Dans le film de Taylor Hackford, entièrement monté et produit – dans tous les sens du terme – par Keith Richards, il y a cet échange savoureux. Chuck Berry : tu ne vas quand même pas me dire quelle est la tonalité de cette chanson !! C’est moi qui l’ai écrite ! Keith : c’est justement parce que c’est toi qui l’a écrite que je sais qu’elle est en Si Bémol. Et pas en Ré.
Tout Hail, Hail, Rock’n’Roll est à cette aune, Chuck Berry renâclant devant l’hommage que lui rend le petit blanc de Dartford, cent fois plus riche que lui et qui lui a tout piqué. Les chemises de mauvais gout, les plans de guitare, les intro en si bémol.
C’est l’histoire de Chuck Berry, et des pionniers noirs du rock ; des petits blacks à qui on donnait un centime sur chaque disque vendu, tandis que les blancs en touchait dix. Si ça va pas, tu peux toujours retourner au champ de coton. Chuck avait plein de défauts ; il était irascible, radin, colérique, il se tapait des gamines. Mais pendant que Jerry Lee Lewis se mariait avait avec sa cousine de treize ans, Chuck moisissait en taule.
Peu importe tout cela, nous avions treize ou quatorze ans et Antenne 2 diffusait Jazz à Antibes. Le Limougeaud m’avait prévenu : ce soir, y a Chuck Berry ! C’est le King !. On était en 1980 et ma vie ne serait plus jamais la même. Voir ce petit vieux (il avait cinquante ans) faire le duck walk, écarter les jambes comme en quarante, chanter les Little Sixteen et les Cadillac, les Maybellene les Bettie Jean, les Carol et les Nadine, m’avait donné pour toujours le gout de l’Amérique, et avait décidé de mon futur : le rock’n’roll.
C’est un moment, comme dirait Greil Marcus ; un carrefour où tout change. L’attitude corporelle, la sexualité du texte et du phrasé, l’envie immédiate et incontrôlable de danser, Chuck Berry a accompli tout ça. Il y a, en vérité, peu de chansons qui donnent vraiment envie de tout casser. Johnny B. Goode est de celle-là. Et en fait cassa tout. Chuck Berry commença à avoir vraiment du succès en 1955. Dix ans après, c’était la fin de la ségrégation, comme si le noir qu’aimaient les blancs et les noirs, bien avant Michael Jackson, avait cassé la barrière.
Au cinéma, il faisait partie du cast de La Blonde et Moi, la charge anti rock’n’roll qui devint son meilleur outil de promotion. Mais surtout, on n’oubliera pas Retour vers le Futur. Le film de Zemeckis, incroyable hommage, et – en même temps, déconstruction ultime de l’Amérique des fifties –, ne pouvait choisir meilleure illustration musicale que Johnny B. Goode.
Mais en en faisant l’apex de son film, la scène d’hommage uchronique est devenue aussi un moment de l’histoire américaine. Michael J. Fox, petit blanc venu du futur, reprenant dans le passé Johnny B. Goode devant d’autres petits blancs (médusés), et des noirs (admiratifs), qui téléphonent au cousin Chuck pour qu’il « découvre ce nouveau son » ; quel meilleur hommage au plus grand architecte de leur musique populaire ?
Les gens meurent, mais la musique est éternelle. L’Edda poétique, un ensemble de poèmes scandinaves du XIIIème siècle, dit ceci :
Le bétail meurt et les parents meurent
Et pareillement, on meurt soi-même
Je connais une chose qui ne périt jamais
Le prestige des exploits d’un homme mort.
Sæmundr Sigfússon pensait probablement à Chuck Berry.
posté par Professor Ludovico
C’est la bonne nouvelle du jour et la deuxième meilleure nouvelle de l’année. Denis Villeneuve va réaliser l’adaptation de Dune promise par le fils Herbert.
Denis Villeneuve c’est Monsieur Incendies, Prisoners, Enemy, Sicario, Premier Contact et bientôt, Blade Runner 2049 !
On sait donc déjà une chose : Dune sera très beau. Mais il reste un risque, déjà en germe dans les derniers films du canadien : une forme magnifique pour une coquille un peu creuse. Il ne faudrait pas que Denis Villeneuve tombe dans l’affèterie. Premier Contact était très beau, avec une narration trop intellectualisée pour une histoire qui ne méritait pas cette complexité. Villeneuve mélangeait en quelque sorte 2001 et Rencontres du Troisième type, mais sa portée intellectuelle était plutôt celle du Spielberg. Sicario était pire ; un scénario totalement rocambolesque caché derrière une forme, encore une fois, très élaborée qui masquait ces faiblesses, du moins au premier coup d’œil.
