker
posté par Professor Ludovico

Je suis un rebelle. Pas un rebelle de la rébellion, mais un rebelle à Star Wars. Je crache dessus depuis 1977, mais pour des raisons diverses, notamment celle d’être emmené contre mon gré (mon gré ne se battait pas beaucoup), j’ai vu les 8 premiers épisodes de la saga. Pour être franc, il y en un a que j’ai aimé ; comme tout le monde : l’Empire Contre-attaque.

Mais depuis 1977, j’ai dit que cette science-fiction en pyjama avait été une connerie, from day one. Un hommage second degré au space opera des serials des années 30 (Flash Gordon, par exemple), devenu une saga qui se prend au sérieux, au premier degré

Mais je les ai tous vus, le Retour de la Revanche des Jedi Perdus de l’Empire Républicain. Et j’ai vu mes amis mourir d’ennui devant le Seul-et-Unique-Scénario: un jeune homme (ou une jeune fille) de la campagne, qui rêvé de Chevalier Jedi, combat une-terrible-arme-qui-peut-détruire-une-planète-entière.

Mais aujourd’hui, 3 janvier 2020, pour la première fois, j’ai résisté à la Force. Merci Frank Herbert, je suis sauvé. Je n’aurais plus peur, car la peur tue l’esprit.




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