[ Le Professor a toujours quelque chose à dire… ]

Le Professor vous apprend des choses utiles que vous ne connaissez pas sur le cinéma



samedi 25 décembre 2021


On n’arrête pas l’Eco(nneries)
posté par Professor Ludovico

« Il va falloir sortir de cette économie de l’attention. Cette addiction, il faut nous dire comment on s’arrête. » C’était sur France Inter ce matin, dans On n’arrête pas l’Eco, l’émission a priori sérieuse d’Alexandra Bensaid.

On avait pris la phrase en cours ; on se disait donc qu’on parlait encore des effets désastreux des réseaux sociaux sur la jeunesse*.

Point du tout. On parlait de séries télévisées. Valérie Martin, qui a écrit un livre sur le sujet**, venait nous expliquer combien les séries étaient formatées par le marketing : on cocha donc toutes les cases habituelles du Bingo Bullshit : Addiction, Neuro Marketing, Showrunners dictatoriaux et scénaristes esclaves***…

On s’apprêtait à pleurer devant le niveau pathétique du débat, imaginant les mêmes, en 1844, vilipender Alexandre Dumas et son Monte Cristo trop addictif.

C’est alors qu’un grand éclat de rire nous sauva. La spécialiste des séries nous offrait une solution pour éviter cette terrible addiction : arrêter la lecture au milieu de l’épisode (sic), pour éviter le terrible Gliffhanger. (Resic)

Après le MEUPORG, le Gliffhanger est le nouveau symbole du niveau journalistique. AEn anglais, et, en l’occurrence, de la Dramaturgie.

Voilà nous rassura immédiatement sur le sérieux de l’émission.

C’était en direct de l’Esprit de Noël, Live sur CineFast.

* Il est d’ailleurs toujours plaisant de voir ces boomers s’inquiéter de ce sujet, eux-mêmes rivés sur leur compte Twitter ou Instagram…

** Valérie Martin Le charme discret des séries

*** Valérie Martin expliqua ainsi que Orange is the New Black était une idée sortie d’un focus group. Elle oublia que c’était avant tout l’adaptation de l’autobiographie de Piper Kerman.




samedi 18 décembre 2021


Le Critère Caviar
posté par Professor Ludovico

S’il y a bien un proverbe qui ne s’applique pas à la cinéphilie, c’est bien « à défaut de grive, on mange des merles ». À défaut de grive, un cinéphile ne mange pas ! Comme dans toutes les passions, qu’il s’agisse de cinéma coréen, de football, d’œnologie ou de Heavy Metal, le connaisseur ne peut apprécier rien d’autre que la qualité.

De sorte que l’on pourrait – après la Loi d’Olivier, le Théorème de Rabillon, de la Théorie de l’Etiquette de Bouteille -, énoncer un nouveau théorème, à savoir le Critère Caviar, que l’on pourrait exprimer ainsi : plus on voit de films, plus nos critères de choix deviennent élitistes…

Il suffit pour cela d’observer n’importe quel loisir. Quand encore jeune Footix, Ludovico s’extasiait sur un PSG-St Etienne d’anthologie, Christophe le Shogun me fit judicieusement remarquer que ce 5-0 était dû à l’absence du goal stéphanois habituel. Moi, j’avais vu un très beau match, et lui un très mauvais. Je regardais le foot depuis cinq ans, lui depuis quarante.

