[ Pour en finir avec … ]

On peut pas aimer tous les gens…



mercredi 17 décembre 2014


The Affair s01e08
posté par Professor Ludovico

Pourquoi s’embêter à aller au cinéma ? Pourquoi s’embêter, en effet, quand vous avez, dans votre canapé, un film par semaine de la qualité de The Affair ? Car c’est bien de cela dont il s’agit : un drame d’une heure, intelligent – européen, oserait-on dire – filmé avec goût, esthétique et formidablement joué.

Un film chaque semaine qui traite des errements de l’amour, de la difficulté de vivre, de la vie et de la mort, des parents et des enfants, et qui rappelle les meilleures heures de Téchiné, Sautet, ou tout simplement de Six Feet Under ?

Pendant ce temps, que nous propose-t-on pour dix euros ? Les mêmes comédies rances du cinéma français, ses drames bourgeois, ses polars irréalistes, ou le recyclage infernal du patrimoine (Petit Nicolas et autres Benoit Brisefer).

Hollywood, en vérité, ne propose pas mieux. L’usine à rêves a renoncé aux adultes ; elle ne présente que la version aseptisée, infantilisée, des thèmes de The Affair. Rapport père/fille traité en mode balourd dans Interstellar, dilemmes psychologiques abracadabrantesques dans les films de superhéros. Le grand écart post moderne entre une prétendue modernisation de ces sous-genres et le vide criant de l’ambition affichée. Nous voilà revenus aux mauvaises séries B des fifties, mais maintenant, les séries B coûtent 200M$.

Quoi d’autre ? Le recyclage tout aussi infernal de l’animation 3D à base de pingouins, de zèbres, d’avions et de voitures anthropologiques, répétant à l’infini le scénario insupportable du roman d’apprentissage et de la rédemption. Sans parler, last but not least, de la sortie cette semaine du massacre, numérisé à la truelle, du plus grand conte de fées de tous les temps.

Je préfère passer l’hiver à Montauk.




mardi 6 mai 2014


James Bond 007 contre Dr No
posté par Professor Ludovico

Pour une fois, le Professore Ludovico ne voulait pas faire son coinçouille : profitant d’une diffusion TNT, il s’est mis à regarder James Bond 007 contre Dr No.

A mater, pourrait-on dire, car l’espoir de voir Ursula Andress en petit bikini blanc n’était pas étranger à l’affaire. Il fallut être patient, car la belle mit une heure à jaillir du lagon jamaïcain du bon docteur. Elle était – accrochez-vous – partie pêcher des coquillages à l’endroit même où son père, le professeur Ryder, avait disparu quelques années auparavant. Le paternel était marine biologist, ce qui ne manquera pas de déclencher des rires discrets chez les fans de Seinfeld.

Bref, à part le chemisier blanc, (champion du monde de T-Shirt mouillé), et la séance de douche anti-radioactive (on veut tous bosser au CEA), il n’y a rien à sauver de James Bond contre Dr No. L’histoire est pathétique (le Dr No cache sur son île jamaïcaine une mine d’uranium qui lui permet d’alimenter sa centrale nucléaire afin de dérégler les fusées américaines qui partent pour la Lune de Cap Canaveral, dans un but probablement criminel, il fait partie du SPECTRE, après tout !), la mise en scène indigente, les gadgets ridicules (la Voiture Dragon ! Le compteur geiger !) et tout ce petit monde joue comme un pied, comme toujours, et pour toujours, dans les James Bond.

Pas étonnant que ce soit les mêmes qui s’extasient sur James Bond et sur 24. Mauvaise nouvelle, il paraît que Jacko revient. En Angleterre. S’il pouvait en profiter pour buter l’agent 007, ça m’irait bien.




samedi 9 novembre 2013


« J’ai de la peine pour mes personnages »
posté par Professor Ludovico

Picoré ce matin dans le podcast conseillé par le Professor Mortimer de Mantes-La-Ville « Pendant les travaux le cinéma reste ouvert », sur France Inter, cette petite citation de Martin Scorsese.

L’auteur des Affranchis vient de voir Reservoir Dogs et on lui demande son avis.

– « Moi, J’ai de la peine pour mes personnages, et je crois que Quentin n’a pas de peine… »

Quelle meilleure définition du cinéma vide de QT ? A part l’excellent Jackie Brown (qui démontre en creux cette théorie), Tarantino n’a pas de personnages, il a des jouets et il les filme. Gangsters, grosses voitures, esclaves noirs ou soldats US, Barbie Mariée et Barbie Karateka : ses personnages ne sont pas de personnages, mais des poupées GI Joe qu’il met en scène avec un talent certain.