En art, la forme doit épouser le fond. Il faut donc pour Dune le Denis Villeneuve de Enemy (propos simple, forme simple) ou celui de Prisoners : film graphiquement magnifique mais à la forme épurée, au service de l’intrigue.
Car si l’histoire de Dune, ses complots, ses personnages, sont extraordinaires, il faut quelqu’un pour adapter le monstre ; David Lynch et Jodorowsky se sont brisés les dents, dans deux optiques différentes, blockbuster et expérimentale.
Pour que le Dormeur s’éveille, il faudra un bon scenario à Dune, et dans l’idéal, un schéma à la Seigneur des Anneaux, i.e. plusieurs films pour reconstituer sa complexité… Sinon Denis Villeneuve se sera contenté d’illustrer Dune, et ce serait bien dommage.
Mais comme le dit le prophète, « Si les vœux étaient des poissons, nous lancerions tous des filets. »
dimanche 18 décembre 2016
The People vs OJ Simpson : American Crime Story
posté par Professor Ludovico
On s’était trompé sur The People vs OJ Simpson. Même si certains défauts, envisagés au départ, se sont confirmés par la suite, comme cette volonté trop pédagogique de faire endosser au dialogue certaines explications nébuleuses, on ne peut cacher une incommensurable fascination pour la série, et l’envie – malgré la fatwa du Professore contre le binge watching – de la grignoter en un seul morceau.
Comment ne pas se passionner pour cette affaire ? Comment ne pas tomber amoureux devant la terrible frustration sexuelle de la procureure Marcia Clarke (Sarah Paulson) ? Ou de son amoureux transi Christopher Darden (Sterling K. Brown) ? Comment ne pas éclater de rire devant la prestation de Travolta en Shapiro ? Comment ne pas avoir envie de cogner sur OJ (Cuba Gooding Jr) et ses mensonges à répétition ?
La grande qualité de The People vs OJ Simpson, c’est de nous remettre totalement dans le contexte plombé du Los Angeles des années 90, post Rodney King et pré Affaire Rampart/Suge Knight. Une ville où la police est corrompue depuis toujours (relire James Ellroy) et où il ne fait pas bon être noir… ou pauvre. Ou comment le Procès du Siècle, le Procès qui ne Pouvait Etre Perdu, fut gâché parce qu’OJ était noir, parce que OJ était riche, et parce que la ville était au bord de l’implosion.
Ce que montre aussi The People, c’est comment cet évènement a bâti, ou portait pour le moins, les racines du monde actuel : l’infotainment 24 heures sur 24 (cette course-poursuite échevelée dans Los Angeles), l’affrontement des minorités transféré dans les médias, et le rapport douteux que nous entretenons avec la célébrité, quel que soit les délits dont les celebs se rendent coupables (Nabila, Polanski, etc.).
Et de rappeler qu’en Amérique ce ne sont pas les blancs qui gagnent, mais tout simplement les riches.
samedi 10 décembre 2016
Kirk Douglas, 100 ans de cinéma
posté par Professor Ludovico
Spartacus, le Colonel Dax, Vincent van Gogh, Patton, Jack Andrus, Einar, Doc Holliday, Capitaine Matthew Yelland, Ned Land, Jim Deakins, Georges Phipps, Whit, ce sont les mutiples rôles endossés depuis 1947 par cette légende vivante du cinéma qu’est Kirk Douglas dans des films aussi différents que Spartacus, Les Sentiers de la Gloire, La Vie passionnée de Vincent van Gogh, Paris Brûle-t-il, Quinze jours ailleurs, Les Vikings, Règlement de comptes à OK Corral, Nimitz retour vers l’enfer, 20000 lieues sous les mers, La Captive aux Yeux Clairs, Chaînes Conjugales, La Griffe du passé…
Certes, Gotlieb est mort, mais Kirk Douglas est toujours vivant…
mardi 22 novembre 2016
Le Dormeur doit se Réveiller
posté par Professor Ludovico
C’est la meilleure nouvelle de la journée, de la semaine, du 21ème siècle ? La famille Herbert vient de trouver un accord avec Legendary Pictures pour une (des) adaptations de la (des) séries Dune! C’est à dire adapter à la télé ou au cinéma les livres de Frank Herbert mais aussi ceux du fiston avec Kevin Anderson…
Legendary Pictures, c’est la maison qui produit les DC comics (Batman, Superman), celle de Christopher Nolan (Interstellar, Inception), de 300 , Very Bad Trip, ou The Town, bref, y a du bon et du moins bon, mais c’est une excellente nouvelle quoi qu’il arrive…