Il m’arrive la même chose quand des amis abonnés à Canal+ (et seulement Canal+), me conseillent « d’excellentes séries » comme Le Bureau des Légendes ou Engrenages. Me voilà traité de snob insupportable, car je réponds par une moue dubitative. Comme disent les Anglais : « Been there, done that ». Déjà vu, déjà fait. Je n’ai pas vu ces séries ou alors un peu, mais le problème, c’est que j’ai déjà vu tellement mieux*. Et que je n’ai pas envie de perdre mon temps sur quelque chose qui n’est pas exceptionnel…

Vous ne croyez pas le Professore Ludovico ? Prenez le temps d’examiner votre propre passion, vos propres loisirs, et osez dire que c’est faux. Si vous êtes un gros lecteur, voulez-vous vraiment lire ce Katherine Pancol que je vous recommande chaudement ? Si vous connaissez par cœur les impressionnistes, irez-vous voir cette expo de peintres régionaux ? Si vous jouez depuis quinze ans de la guitare, voulez-vous jouer sur cette Paul Beuscher?  Si vous êtes gastronome, est-ce que ça vous dit d’aller à La Taverne de Maître Kanter ? Puisque vous aimez le théâtre, est-ce que ça vous dit de regarder cette pièce à la télé ? Si vous jouez souvent au Poker, est-ce que ça vous dit de miser seulement des allumettes ?

Non. Vous êtes passés du côté des amateurs de caviar. Vous ne mangerez plus jamais des œufs de lump.

*Concernant spécifiquement ces séries, La Petite Fille au Tambour ou Sur Ecoute.




lundi 25 octobre 2021


Dune, part two: l’adaptation impossible
posté par Professor Ludovico

Dune n’est pas fait pour le cinéma. Deux adaptations recensées (Lynch, Villeneuve), quatre projets connus (Jodorowsky, Scott, Berg, Morel), et plein d’autres dans les cartons : que des échecs.

Précisons notre pensée : Dune n’est pas fait pour être adapté dans le modèle Hollywoodien de cinéma. Pas parce qu’il est inadaptable pour les raisons habituellement évoquées (complexité de l’intrigue, longueur du roman…), mais parce qu’il ne peut pas fonctionner dans le business model qui fait tourner l’édition et le cinéma américain.

Où est le problème ? Dune est le livre de SF le plus vendu dans le monde, 12 millions d’exemplaires à ce jour. La famille Herbert a gagné des millions avec l’œuvre de Frank, et continue d’en gagner autant avec les prequels et autres sequels. Les Herbert veulent leur Seigneur des Anneaux, un film qui batte des records, même s’il n’est pas fidèle à l’œuvre*. Pourvu qu’il « développe », selon le langage entrepreneurial d’usage, « la franchise Dune »…

Mais le livre d’Herbert est avant tout un drame Shakespearien. Il ferait une bonne pièce de théâtre : l’essentiel de l’intrigue se déroule dans des palais, et se base sur des conciliabules, des apartés, et quelques duels à l’épée. Les batailles que l’on voit dans les films sont hors-champ, brièvement évoquées dans le livre. Dune est en réalité un film d’auteur à 10 millions de dollars, et pas à 160**. Un film pour adultes, qui parle de pouvoir, de politique, de mysticisme et d’écologie. Hamlet meet Star Wars. Il lui faut du temps, et pas de l’argent. Un artiste – disons européen pour simplifier – préférerait probablement que l’on adapte son livre ainsi, mais pour les Herbert (et les américains en général), il est inimaginable – question d’ego autant que d’argent – de faire un « petit » film sur Dune.

L’adaptation doit donc être spectaculaire : vers des sables, batailles, et encore des batailles pour attirer un public qui veut un peu plus de divertissement que de réflexions mystico-écologiques. Spectaculaire veut dire cher. S’il coûte cher, il doit rapporter beaucoup plus. Sachant qu’on ne vendra pas de Happy Meal Harkonnen, de couette Chani, ni de radioréveil Paul Atréides, il doit rapporter encore plus.

Il faut pour cela faire un film qui plaise à un public large, 13 ans et plus. La recette est simple, il faut gommer certaines aspérités : sexe, drogue, complexité morale ou politique… Pas de chance, c’est exactement ce dont parle Dune.