Mais sans âme.

A contrario, le cinéma de Scorsese, tout aussi violent, propose systématiquement un point de vue. A l’époque de Casino, le réalisateur expliquait que les scènes de violence inouïes du film étaient nécessaires parce qu’elles correspondaient à la réalité de la mafia, mais qu’elles devaient aussi provoquer le dégoût du spectateur, sans quoi son film serait raté.

Tout le contraire d’un film de Tarantino, en somme.




vendredi 25 janvier 2013


JJ Abrams, le grand mensonge
posté par Professor Ludovico

Ah, délicieuses contradictions américaines ! Ce pays qui abhorre le mensonge, mais pratique l’hypocrisie, en offre l’illustration éclatante aujourd’hui.

Dans le rôle principal, JJ Abrams, notre menteur pathologique. L’homme qui avait déclaré, Saison 1, et sans rire, qu’il connaissait la fin de Lost, et que l’île n’était « absolument pas un purgatoire« , récidive ces jours-ci.

Il y a un mois, il renonce à diriger Star Wars VII . La main sur le cœur, et un argument massue, lourd comme un pâté en croûte Klingon : « J’ai eu quelques discussions avec la production, mais j’ai rapidement fait savoir ma décision. A cause de la fidélité à Star Trek et surtout à cause du fait que je suis un grand fan de Star Wars, je ne voulais pas être impliqué dans ces suites. J’ai décliné l’offre très rapidement. Je préfère largement faire simplement partie du public et ne rien savoir de l’intrigue plutôt qu’être impliqué dans cette histoire. Ces deux franchises sont sans cesse comparées, mais je ne rentre pas dans ce jeu-là. Je suis un énorme fan de la première trilogie et l’idée de voir cet univers se développer est absolument fascinante. De plus, Kathleen Kennedy est une amie et il n’y a pas de productrice plus futée qu’elle. La saga est en de bonnes mains »

Ce matin, Patatras. JJ Abrams dirigera Star Wars VII. Qu’est-ce qui a changé ? Probablement un zéro rajouté sur un chèque, un droit au final cut, un bonus de 0,00005% sur les mugs Yoda, ou une petite copine qui jouera la femme de Bobba Fett. Ou (on n’est pas à l’abri de nouveaux rebondissements), une façon de négocier pour l’une et l’autre partie (Disney qui tente un coup de pression pour faire baisser le cachet de Ben Affleck (pressenti lui aussi) ou Abrams qui veut voir augmenter le sien sur Star Trek III. Peu importe. Le Professore n’est pas dupe, mais il a un cœur.

Quand JayJay a évoqué sa fidélité à Star Trek, celui-ci a fait un bond. Le Professore n’aime pas trop Star Wars, trop concon, trop plagiaire pour lui. Et il est un trekkie pratiquant : la série originale, et TOUS les films (11*, douzième en cours, avec Gégé justement). Avec des scénarios qui racontent autre chose qu’un paysan en peignoir, à qui on offre un coupe chou, et qui part découvrir le vaste monde à la recherche de sa soeur(TM)  et de son père(TM). Mais une fois de plus, le Professore a cru le Grand Menteur.

Tous les artistes sont des affabulateurs, et il faut avouer que l’on attendait plus grand-chose d’Abrams, à qui l’on aurait pourtant volontiers confié, il y a quelques années, la succession Spielberg.

Mais là, bizarrement, ça fait mal.

*Star Trek, La Colère de Khan, À la recherche de Spock , Retour sur Terre, L’Ultime Frontière, Terre inconnue, Star Trek : Générations, Premier Contact, Insurrection, Nemesis,
Star Trek (le reboot de JJ Abrams) et à venir : Star Trek Into Darkness (2013)




vendredi 2 novembre 2012


Victoire de l’Empire
posté par Professor Ludovico

Depuis 48h, la rédaction de CineFast est assaillie de demandes d’interview exclusive. Du monde entier, du Magyar Nemzet de Karl Ferenc, de l’Osservatore Romano de Ludo Fulci, on souhaite recueillir l’avis du Professore.

Ses assistantes, Magenta et Columbia, prennent les appels, mais ne savent que répondre : le Professore est injoignable. Il travaillerait à un livre-somme sur Starship Troopers ou à une analyse détaillée de l’influence de Kubrick sur l’art de l’origami au Japon.

