Voilà une petite controverse qui aurait pu passer inaperçue, au cœur du trou noir Noël-Jour de l’An. Mais c’est la période des bilans, et Le Parisien a ouvert le bal avec un article sur les tops/flops de l’année, tout en dégonflant quelques baudruches : oui, La Vérité Si Je Mens est 4ème est un succès en nombre d’entrées (4,6M), mais c’est quand même une déception pour ses auteurs, car le film, ayant coûté 25M€, espérait bien plus (le deuxième de la franchise avait fait 7M€).
Car la règle d’or dans ce business, ce n’est pas les entrées (qui reste néanmoins le critère du public et des médias), mais bien le ratio recettes/investissements. Ainsi Paranormal Activity, Le Projet Blair Witch restent des résultats marquants, car pour des budgets minuscules (15 000$ et 60 000 $), ils ont rapportés énormément d’argent (107 M$ et 140M$). Ce qui n’empêche pas, évidemment, d’investir énormément, dans l’espoir de gagner encore plus.
Ce qui nous amène à la controverse du jour : comme le signale cruellement Le Parisien, « Les grosses stars hexagonales n’ont pas fait recette » : ni Adjani (David et Madame Hansen, 100 000 entrées), ni Gad Elmaleh (Le Capital, 400 000), ni Dany Boon, ni le casting all-stars des Seigneurs (2,7M). Et Fabrice Leclerc, de Studio Ciné Live, un magazine peu réputé pour être un histrion de la contre culture, de conclure : « Contrairement aux américains, nombre de réalisateurs français ne bossent pas suffisamment leur scénario » ; encore un qui lit CineFast !
Mais l’assaut le plus sournois ne vient pas des odieux médias, ou des horribles critiques (ces réalisateurs frustrés), non, l’attaque vient de l’intérieur, via une charge destroy dans Le Monde datée du 28 décembre (et aimablement indiqué par l’ami Fulci). Cette charge ne vient pas de n’importe qui : Vincent Maraval, patron de Wild Bunch, un des plus gros distributeurs français The Artist, Le Discours d’un Roi, Le gamin au Vélo, Polisse, Old Boy, La Chambre du Fils, etc.
Maraval parle carrément de « désastre »*. Reprenant le bilan du Parisien, il constate que tous les gros films français se sont plantés cette année. Pire, même les gros succès commerciaux perdent de l’argent. Moralité : les films français sont tout simplement trop chers.
Et d’indiquer la source du mal : les stars françaises, surpayées. Et de balancer des chiffres, qui malgré l’inclination naturelle du Professore, l’ont que même cloué sur son siège : les films français ont le deuxième budget moyen après les USA (bizarre, pour une production peu orientée sur le blockbuster à effets spéciaux). Ensuite, les cachets des acteurs : 3,5M€ pour Dany Boon dans Un Plan Parfait, une somme qui n’est pas couverte par les entrées du film ! et 1M€, pour quelques minutes dans Astérix… Ou Vincent Cassel, qui demande 226 000€ pour Black Swan et 1,5M€ pour Mesrine : dix fois moins de recettes que le film de Darren Aronofsky, cinq fois plus de salaire ! Et de multiplier les exemples avec des stars internationales comme Benicio del Toro, ou Soderbergh, qui gagnent moins que… Marylou Berry ou Philippe Lioret.
Il n’y aurait aucun mal à cela si ces chiffres étaient produit par le marché : Depardieu vaut 2 parce qu’il va rapporter 20. Le Professore, citoyen d’honneur de Los Angeles, California, est évidemment est pour le marché, et n’a jamais trouvé scandaleux le salaire des footballeurs, par exemple. Pourquoi ? parce que le salaire des stars, les primes de match, c’est l’argent des mécènes (le Qatar, Abramovitch, Aulas) ou celui des sponsors. Ils font ce qu’ils veulent de leur argent, parce qu’ils pensent que ça va leur rapporter quelque chose, de l’argent ou de l’image.