Le thème principal de la saga, c’est le rapport douteux que l’humanité entretient vis-à-vis des hommes providentiels. Frank Herbert écrit son livre en 1963, en pleine Kennedy mania. Son livre est une alerte contre l’adoration quasi mystique pour la famille du Président, qui fait perdre de vue les véritables enjeux du pouvoir.

Car même armé des meilleures intentions, le pouvoir corrompt. Paul, héros libérateur de Dune deviendra dictateur sans pitié dans Le Messie de Dune.

Une histoire somme toute bien éloignée de tout ce qui fait le divertissement hollywoodien, des Pixar-Disney moralistes à Star Wars et autres Avengers. Aucune trace du Voyage du Héros cher à ces films, mais plutôt l’inverse ! Certes, Paul est initié aux arcanes du pouvoir par ses mentors, il est confronté à des expériences douloureuses et rencontre des alliés inattendus. Mais le Bien ne triomphe pas, et Paul ne rentre pas à la maison pour améliorer le monde. Au contraire, sa prédiction se réalise : un Jihad terrible commis en son nom se répand dans l’univers, « faisant pire » – selon les mots mêmes de Paul – « qu’Adolf Hitler ».

On pourrait lister à l’infini tous les thèmes qui ne « passent pas » le test du business model Hollywoodien : la religion, outil cynique de gouvernement, la drogue comme acquis culturel des Fremen, le sexe comme outil de pouvoir, l’homosexualité malsaine du Baron, ses pensées incestueuses sur son neveu… Tous sujets traitables dans un film adulte signé Lynch, Cimino ou Kubrick, mais pas dans un Dune Spielbergo-Lucasien…

Les Star Wars, les Marvel ne sont pas confrontés à ces problèmes : depuis l’invention du Blockbuster en 1977, ces franchises sont, sui generis, faites pour le grand public, notamment adolescent. Les sujets problématiques n’ont pas besoin d’être enlevés, car ils n’y ont jamais été.

Dune, lui, est un oxymore : un drame shakespearien coincé dans un univers à grand spectacle. Il a un petit frère : le Trône De Fer, qui comporte son lot de sexe, de politique et de morale machiavélienne : mais, comme par hasard, on en a fait une série pour HBO.

Et par le plus grand des hasards, c’est HBO qui diffuse*** sur sa toute nouvelle plateforme de streaming, le Dune de Villeneuve. Ironie des ironies ! Car c’est évidemment HBO qu’il faudrait à Dune : douze épisodes d’une heure, pour un public d’abonnés adultes, ayant payé pour ne pas être censuré de sexe, de drogue, de complexité morale ou politique…

Que cela n’ait pas été imaginé reste un des plus grands mystères de l’Univers Connu. Mais comme chacun sait, il existe bien des dictons sur Arrakis : « Lourde est la pierre et dense est le sable. Mais ni l’un ni l’autre ne sont rien à côté de la colère d’un idiot. »

* Frank Herbert aurait probablement eu la même réaction. Il avait validé le film de Lynch.

** Au final, le film de Villeneuve coûte 165 millions de dollars et est censé en rapporter au moins le double. Le dernier Star Wars a rapporté 2 milliards.

***Le monde cruel d’Hollywood a vu ces derniers mois un réalisateur reconnu (Villeneuve) se battre avec la maison mère (la Warner) pour que son film soit diffusé sur grand écran, plutôt que servir de produit d’appel à HBOMax. Le canadien a fini par gagner, Dune sortira aux USA le même jour sur grand écran. Mais jeudi dernier, dans un coup de pied de l’âne dont les studios ont le secret, HBOMax a avancé d’une journée la diffusion de Dune sur sa plateforme. A la fin, c’est toujours le studio qui gagne.


 




lundi 6 septembre 2021


Jean-Paul Belmondo
posté par Professor Ludovico

– « Quelle est votre ambition dans la vie ?
– Devenir immortel et mourir. »

A Bout de Souffle




samedi 28 août 2021


« N’oubliez jamais les petites villes »
posté par Professor Ludovico

En 1936, auréolé du succès de Mayerling, Joseph Kessel est accueilli en grande pompe à Hollywood. Déçu par les contraintes qu’on lui impose, il en tire néanmoins un petit livre assez bien vu sur l’Usine à Rêves, Hollywood, film mirage.