La vérité oblige à dire qu’il n’en est rien. Le Professore s’en fout.

Comme de son premier pyjama Star Trek, de ses DVD de San-Ku-Kaï, ou de son 45t de Capitaine Flam dédicacé par Richard Simon.

From day one, le Professore n’aime pas George Lucas. Ce petit voleur à la tire de la SF sans talent, qui a construit son œuvre, tel le Facteur Cheval, en accumulant des bouts du travail des autres (Dune, Flash Gordon, les films de guerre aérienne des années quarante, les Chevaliers de la Table Ronde) pour écrire son petit univers minable de gentils et de méchants galactiques qui a, à notre grand désespoir, conquis la planète, tandis que les chefs d’œuvres de la SF croupissent dans les tiroirs d’Hollywood, attendant une adaptation*…

George Lucas est un escroc. Un bon producteur (Star Wars, Indiana Jones), mais un réalisateur lamentable (Star Wars, le film), un scénariste pitoyable (Star Wars 1-2-3). Les meilleurs Star Wars ont été réalisés par d’autres (Irvin Kershner) et scénarises par d’autres (Lawrence Kasdan).

George Lucas n’a rien fait d’autre après. THX 1138 est intéressant, American Graffiti pas mal, mais en dehors de ça ?

Donc, si vous voulez mon avis (et que vous n’êtes pas encore allez vous réfugier sur Oth, comme toute racaille Rebelle qui se respecte), le rachat par Disney est une BONNE nouvelle. Même pour vous, les lucasseux ! Cette franchise de produits dérivés va enfin produire de vrais films, les premiers depuis L’Empire Contre Attaque. Ça sera toujours aussi sirupeux et passionnant que les amourettes galactiques de Luke Skywalker, mais au moins il y aura une début, une fin, trois actes, des comédiens dirigés, des effets spécieux lisibles, et une musique audible.

Bienvenue dans le cinéma professionnel !

* Je fournis une liste personnelle, au cas où Bob Iger jetterait un coup d’œil à CineFast, une fois fini la lecture de Variety : Chroniques Martiennes, Les Monades Urbaines, La Ruche d’Hellstrom, Croisière sans Escale, Babel 17, L’Orbite Déchiquetée, Ubik, La Grande Porte, Demain les Chiens, Martiens go Home, Les Voyages électriques d’Ijon Tichy , La Guerre Eternelle, Radix, et, en heroic fantasy : Terremer, Le Cycle des Épées, Elric le Necromancien, L’Ombre du Bourreau, Les Neuf Prince d’Ambre…




dimanche 9 septembre 2012


Dune
posté par Professor Ludovico

« Sur Dune, nous avons un dicton : Dieu a créé Arrakis pour éprouver les fidèles. »

Il a créé le film, aussi.

Rappel des faits. 1981. Après des années d’attente, et un projet avorté avec Jodorowski, la nouvelle tombe : David Lynch va adapter Dune.

C’est deux bonnes nouvelles en même temps. David Lynch est un réalisateur de talent, auréolé par le succès freak d’Elephant Man. Après un film atroce et passionnant, (Eraserhead), Mel Brooks lui a confié l’adaptation de la pièce sur John Merrick. Elephant Man est un immense succès public et critique, mélangeant les obsessions très particulières de Lynch avec un mélo d’excellente facture. Un auteur vient de naître.

Quelqu’un d’autre veut accéder à ce graal, c’est Dino de Laurentis. Producteur arty à ses débuts (La Strada, Barrage Contre le Pacifique), il ne produit plus de la GCA dans les années 70 (Un Justicier dans la Ville, King Kong, Flash Gordon) : De Laurentiis veut redorer son blason. La SF s’est mise à cartonner (Star Wars, Alien, Outland, Blade Runner) et Dino de Laurentis veut adapter un chef d’œuvre : ce sera Dune. Pour cela, il adoube sa fille, Rafaella, comme productrice qui sort de Conan le Barbare. Pour cela, il suffit de prendre le réalisateur le plus hot du moment (Lynch), qui a l’avantage de ne pas coûter trop cher. Lynch n’a qu’un inconvénient : il n’a jamais dirigé de superproduction, ni de film en couleurs.

Précurseurs, les De Laurentis décident de tourner au Mexique, où les studios Churubusco proposent à moindre prix techniciens, décors, et figurants. Ces choix, qui semblent frappés au coin du bon sens pour le film le plus cher de tous les temps (à l’époque, 80M$) vont s’avérer catastrophiques.