Mais là, c’est votre argent qu’il s’agit. Car si ce système existe, c’est dû au fameux fonctionnement du cinéma français. La fameuse exception culturelle dont on nous rebat les oreilles, et qui génère un régime très particulier et extraordinairement déficitaire (l’intermittence : 223 M€ de cotisations pour 1 276 M€ de paiements, et aucun chômage). Mais aussi un système extrêmement vicieux de financement**, via le CNC, Canal+ et les chaînes de TV, ce qu’explique très bien Vincent Maraval : les acteurs célèbres permettent au film de se faire, uniquement sur leur nom. Dès lors, ils disposent d’un droit de vie ou de mort sur le film, qu’ils monnayent à prix d’or. Au final, que le film ait coûté cher ou pas, qu’il ait du succès ou pas, qu’il fasse un bon score ou pas à la télé, ne change rien. Les chaînes sont obligées d’acheter des films et d’en diffuser, donc tout le monde vit bien avec ça.
Sauf le contribuable.
Moi je veux bien financer Arte, même si je la regarde rarement. Mais ça m’embête de financer Dany Boon dans Astérix.
Vraiment.
* A lire également, la réfutation par Jean-Michel Frodon, qui n’est pas n’importe qui non plus, et qui relativise en partie le propose de Maraval, notamment le « désastre ».
** qui a une seule vertu : les gros films (français et étrangers) financent les plus petits
posté par Professor Ludovico
Depuis 48h, la rédaction de CineFast est assaillie de demandes d’interview exclusive. Du monde entier, du Magyar Nemzet de Karl Ferenc, de l’Osservatore Romano de Ludo Fulci, on souhaite recueillir l’avis du Professore.
Ses assistantes, Magenta et Columbia, prennent les appels, mais ne savent que répondre : le Professore est injoignable. Il travaillerait à un livre-somme sur Starship Troopers ou à une analyse détaillée de l’influence de Kubrick sur l’art de l’origami au Japon.
La vérité oblige à dire qu’il n’en est rien. Le Professore s’en fout.
Comme de son premier pyjama Star Trek, de ses DVD de San-Ku-Kaï, ou de son 45t de Capitaine Flam dédicacé par Richard Simon.
From day one, le Professore n’aime pas George Lucas. Ce petit voleur à la tire de la SF sans talent, qui a construit son œuvre, tel le Facteur Cheval, en accumulant des bouts du travail des autres (Dune, Flash Gordon, les films de guerre aérienne des années quarante, les Chevaliers de la Table Ronde) pour écrire son petit univers minable de gentils et de méchants galactiques qui a, à notre grand désespoir, conquis la planète, tandis que les chefs d’œuvres de la SF croupissent dans les tiroirs d’Hollywood, attendant une adaptation*…
George Lucas est un escroc. Un bon producteur (Star Wars, Indiana Jones), mais un réalisateur lamentable (Star Wars, le film), un scénariste pitoyable (Star Wars 1-2-3). Les meilleurs Star Wars ont été réalisés par d’autres (Irvin Kershner) et scénarises par d’autres (Lawrence Kasdan).
George Lucas n’a rien fait d’autre après. THX 1138 est intéressant, American Graffiti pas mal, mais en dehors de ça ?
Donc, si vous voulez mon avis (et que vous n’êtes pas encore allez vous réfugier sur Oth, comme toute racaille Rebelle qui se respecte), le rachat par Disney est une BONNE nouvelle. Même pour vous, les lucasseux ! Cette franchise de produits dérivés va enfin produire de vrais films, les premiers depuis L’Empire Contre Attaque. Ça sera toujours aussi sirupeux et passionnant que les amourettes galactiques de Luke Skywalker, mais au moins il y aura une début, une fin, trois actes, des comédiens dirigés, des effets spécieux lisibles, et une musique audible.
Bienvenue dans le cinéma professionnel !
* Je fournis une liste personnelle, au cas où Bob Iger jetterait un coup d’œil à CineFast, une fois fini la lecture de Variety : Chroniques Martiennes, Les Monades Urbaines, La Ruche d’Hellstrom, Croisière sans Escale, Babel 17, L’Orbite Déchiquetée, Ubik, La Grande Porte, Demain les Chiens, Martiens go Home, Les Voyages électriques d’Ijon Tichy , La Guerre Eternelle, Radix, et, en heroic fantasy : Terremer, Le Cycle des Épées, Elric le Necromancien, L’Ombre du Bourreau, Les Neuf Prince d’Ambre…
vendredi 31 août 2012
Le vrai visage de Clint Eastwood
posté par Professor Ludovico
Clint Eastwood est républicain. Ce n’est pas une tare en soi, beaucoup de gens talentueux à Hollywood le sont : Zack Snyder, Jerry Bruckheimer…
Mais, hier, le grand Clint est monté à la tribune de Tampa Bay pour soutenir Romney-Ryan, probablement le ticket le plus réactionnaire depuis la candidature de Barry Goldwater en 1964. Ces braves gens réclament (en gros) la peine de mort partout et l’avortement nulle part. Clint ne s’est pas contenté de faire une apparition, il s’est fendu d’un discours particulièrement démago, et anti-Obama.