Ce qu’il écrit à l’époque est encore valable aujourd’hui. Voilà par exemple ce qu’il fait dire à un producteur :  

« N’oubliez jamais les petites villes d’Amérique, si vous faites des scénarios pour nous. Ne pensez plus que vous travaillez pour les spectateurs évolués d’Europe. Ce n’est pas de New York dont nous vivons, ni de Chicago, ni d’aucun des grands centres. Nous dépendons des cités sans joie, des bourgades où habitent les gens les moins cultivés, les moins informés, les plus primitifs, les plus enfantins, et les plus naïvement sentimentaux du monde. Il faut les faire rire du ventre et non de la gorge. Il ne faut pas les faire pleurer, mais tout juste humecter gentiment leurs paupières. Il faut éviter tout ce qui suppose une connaissance quelconque géographique, historique, ou scientifique. Il faut éviter tout effort de l’intelligence, toute égratignure aux conventions. Songez à cela, et tâcher de nous être indulgent. »

Ça pourrait être du Michael Bay ou du Jerry Bruckheimer…




jeudi 26 août 2021


Le Questionnaire de France Culture
posté par Professor Ludovico

L’émission de Michèle Halberstadt, Les films qui ont changé nos regards, se termine par un questionnaire façon Proust. Le Professore adore ce genre de gadget, donc voici ses réponses…  

La première séance vous vous souvenez ?
J’hésite entre Les Aristochats sur les Champs Élysées avec parrain et marraine, ou à Dourdan avec mon père, pour un film de guerre. Peut-être Le Jour Le Plus Long. Dans le premier cas, c’était mon dernier Disney, dans le second, le début d’une longue série.

La dernière séance qui vous a marquée ?
Titane, un film à la fois brillant et horripilant.

Votre film de chevet ?
D’un point de vue « technique », Apocalypse Now, le film parfait. D’un point de vue « narratif », Titanic. Si c’est sentimental, le Rocky Horror Picture Show…

Le film dans lequel vous aimeriez vivre ?
Le Rocky, bien sûr : sexe, drogue, et rosbif toute la journée. Mais le proprio est un petit peu susceptible.

Le classique qui vous laisse de marbre ?
Ce sont plutôt des cinéastes qui me laissent de marbre : Tarkovski, Chaplin, Woody Allen…

La pépite que personne ne connaît ?
Pulp, A Film About Life, Death & Supermarkets, un film qui est plutôt sur la vie, la mort, et les supermarchés que sur la tournée d’adieu de Pulp.

Votre voix de cinéma préféré ?
Jean-Louis Trintignant, et Kathleen Turner

Votre salle préférée ?
Une salle qui a disparu, le Gaumont Grand Ecran Italie, le plus grand écran de Paris… J’y ai vu Titanic à sa sortie, et mon plus beau 2001.

Votre prochaine séance ?
La Loi de Téhéran.

Votre vœu cinéphilique ?
Un vœu impossible : le retour du cinéma américain.




mercredi 25 août 2021


Le Veau d’or (le Godard) est toujours debout
posté par Professor Ludovico

L’occasion était trop belle. Sur France Culture, Michèle Halberstadt – la voix la plus sensuelle du PAF – animait cet été une émission intéressante*, Les films qui ont changé nos regards.

Le concept : les grands films du répertoire (Vertigo, 2001, Le Mépris…) vus par des spectateurs français de renom (Isabelle Huppert, Bruno Podalydes, Arnaud Desplechin…), passionnés par le film en question.