Car Dune n’est pas un roman ordinaire. Le Professore a « replié l’espace » vers Arrakis à quinze ans, et n’en est jamais revenu. Le sujet est étonnant, et son traitement encore plus. Ecrit en 1965, Dune préfigure en effet les futures crises pétrolières et l’explosion du Proche Orient. Sur la planète Arrakis (ou Dune), de grandes Maisons Nobles s’affrontent pour le contrôle d’une matière première, l’Epice, qui n’est pas du pétrole, mais une drogue qui permet les voyages intersidéraux. Le « héros », Paul Atréides, va mener la population locale (les Fremen) à l’insurrection et au contrôle de l’Epice.

Formidablement écrit, Dune fait plus penser à une pièce de Shakespeare qu’à Fondation. Il n’y a pas les clichés habituels de la SF (épée laser, jeunes princesses en string et batailles intersidérales). Non, il s’agit de politique, de complots, et d’intérêts supérieurs qui engagent des planètes entières. La religion n’est pas une révélation, une épiphanie, mais bien une technique de contrôle des masses. Paul Atreides est un héros authentique, mais surtout un Prince, au sens machiavélien du terme : reprendre ou conserver le pouvoir, écarter les ordres religieux, voilà ses objectifs. L’écologie, fait nouveau dans les années soixante, tient une place centrale dans toute l’œuvre de Frank Herbert, et Dune est son livre-thèse sur ce sujet. La planète Arrakis y est minutieusement décrite, faune et flore incluse, alors qu’il ne s’agit que d’un immense désert.

En s’attaquant à Dune, les De Laurentis n’ont donc pas choisi la facilité. Comme Le Seigneur des Anneaux, Dune possède une base hardcore prête à discuter dans les moindres détails de l’uniforme de Duncan Idaho ou de l’accordage en ré mineur de la balisette de Gurney Halleck. C’est sur cette base, gros comme un iceberg de dix millions de lecteurs, que va se naufrager le film.

Car s’il reçoit un accueil très positif en France (2 millions d’entrées, dont 6 du Professore), c’est un bide partout dans le monde. Les De Laurentis ne s’en remettront pas, mais chevaleresques, n’en voudront pas à David Lynch, et produiront même son film suivant (Blue Velvet), authentique chef d’œuvre qui l’installera directement au panthéon des artistes d’Hollywood.

***

Maintenant, le temps est venu d’initier la jeune génération. Après des essais infructueux auprès de la Professorinette (lui offrir le livre n’a pas suffi), c’est le Professorino qui est demandeur. Et là, catastrophe, le film est pire que dans mon souvenir…

Effets spéciaux pourris
Le grand drame de Dune, c’est d’être le dernier grand film de SF produit avant l’ère numérique (les fameux yeux bleus des fremens sont peints à la main un par un : ça se voit…) Les explosions, vaisseaux spatiaux, vers des sables sur fond bleu… tout ça atrocement mal vieilli, mais avouons que ce n’était déjà pas terrible à l’époque…

Dialogues lamentables
La grande force de Dune, le livre, ce sont ses dialogues, de très haute volée entre les Princes de l’Imperium. Pire, Herbert y superpose plusieurs niveaux de compréhension. Par exemple, Paul discute aimablement avec les notables d’Arrakis, tout en réfléchissant aux implications possibles de cette conversation. En même temps, il échange avec sa mère, par gestes codés, un plan de bataille. Pour Herbert, ses personnages sont des surhommes, dans un univers où la technologie est bannie depuis la « révolte des machines ». Ils doivent penser aussi vite qu’un ordinateur, ou se battre avec un poignard aussi rapidement qu’un robot. Dès la lecture, ce genre de scène pose le problème de l’adaptation cinématographique.

David Lynch n’y apporte qu’une solution ridicule : un personnage parle, et en même temps, échange des signes codés, qui visiblement, veulent dire la même chose ! Il ajoute aussi une horrible voix off, sensée expliciter l’intrigue (« Suis-je l’Elu ? », une thématique qui n’est même pas dans le livre.) Cette voix off casse les ailes de Dune, lui empêchant de décoller réellement.

Un montage catastrophique
C’est la partie du film reniée par Lynch. Celui-ci proposa un premier montage de trois heures, charcuté à deux. Pourtant, le premier scénario signé Frank Herbert faisait à peu près cette longueur, comme le premier traitement, signé d’un certain Ridley Scott.