C’est son droit.
Ce qui est cocasse là-dedans, c’est surtout l’admiration sans borne qui règne en France autour d’Eastwood, et tout particulièrement dans la presse de gauche*. A l’instar de Woody Allen (à l’autre bord politique), tout ce que fait le grand Clint est « le nouveau chef d’œuvre de Clint Eastwood » (on notera l’aspect unique du « le », dont la répétition année après année ne cesse de faire sourire).
Bref, Eastwood a fait des bons films, voire des très bons (Un Monde Parfait, Sur la Route de Madison, Million Dollar baby, Mémoires de Nos Pères**). Depuis, il vit sur ce capital de sympathie et enchaîne, il faut bien l’avouer, des nanars (L’Echange, J. Edgar, Gran Torino).
Espérons que le discours droitier de Eastwood Clint fera ouvrir les yeux sur l’œuvre de Clint Eastwood au trio Télérama-Libé-Inrocks.
* dans la même dimension, 24, la série la plus fascisante qui soit recueille aussi l’admiration du même type de presse
**Je ne suis pas un fan d’Impitoyable
lundi 20 août 2012
Tony Scott, un ouvrier à Hollywood
posté par Professor Ludovico
Triste nouvelle ce matin en ouvrant Internet : Tony Scott est mort. Pire, il s’est suicidé, en se jettant d’un pont de San Diego.
Tony Scott, frère de Ridley, était un pilier de l’analyse CineFastienne. Réalisateur de 26 films, dans la grande tradition des faiseurs d’Hollywood, producteur de films et de séries, publicitaire renommé, il s’était fait connaître par Les Prédateurs, et son célèbre trio vampirique Sarandon-Bowie-Deneuve.
Immédiatement repéré par les Simpson-Bruckheimer, il enchaînera avec eux pendant quinze ans quelques joyaux de la GCA (Top Gun, Le Flic de Beverly Hills II, Jours de Tonnerre, Revenge, True Romance, USS Alabama, Ennemi d’Etat).
La décennie 2000 verra son talent s’émousser, trop marqué par ce style coloré des productions Bruckheimer, désormais partout, et repris par ses propres disciples (Michael Bay).
Pendant ce temps, Don Simpson mourrait et Jerry Bruckheimer assurait un tournant plus familial à ses productions.
A partir de là, Tony Scott tournera surtout avec Denzel Washington (Man on Fire, Domino, Déjà Vu, L’attaque du Métro 1 2 3, Unstoppable) ; il produira aussi des séries (Numb3rs, The Good Wife, Les Piliers de la Terre…)
Son cinéma était efficace, puissant, toujours au service de ses histoires. Il n’a jamais eu la prétention des œuvres de son frère Ridley, ce qui explique qu’il n’a réalisé aucun chef d’œuvre, mais aussi qu’il a échappé à la vindicte des déçus.
Le cinéma de Tony Scott était dans la pure tradition Hollywoodienne.
mercredi 4 avril 2012
Chroniques de désastres annoncés
posté par Professor Ludovico
C’est un des fardeaux du CineFaster ; sentir les viandes faisandées avant qu’elles n’arrivent chez votre boucher local, MK2 ou UGC…
Deux exemples qui ne sentent pas bon en ce moment : Twixt et Sur la Piste du Marsupilami. Twixt, c’est le nouveau Coppola. Dans notre beau pays où il-n-y-a-que-des-artistes-et-pas-d-odieux-producteurs, on s’efforce de croire qu’il existe encore un Artiste Maudit appelé Francis Ford Coppola. Pourtant, il n’a réalisé que deux véritables chefs d’œuvres, Le Parrain et Apocalypse Now!, et quelques films intéressants, Rusty James, Conversations Secrètes, Cotton Club ou Jardins de Pierre.