A la fin de chaque émission, Michèle Halberstadt demandait l’avis de l’Oracle. L’oracle, quel oracle ? Mais l’Oracle, voyons ! Jean-Luc Godard himself. L’homme dont la pensée rayonne – au sens radioactif du terme, nous y reviendrons – sur le cinéma français depuis 70 ans. Et là, évidemment, c’est un défilé : « Le Parrain ? pas un film qui a changé le monde ! » « Kubrick ? Un faiseur…» « Hitchcock ? beaucoup de faiblesses… » Etc., etc.

Venant d’un cinéaste, dont, le moins qu’on puisse dire, aucun film n’a eu le retentissement ou la longévité de Vertigo ou de 2001, ça ne manque pas de sel. Comme on sent la jalousie d’un nonagénaire aigri, qui a beaucoup aimé le cinéma, mais qui brûle ce qu’il a adoré, on se rue sur la dernière émission qui lui est intégralement consacrée. Une heure de pure pensée godardienne sur le cinéma, la vie, et le reste.

Que dirait-on aujourd’hui de quelqu’un qui trouve tout le monde nul, à commencer par ses amis (Truffaut, Goupil, Cohn-Bendit) ? Qui râle sur tout ce qui est moderne ? Qui répond par la négative à toutes les questions** ? Un facho ? Un vieux con ? Mais non, c’est Jean-Luc Godard, l’Ermite de Rolle. Dont nous écoutons, masochistes béats, les « leçons », diverses et variées, depuis 1950***…

Hormis quelques fulgurances connues****, le génie godardien est essentiellement composé de réponses négatives (indiquant que vous avez tort, quelle que soit la question) basées sur des jeux de mots lacaniens : « Dans la peinture moderne, il y a toujours des titres aux tableaux. A la banque aussi. » « La représentation ? Mon avocat dit aussi qu’il va me représenter, mais comment peut-il me représenter ? » Etc. Essayez vous aussi, avec quelques huîtres et un bon petit Muscadet, vous verrez, c’est pas très compliqué…

Ce n’est pas pour rien que le Snake – le Chief Technical Officer de CineFast – a créé la rubrique Pour En Finir Avec. Finissons-en donc avec Jean-Luc Godard, le veau d’or du cinéma français, l’homme par qui tout est arrivé, et par qui tout fut détruit.

Car Godard n’a réalisé qu’une poignée de films réellement intéressants, les premiers surtout (À Bout de Souffle, Pierrot le Fou, Masculin Féminin)*****. Donnant corps à la diatribe d’Orson Welles (« Si vous voulez faire du cinéma, faites-en ! Volez des caméras ! Volez de la pellicule ! », la Nouvelle Vague apportait cette idée neuve dans le cinéma des studios : une révolution technique, en tournant avec de simples caméras 16 mm, qui permettaient de s’affranchir de la lourdeur des studios. Et une révolution narrative, en filmant ainsi dans la rue, sans décor, des choses nouvelles. En un mot les aspirations de cette jeunesse 50’s étouffant dans la pesanteur sociale d’après-guerre…

Si ce bouleversement a engendré de beaux bébés (Godard, Truffaut, le Nouvel Hollywood), elle a aussi détruit le cinéma français. Car ces jeunes Turcs ont pris le pouvoir en fustigeant le « cinéma de papa » : le cinéma populaire, de qualité, des années 30 à 50. Ecartés les Duvivier, Marcel Carné, Claude Autant-Lara…

La Fatwa des Cahiers du Cinéma a duré trente ans. Un peu comme Boulez imposant son joug dodécaphoniste sur la musique contemporaine, Godard&Co ont imposé les sujets chichiteux de la bourgeoisie de Saint-Germain des Prés, son refus du scénario, et ses pré-requis techniques low cost (son direct, éclairages hésitants, acteurs improvisés…)

Cette révolution obligatoire de la forme a contaminé tout le cinéma français comme des rayons gamma. Son aura intellectuelle a été relayée par le système des subventions du CNC, qui valide les bons sujets/le bon goût du moment (il y a vingt ans, les banlieues, aujourd’hui, les problématiques de Genre). De facto, l’État oriente le type de sujets de films qui peuvent se tourner et ceux qui ne peuvent pas se tourner. Cette pensée se retrouve parmi les techniciens (formés aussi par l’Etat, via la FEMIS). Autant dire qu’un film d’action, un thriller politique, une comédie romantique n’a pas lieu d’exister dans ce système.