En coupant dans le tas, le montage final transforme le film en bouts de scène sans queue ni tête, d’une durée excédant rarement quelques secondes, passant d’une planète à l’autre, d’un personnage à l’autre, et alignant les images d’Epinal comme d’autres alignent les perles : les vagues de Caladan ! Le Gom Jabbar ! L’arrivée sur Dune ! Le Chercheur-Tueur !

Seules quelques scènes surnagent : la sortie en ornithoptère, le duel final. Parce qu’enfin, elles durent…

Interprétation catastrophique
Malgré un casting all-star d’acteurs confirmés (Max Von Sydow, Brad Dourif, Sylvana Mangano, Jurgen Prochnow, Dean Stockwell), ou en devenir (Kyle McLachlan, évidemment, mais aussi Sean Young, Patrick Stewart, Virginia Madsen), leur interprétation est catastrophique. Pas un comédien ne s’en tire, tiré vers le bas par le script, qui les oblige à commenter l’action, façon Blake et Mortimer, (« La tempête arrive ! » « Il a pris l’Eau de la Vie ! » Ça se voit à l’écran, pas la peine de me le dire !

Une pédagogie inexistante

Face à ce genre de livre-somme, l’adaptateur est écartelé entre deux directions contraires : simplifier, pour initier le néophyte, ou tout garder, pour plaire au fan. Ce dilemme, deux films l’ont résolu avec talent : Le Seigneur des Anneaux, et Le Trône de Fer. Le Seigneur des Anneaux a donné des gages aux fans, en respectant scrupuleusement l’univers graphique de Tolkien (et en embauchant l’artiste le plus consensuel dans cet univers (Howe). Il ne s’est pas gêné par contre pour trancher (exit Tom Bombadil), pour bousculer la chronologie (les Ents), et pour jouer avec la morale de l’histoire (la fin) pour appuyer son propre propos.

Le Trône de Fer a fait de même, en mélangeant allègrement les époques, pour mieux impliquer le spectateur dans l’intrigue globale, en usant d’une pédagogie constante et subtile pour amener, ici et là, des informations sur l’univers.

Dune rate tout cela, d’abord en rajoutant des choses qui ne servent à rien (les Modules Etranges), en changeant le rôle de la religion (l’Elu), en étant exhaustifs sur l’univers (les Navigateurs mentionnent deux planètes (Ix et Richese), qui ne servent à rien dans Dune et apparaissent dans les suites), et en complexifiant les noms des personnages jusqu’à l’incompréhensible (Paul, Usul, Muad’dib, un détail dans le livre)…

Un manichéisme indigne
C’est sûrement le principal reproche du Professore (qui mit quand même 5 visionnages avant d’admettre que Dune était peut-être « un peu raté »).

Dune est tout, sauf un livre manichéen. Le lecteur est du côté des Atreides, et souhaite la défaite des Harkonnens, mais il comprend leurs motivations profondes. Herbert avait défini son livre comme une critique du héros providentiel, et de notre participation active à ce syndrome. Il fait même dire à son héros (dans Le Messie de Dune) qu’il se sent « pire qu’Hitler ». Non, les Atreides ne sont pas parfaits. Portraiturés par Lynch en héros d’opérette, au brushing impeccable, cela est insupportable au fan, tout comme le diabolisation des Harkonnens (les pustules du baron), ou le rabaissement des Corinno (l’Empereur qui tire à la mitrailleuse dans la scène finale).

***

Mais pourtant…

Malgré ces déceptions, Dune conserve quelques attraits. Listons-les, si l’envie vous prenait de vous plonger encore une fois « within the rocks of this desert »

Une déco splendide
Immense réussite du film, inégalée à ce jour, Dune est un chef d’œuvre de costumes et de décors. Anthony Masters, le décorateur de 2001 et de Papillon, réussit à extraire Dune du moule Star Wars/Galactica, avec ses vaisseaux façon cuirassés et ses costumes en pyjama blancs.

Fidèle à l’univers, il dessine des palais orientaux, médiévaux, steampunk, qui portent à chaque fois l’identité de leurs hôtes. Dans une époque si lointaine (« It is the year 10191 »), toute notion futuriste doit avoir disparu : les costumes aussi. Tenue d’apparat pour les Atreides, cuirs sculptés pour les harkonnens, costumes napoléoniens pour l’empereur et sa fille. Sans parler des distilles, la combinaison de survie des fremen, un vrai succès qui ne respecte pourtant pas les tenues du livre (car déjà piqués par George Lucas pour ses jawas de Star Wars) : une incontestable réussite graphique.