Cette fois-ci, le mangeur de spaghetti et viticulteur nous revient avec une sorte de polar mystique, avec comme tête de gondole Val Kilmer version Maïté (110kg), Twixt ! Un film craspec tourné en vidéo HD et avec des images-qui-font-peur-façon-Tim-Burton. Indice de tomates pourries dans la cagette : 90%.
L’autre, c’est la comédiepourenfantsfaçonalainchabat, Sur la Piste du Marsupilami. Là, plusieurs indices concordent : une bande annonce bien pourrie, très années 60, avec des gags rances qui font pas trop peur aux mamans, et une campagne de pub au contraire un peu trash, avec quelques sous-entendus sexuels douteux en vue des spectateurs visés ; mais surtout, nous disposons, en direct de Notre Agent au Kremlin, d’informations de première main sur le budget « images de synthèse », raboté par la production. Pas de bol, c’est le seul moment un peu magique de la bande annonce.
Après, c’est vous qui voyez…
dimanche 18 décembre 2011
Le Royaume Enchanté
posté par Professor Ludovico
De bruit et de fureur. Voilà ce que propose Le Royaume Enchanté, le livre-événement de James B. Stewart, édité chez Sonatine. Pas étonnant que l’auteur fasse référence au grand Will, car toute l’œuvre shakespearienne peut être convoquée dans cette histoire détaillée de l’entreprise Disney, entre 1984 et 2005. Ces vingt ans c’est tout simplement le règne de Michael Ier, Michael Eisner lui-même. D’abord monarque réformateur, l’ancien président de la Paramount deviendra un Richard III paranoïaque et destructeur, érodant ce qu’il avait précisément contribué à construire.
En 1984, il dépoussière pourtant la vieille maison Disney en quelques coups de cuillère à pot marketing : augmenter le prix des parkings de Disneyland, sortir les classiques Disney en VHS, bâtir des hôtels autour des parcs : en un an, Eisner fait exploser les bénéfices d’une maison endormie. Grâce à son numéro 2, Jeffrey Katzenberg, il renoue Disney avec son glorieux passé, mais oublie de le récompenser au passage. Eisner touche en un an 67M$ de prime, et Katzenberg, zéro. Ce dernier se plaint, mais n’obtient rien. Tout juste lui concède-t-on un petit bonus : 2% sur les profits réalisés sur les films produits par lui, mais uniquement quand il aura quitté la société. Katzenberg fulmine : les films sortent au compte-goutte, et il pourrait très bien ne rien toucher du tout ! Sauf qu’en 5 ans (1989-1994) Katzenberg supervise Qui Veut la Peau de Roger Rabbit ? La Petite Sirène, La Belle et la Bête, Aladin et Le Roi Lion. Très vite, Disney lui doit déjà 200M$.*
Le Royaume Enchanté regorge de ces anecdotes qui font la joie du Professore, qui par ailleurs, déteste Disney, n’est jamais allé à Disneyland, et n’a vu aucun dessin animé de l’oncle Walt.
Mais voilà, la meilleure histoire qu’Hollywood ait jamais écrite, c’est elle-même : combats d’egos, millions de dollars, intégrité artistique vs rentabilité marketing, tout y est, et bien plus encore, dans Le Royaume Enchanté. Mieux, on se plaît à se rappeler tout au long de la lecture du livre une partie de nos vies. Car ces événements, même lointains, nous y avons participé : le scandale Eurodisney, la bulle Internet, la fusion Time Warner, le succès surprise de Lost et Desperate Housewives, le départ de Katzenberg pour fonder Dreamworks (Shrek, Nemo, etc…), le succès de Pixar et le clash avec Steve Jobs, vous vous rappellerez sûrement d’un ou plusieurs de ces événements
Car que vous aimiez ou non Disney, il est le plus parfait représentant de cette culture américaine qui se déverse chaque jour dans nos télévisions, PC et iPads.
Une lecture hautement recommandable.
*Un épisode qui en dit long sur la pseudo génie des affaires américain.