Mais les gens meurent, leur influence s’estompe, et le système s’écroule lentement. Notamment grâce à quelqu’un comme Luc Besson, un autodidacte, qui pris lui aussi Welles au mot. Bricolant en 1983 son Dernier Combat tout seul, et prouvant que le cinéma de genre pouvait fonctionner en dehors du système. On peut penser ce qu’on veut de Besson (à vrai dire, le Professore n’en pense pas beaucoup de bien), mais il a remis le cinéma populaire (et au passage toute une industrie) au centre de la table.

Citons donc Yves Montand :  il est temps de mettre la statue du Commandeur, « le plus con des maoïstes suisses » au musée.

* Quoique non dénuée d’erreurs factuelles : le casting de 2001, par exemple …
** Halberstadt pose pourtant des questions très consensuelles, comme « Quel est votre film de chevet ?»
*** Miss Halberstadt valide elle-même cette théorie, racontant sa rencontre avec Godard, qui l’avait insulté direct : « Depuis quand votre journal, Première, se préoccupe de cinéma ? ». Quarante ans après, la journaliste devenue distributrice est toujours en transe…
****« Quand on va au cinéma, on lève la tête. Quand on regarde la télévision, on la baisse. »
***** Et les partie musicales de certains films (One Plus One avec les Stones et Soigne ta Droite avec les Rita Mitsouko)…




dimanche 25 juillet 2021


La Servante Ecarlate au Pays de Lovecraft
posté par Professor Ludovico

On dit souvent ici que le cinéma est l’âme d’un peuple, et que c’est particulièrement vrai du cinéma et du peuple américain.

Si c’est le cas, l’Amérique va mal.

En témoigne les deux season finale de Lovecraft  Country (S01) et La Servante Ecarlate (S04). Deux séries très différentes, l’une fun, l’autre sérieuse, mais dans les deux cas pavées de bonnes intentions.

Comme l’enfer.

Dans la série inspirée du livre de Matt Ruff, il s’agit de rendre hommage à Lovecraft, tout en renversant son racisme foncier du début du vingtième siècle. Dans l’adaptation du livre Margaret Atwood (qui n’est couvert que par la première saison), il s’agit de faire œuvre prospective : que deviendrait les Etats-Unis si la dérive religieuse, déjà en cours, prenait le pouvoir ?  

Mais dans les deux cas – on n’ose le dire – poussées par une forme d’enthousiasme macabre, ces deux séries prolongent leur concept au-delà de l’extrême, et leur conclusion est la même – kill’em all! – tuons tous les blancs, lynchons tous les hommes…

Si un raisonnement élaboré amène à cette conclusion (enlevons aux blancs la magie qui a servi à notre oppression, punissons les violeurs de Gilead…), elle n’en est pas moins révoltante. Il suffit de pitcher l’inverse : qui voudrait d’une série où des héros blonds se proposeraient de tuer tous les noirs parce que certains pratiquent le vaudou ?

Il y a toujours eu cette culture de la vengeance dans le cinéma américain, (nous l’évoquions ici), mais elle était le problème de personnages solitaires*. Ici, la violence est proposée comme remède systémique. Pourtant, d’autres solutions existent : le personnage de Cristina, belle magicienne blonde, prend la défense des personnages noirs, et a même une romance (dans les années 50s de la ségrégation !) avec l’une d’entre elle. Les méchants de la Saison 4 de La Servante Ecarlate pourraient être jugés (probablement atrocement) par Gilead, mais June Osborn complote pour organiser leur lynchage. Les héros de ces séries ne sont donc pas obligés de sombrer dans une vengeance aveugle, c’est au contraire un choix conscient.  