Des images inoubliables
Quelques visions surnagent du montage à la découpe : les plans de désert, les gouttes d’eau du rêve, les deux lunes, tout ce qu’aurait pu être Dune, le film, et ne sera jamais. Ou les fameux Vers des Sables, dont chacune des apparitions, filmée au ralenti, arrache des larmes au fan. Ils correspondent exactement à l’idée que l’on peut s’en faire dans le livre. Tout cela dû à un très grand directeur de la photo, le britannique Freddie Francis (Les Chemin de la Haute Ville, Elephant man, Les Nerfs à Vif…).

Un casting parfait
Il faut bien distinguer les comédiens (qui sont bons) et leurs dialogues (qui sont désastreux). Le casting dunien est remarquable, très cohérent avec l’idée que l’on se fait des personnages du roman. Seul Paul est un peu vieux pour le rôle, mais trouver un excellent acteur de quinze ans n’est pas chose facile. Et la découverte de l’énigmatique Kyle McLachlan vaut bien ce sacrifice (Blue Velvet, Hidden, Twin Peaks, Sex and The City, Desperate Housewives…)

Une musique étonnante
Cela écorche la bouche du Professore – punk dans l’âme – mais la musique composée par Toto est excellente. Oui, Toto, l’auteur de l’immortel Africa, a crée une très belle musique pour Dune. Un thème très fort, un love theme particulièrement réussi, et des musiques additionnelles (dont le très beau Prophecy Theme, signé Brian Eno), loin des standards wagnerio-kitsch habituels, façon John Williams. Le film eut été un succès, nul doute que la carrière de Toto en eut été changée, à Hollywood au moins.

***

Voila, vous l’aurez compris, revoir Dune n’est pas indispensable, sauf pour les fans les plus masochistes d’entre nous. Depuis 1984, le Professore guette, depuis son sietch, l’adaptation qui nous sauvera tous. La série télé de Sci-Fi (2000) n’a réussi qu’a consterner le fan, en réussissant un gros succès télé avec un sous-produit honteux, joué comme un pied, et à la déco ultra kitsch et cheap.

Le dormeur a failli se réveiller avec Peter Berg, une nouvelle qui a enthousiasmé le Professeur, qui tient en haute estime le réalisateur du Royaume et de Hancock. Mais celui-ci a préférer adapter une œuvre autrement plus importante dans l’histoire de l’humanité : La Bataille Navale (Battleship). Le projet Dune est passé à la Paramount avec le français Pierre Morel (Banlieue 13, Taken), pas une très bonne nouvelle en soi, mais le projet semble reparti pour le désert profond.

Non, le véritable espoir réside en trois petites lettres, (Avant Garde Gothic Bold, blanc sur fond noir) : HBO.

Dune mérite HBO, HBO mérite Dune à son catalogue. Les fans de Dune le pensaient déjà à l’époque, alors qu’HBO venait de naître, et que le projet Dune n’existait pas encore dans la tête d’un producteur. Car deux heures ne suffisent pas à peindre la fresque grandiose des Atreides, il faut dix épisodes d’une heure ! Le format de la série (épisodes, saisons…) serait l’écrin parfait des complots, des « plans à l’intérieur des plans », et des différentes époques de Dune*… Il faut les talents conjugués de HBO pour mener un tel projet à bien : l’intelligence historique du Trône de Fer, le chef déco de Rome, les scénaristes de Sur Ecoute ou des Soprano, et les acteurs first class dont la télé dispose désormais pour incarner Paul, Wladimir, Feyd, Jessica, Stilgar, Chani…

Car ils sont là, ces personnages extraordinaires en quête d’auteur ; leur cœur bat silencieusement dans les sables Arrakis, leur âme perdue dans un repli de l’espace ; ils n’attendent qu’un Ver à leur mesure, pour chevaucher enfin jusqu’au grand public.

Le dormeur doit se réveiller.