Il y a dix ans, face à un problème collectif comme le racisme ou le sexisme, aucun film, aucune série US n’aurait proposé ce type de solution. Au contraire, une réconciliation, un pardon, une rédemption aurait été proposé au méchant (le plus souvent un mâle blanc)**. Via le pardon du héros, ou vers un procès, avec la loi comme remède aux maladies de l’humanité.

Nous n’en sommes plus là. Nous sommes à l’heure de la vengeance, et de la violence « juste », seule solution à la violence injuste***.

Et ça fait peur.

* Qui la plupart du temps étaient obligés de tuer le méchant :  repensons à toutes ces scènes avec Bruce Willis/Nick Cage/Stallone tenant la main au méchant au bord du précipice/hélicoptère, et que celui-ci, ignorant la main tendue, en profitait pour tenter de balancer notre héros dans le vide, qui n’avait alors d’autre choix que de le tuer…

** Mississippi Burning, Le Plus Beau des combats, American History X, Gran Torino, La Dame du Vendredi, Du silence et des Ombres, Amistad, Working Girl…

*** Sur le même sujet, avec les mêmes références (le massacre de Tulsa), et la même maison de production (HBO), Watchmen fait beaucoup mieux…




jeudi 1 juillet 2021


La Servante Ecarlate, saison 4
posté par Professor Ludovico

Cinématographiquement, La Servante Ecarlate reste un objet difficile à critiquer. La série fait partie de ces œuvres à thèmes très lourds (la Shoah, le racisme, les banlieues, …) qui censurent toute forme de jugement.

Dans cette dystopie terrifiante, où une théocratie fasciste a dévoyé les principes de la religion (chrétienne) pour mettre les femmes en esclavage, The Handmaid’s Tale pose – comme une deuxième couche – la question de la place de la femme dans l’occident réel : mère-pondeuse, bonniche au foyer, ou prostituée destinée à ne servir que les désirs masculins ? C’est là où elle est passionnante, ce qui ne veut pas dire qu’elle est parfaite.

Critiquer la Servante, c’est très vite se voir opposer cela. « La série a peut-être des défauts, mais elle parle de quelque chose de tellement juste… » : c’est exactement le genre de chantage aux sentiments qu’on ne supporte pas ici, à CineFast.

Et en regardant le premier épisode de cette quatrième saison, on ne peut qu’être frappé par des parallèles cinématographiques qui vont évidemment hérisser beaucoup de cinefasters : La Passion du Christ, de Mel Gibson, et 24 heures Chrono. Le martyr, et la vengeance…

Prolégomène nécessaire ; nous n’ignorons pas que La Servante Ecarlate se situe à l’opposé absolu sur l’échiquier politique. Ce n’est pas une série de droite, raciste, antisémite, ou prônant simplement la suprématie de l’Amérique sur le reste du monde. Mais pour autant, Handmaid’s Tale est essentiellement, fondamentalement, américaine. Peut-être même à son insu.

L’Amérique, depuis toujours, s’est construite sur ce fondamentalisme Ancien Testament. D’abord parce que les passagers du Mayflower* étaient à l’origine des fanatiques religieux, chassés d’Angleterre pour leurs convictions. Ils se sont ensuite identifiés au Peuple Elu – les juifs de l’Ancien Testament – obligés eux aussi de faire exode. Si le Nouveau Testament (le christianisme) prône le pardon, la rédemption et la joue tendue, l’Ancien propose plutôt la Loi du Talion – œil pour œil, dent pour dent. (merci le Framekeeper).

Cette obsession biblique irrigue tout le cinéma populaire américain, du western à la science-fiction. Du Clint Eastwood d’Impitoyable au Capitaine Kirk qui règle les problèmes de la galaxie à coups de poing, un bon père de famille américain ne se tourne pas vers son avocat en cas de problème : il se fait justice lui-même**.

A l’image de ce premier épisode saison quatre, où les femmes vont se venger de ce qu’elles ont subi (comprendre : depuis trois saisons). Un Commandeur qui n’arrivait pas à avoir d’enfants a fait violer sa femme par tous les hommes qui passaient par là. Notre héroïne, June, se laisse très rapidement convaincre qu’il faut torturer l’un de ces hommes, puis le lyncher. « Because we fight. »

Tout est dit. Il faut tuer, rendre coup pour coup, car il s’agit d’un combat et pas d’une justice à exercer. Pas de procès, pas d’application de la loi, pas d’éducation ou de rédemption du coupable. Ce progrès essentiel de notre civilisation, la loi qui s’intermédie entre le coupable et sa victime pour lui donner réparation ? Tout cela a disparu. Comme dans tout le cinéma de Droite, les Dix Commandements, Le Justicier dans la Ville, les films de superhéros ou tout le cinéma de Tarantino. La solution, c’est le lynchage. June Bauer est en cornette, mais c’est quand même la sœur de Jack Bauer.

La série se complait tout pareillement dans le martyr. Martyre, June l’est assurément. Enlevée, séparée de son mari et de sa fille, insultée, violée, torturée… Il serait impensable qu’il en soit autrement dans l’univers de Gilead, cette dictature terrible inventée par Margaret Atwood. Mais l’actrice-productrice Elisabeth Moss est-elle obligée de se réserver la moitié des plans, sur son regard halluciné, son visage giflé, son corps ensanglanté ? Cette obsession douteuse a fini par gangréner la série, qui gagnerait à mettre la pédale douce sur la Passion selon Sainte June, qui finit par confiner au ridicule***.

Ces scènes sanglantes, filmées avec une telle complaisance gore, et répétés d’épisode en d’épisode, ne cessent d’étonner. Et l’on est une fois de plus consterné devant la critique française, qui voue aux gémonies (au hasard : Neon Demon), mais s’extasie sans distance devant les yeux enfiévrée de la servante écarlate.

*Les costumes féminins de la série évoquent d’ailleurs le XVIIème siècle et la série se passe à Boston.

**Il y a évidemment un pendant progressiste à cela : les films de procès

***Dans un autre rôle, l’excellente Elisabeth Moss en disait tout autant, si ce n’est plus, sur le même sujet : Mad Men, évidemment.




lundi 1 mars 2021


Why Hollywood sucks?
posté par Professor Ludovico

Le coup fait mal, car il vient de l’intérieur. Rien de moins que de l’acteur Anthony Mackie, le Faucon des Avengers. James Malakansar nous conseille astucieusement une vidéo de 2017 où Mackie, probablement à un ComicCon ou quelque chose d’approchant, explique pourquoi Hollywood sucks

« Avant, le cinéma était une expérience, un truc familial, un événement… Aujourd’hui, les gens vont voir un film parce qu’il va être numéro un au Box-Office, tout en sachant déjà par Internet qu’il est mauvais…

Il n’y a plus de star de cinéma. Anthony Mackie n’est pas une star ! La star, c’est le Faucon ! Avant on allait voir un Stallone, un Schwarzy, un Tom Cruise, maintenant on va voir les X-Men ! Cette évolution vers les super-héros, c’est la mort des stars de cinéma… Et ça fait peur...

On fait des films pour les gosses de seize ans et la Chine, et puis c’est tout. Les films que vous avez vus enfant, Les Goonies, Halloween, The Thing, ça serait impossible à faire aujourd’hui … Les Goonies, c’est maintenant sur Netflix et ça s’appelle Stranger Things. C’est pour ça que les gens ne vont plus au ciné : parce que les films sont nuls… »




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