*Dune était un roman unique au départ, et s’est enrichi de suites et de prequels loin d’être aussi talentueusement écrits que le premier opus :

• Dune est une lecture obligatoire
• Le Messie de Dune, Les Enfants de Dune restent lisibles
• L’Empereur Dieu de Dune devient assez délirant, et se déroule des siècles après les trois premières
• Les Hérétiques de Dune et La Maison des Mères, écrits dans les années 80, sont très mauvais
• Le fils de Frank Herbert a réactivé la licence avec beaucoup moins de talent, mais beaucoup plus prolixe, en 3 cycles :
o Avant Dune, un prequel direct de Dune avec la jeunesse des personnages (La Maison des Atréides, La Maison Harkonnen, La Maison Corrino)
o Dune, la genèse, qui se déroule des siècles avant Dune et explique le background (La Guerre des machines, Le Jihad Butlérien, La Bataille de Corrin)
o Après Dune, une suite de La Maison des Mères (Les Chasseurs de Dune, Le Triomphe de Dune)




vendredi 31 août 2012


Cosmopolis
posté par Professor Ludovico

Comme disait Kubrick, « Mieux vaut adapter un roman de gare qu’un chef d’œuvre… »

David Cronenberg, comme d’autres, a subi les affres de la Valse à Trois Temps. Son œuvre a commencé dans les bas fonds du cinéma d’horreur (Chromosome 3, Scanners). Il y a gagné quelques galons, mais surtout, contrairement à d’autres, cela lui a permis de s’extraire du ghetto gore pour peu à peu, proposer une œuvre plus singulière. Dans cette deuxième phase, il y a gagné une crédibilité critique, même si le trash restait sa marque de fabrique (La Mouche, Faux Semblants). Emergeant sur une plateforme plus consensuelle, il a continué à choquer le bourgeois, mais en proposant une œuvre auteuriste (l’excellent Faux Semblants, l’adaptation ratée du Festin Nu, l’adaptation réussie de Crash)… Mais à force de se retrouver en couverture des Cahiers et de Positif, d’être invité à Cannes, son cinéma s’est embourgeoisé jusqu’à l’insupportable (A History of Violence, Les Promesses de l’Ombre, A Dangerous Method).

Mais comme Luc Besson et Ridley Scott, Cronenberg a un don : pitcher – sur le papier – des sujets a priori irrésistibles au Professore. Donc, malgré tout ce que je sais du déclin irrattrapable du génie canadien, et malgré les avertissement du Kremlin, je vais voir Cosmopolis. Pour une seule et bonne raison : Don De Lillo.

De Lillo est probablement le plus grand écrivain américain vivant de ces quarante dernières années. Une œuvre immense, sûrement une des meilleures descriptions de l’Amérique d’aujourd’hui. Son principal roman, Outremonde, décrit par exemple l’histoire des Etats Unis de 1945 à nos jours, en suivant l’itinéraire d’une balle de baseball. Dans Libra, il « voit » l’attentat de JFK du point de vue de Lee Harvey Oswald. Dans L’homme qui tombe, il évoque les 11 septembre entre deux rescapés. Son œuvre est visionnaire, et a souvent fait croiser fiction et réalité. Ainsi, dans Les Joueurs, De Lillo imagine un attentat au World Trade Center, tout en l’interlaçant avec la spéculation monétaire.

C’est aussi le sujet de Cosmopolis, un livre mineur, mais qui trace le portrait glacial d’un jeune trader milliardaire qui spécule contre le yen. Celui-ci traverse New York en limousine, coincé dans un gigantesque embouteillage, fruit de plusieurs événements chaotiques : un Occupy Wall Street d’avant l’heure (le livre date de 2003), la visite du Président, la mort d’un rappeur célèbre, et un attentat en Corée contre le Président du FMI. La majeure partie de l’intrigue se passe dans la limousine où Eric, le trader, rencontre ses collaborateurs, baise son ex, converse avec son épouse, et se fait faire un examen prostatique.

Que ce livre ait intéressé Cronenberg, on n’en doute pas. Qu’il ait réussi à convaincre quelques producteurs (français), pas étonnant. Qu’il ait embarqué le jeune Pattinson dans cette galère intello, normal, et même point de passage obligé dans la carrière d’un artiste de son âge (voir Shia LaBeouf /Lars von Trier).

Mais c’est à la lecture du script, au montage, que tout ce petit monde aurait du se rendre compte que quelque chose clochait. D’abord, parce que Cronenberg s’est contenté de reprendre tel quel les dialogues du roman (il a seulement transformé le Yen en Yuan et enlevé la scène de tournage). Or le style de De Lillo est abscons, à la limite de la poésie. Les personnages y sautent du coq à l’âne, et l’écrivain se donne rarement la peine d’expliquer où, et quand, se déroule la scène. Ce qui marche en littérature (où le style est tout), devient un atroce verbiage dans le film. Pire, Cronenberg ne coupe rien, ce qui rend chaque scène non seulement incompréhensible, mais interminable.

Enfin, le style Cronenberg a vieilli. Impossible de filmer une limousine comme il le fait dans le premier plan, ou les acteurs face caméra récitant un texte que, visiblement, ils ne comprennent pas, avec des costumes ridicules pour des gens de ce niveau social. La déco est pathétique, le cadrage est inintéressant, les lumières basiques, et les scènes de Limo sont filmées sur un fond bleu. Inacceptable aujourd’hui, quand on sort de Margin Call, filmé avec autant de réalisme que de grâce*, par un réalisateur de pub dont c’est le premier film, alors que Monsieur Cronenberg a quarante ans de carrière.

David Cronenberg est mort en temps qu’artiste, il faut l’accepter.

* Margin Call a couté 3M$, et Cosmopolis 20M$. Cherchez l’erreur.




vendredi 31 août 2012


Le vrai visage de Clint Eastwood
posté par Professor Ludovico

Clint Eastwood est républicain. Ce n’est pas une tare en soi, beaucoup de gens talentueux à Hollywood le sont : Zack Snyder, Jerry Bruckheimer…

Mais, hier, le grand Clint est monté à la tribune de Tampa Bay pour soutenir Romney-Ryan, probablement le ticket le plus réactionnaire depuis la candidature de Barry Goldwater en 1964. Ces braves gens réclament (en gros) la peine de mort partout et l’avortement nulle part. Clint ne s’est pas contenté de faire une apparition, il s’est fendu d’un discours particulièrement démago, et anti-Obama.

C’est son droit.

Ce qui est cocasse là-dedans, c’est surtout l’admiration sans borne qui règne en France autour d’Eastwood, et tout particulièrement dans la presse de gauche*. A l’instar de Woody Allen (à l’autre bord politique), tout ce que fait le grand Clint est « le nouveau chef d’œuvre de Clint Eastwood » (on notera l’aspect unique du « le », dont la répétition année après année ne cesse de faire sourire).

Bref, Eastwood a fait des bons films, voire des très bons (Un Monde Parfait, Sur la Route de Madison, Million Dollar baby, Mémoires de Nos Pères**). Depuis, il vit sur ce capital de sympathie et enchaîne, il faut bien l’avouer, des nanars (L’Echange, J. Edgar, Gran Torino).

Espérons que le discours droitier de Eastwood Clint fera ouvrir les yeux sur l’œuvre de Clint Eastwood au trio Télérama-Libé-Inrocks.

* dans la même dimension, 24, la série la plus fascisante qui soit recueille aussi l’admiration du même type de presse

**Je ne suis pas un fan d’Impitoyable




mardi 24 juillet 2012


Batman begins, returns, rises
posté par Professor Ludovico

Ça y est je me suis lancé enfin dans la « Trilogie Nolan » ; j’ai vu Batman Begins, The Dark Knight, et bientôt en salle : The Dark Knight Rises.

En prolégomènes (ça fait toujours bien de dire « en prolégomènes »), je dirais ceci : on peut habiller une vache avec une robe de mariée, ça restera toujours une vache. Même quand Karl Lagerfeld s’appelle Christopher Nolan.

Car Batman, arrêtons ce relativisme geek et honteux, c’est quand même pas Dostoïevski ! Les comics, c’est pas Tintin ! C’est pas Moebius non plus… Si l’on extrait quelques œuvres marquantes (From Hell par exemple), le reste tient plus de la littérature jetable, certes parfois de qualité, mais jetable quand même.

Donc, quand Christopher Nolan joue l’ambition (« Vous allez voir ce que vous allez voir ! »), on peine à oublier la faiblesse du propos : des méchants sont en ville, ils ourdissent un plan capillo-tracté de domination mondiale et de destruction universelle, tandis que Batman se pose des questions métaphysico-existentielles, et finit par résoudre ces questionnements jungiens à coup de latte dans la gueule.

Mais prétentieux ne veut pas forcément dire ennuyeux, donc, dans le détail, ça commence juste en dessous.

Batman Begins
The Dark Knight
The Dark Knight Rises




lundi 18 juin 2012


Prometheus, deuxième couche
posté par Professor Ludovico

Je n’ai pas eu le courage mais quelqu’un l’a fait. Sur l’excellent site Sens Critique, Lomig, de sa plus belle plume, s’est amusé à lister 221 lignes d’incohérences scientifiques, psychologiques, scénaristiques, qui parsèment la grosse bouse d’origine extraterrestre Prometheus.

A lire d’urgence, surtout si on a vu le film.




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