Le Royaume Enchanté
James B. Stewart,
Editions Sonatine
dimanche 11 septembre 2011
Jayne Mansfield 1967
posté par Professor Ludovico
C’est d’un livre dont il s’agit aujourd’hui, qui m’a fait de l’œil dans ma librairie favorite, et que j’ai dévoré : Jayne Mansfield 1967, de Simon Liberati. Sarcastiquement sous titré Roman, il s’inscrit dans la lignée des François Bon (Rolling Stones, une biographie, Dylan, une biographie et Rock’n roll, un portrait de Led Zeppelin), c’est-à-dire une biographie de fan, ultra-documentée, mais qui en même temps, ne prétend pas à la rigueur et à l’exhaustivité historique d’un travail universitaire ou journalistique. Au contraire, c’est un portrait, un triptyque médiéval, centré autour de 1967 : l’accident fatal à Biloxi, l’incident six mois plus tôt à San Francisco, qui éjecta Jayne du star system, en passant par un petit détour satanique, et la dernière soirée en Louisiane, les dernières heures de la star.
Jayne Mansfield 1967 est court (200 pages), mais puissant et détaillé. Il n’est pas exhaustif, mais il sonne juste (la description de l’accident, au milieu du bayou louisianais est un petit chef d’œuvre). Une lecture qui s’impose, même si on n’est pas cinéphile, tendance Kenneth Anger.
Car Simon Liberati s’inscrit dans la veine Hollywood Babylon, il s’en vante, même. Cette cinéphile toute particulière, collectionneuse de ragot, qui aime se rouler dans la fange de l’envers glauque de l’industrie du rêve : meurtres, suicides, violences familiales, satanisme, tout est bon dans le chaudron Angerien.
Jayne Mansfield est un morceau de choix dans cette veine. Sa carrière cinématographique est minuscule (à part l’excellent La Blonde et Moi, qui doit plus à Gene Vincent et à Little Richard), qui pourrait citer une autre œuvre Mansfieldienne, si ce n’est sa mort ?
Son accident de voiture, sa quasi décapitation, voilà la grande œuvre, la porte de sortie grandiose vers le firmament Hollywoodien. Quand on n’a pas de carrière, il faut une vie tragique (Paris Hilton, Britney Spears, Diana).
Sous-Marilyn, malgré son QI de 163, Jayne n’a fait que poursuivre le rêve Hollywoodien. Et inspirer, comme l’a si bien fait remarquer JG Ballard dans Crash**, notre passion quasi-érotique pour les stars, les accidents de voitures, et les accidents de voiture de stars.
*La Blonde et Moi (The Girl Can’t Help It) fait partie de ces projets foireux dont Hollywood a le secret. Le film de Frank Tashlin avait pour but de ridiculiser la scène rock’n’roll naissante (le film date de 1956), et la bêtise de ces nouvelles stars que leurs enfants s’étaient mis à aduler. Jayne Mansfield y incarnait Jerri Jordan, une bombe blonde, qui à la place de chanter, se contentait de pousser un cri à la fin de chaque refrain. Les chanteurs du moment (Eddy Cochran, Little Richard, Gene Vincent), vinrent se déhancher devant un public de jeunes écervelés. Pas de chance : le film fut un énorme succès auprès des teenagers, et permis, ô douce ironie du sort, de populariser encore plus ces musiciens.
**et le film éponyme de Cronenberg…
lundi 29 août 2011
La nouvelle nouvelle guerre des boutons
posté par Professor Ludovico
C’est l’histoire d’une guerre, souterraine, secrète, mais une guerre quand même. Cette guerre, c’est la guerre des boutons. Rappel des faits : en 1912, Louis Pergaud écrit La Guerre des Boutons, le livre, qui deviendra un film drolatique d’Yves Robert, en 1955. (Je peux écrire drolatique, parce que je ne l’ai pas vu, le film….)
Mais grâce à lui, les aventures de Petit Gibus deviennent cultes, comme les répliques « Si j’aurais su, j’aurais po v’nu ! »
Aujourd’hui, le livre est tombé dans le domaine public. Marc du Pontavice, ancien de la Gaumont et producteur de Gainsbourg, Vie Héroïque, flaire la bonne idée, pas chère (pas de droits à payer, malgré une notoriété inentamée : faisons un remake !). Un projet est lancé, sous la direction de Yann Samuell (Jeux d’Enfants) avec notamment Alain Chabat et Mathilde Seigner.
Mais Thomas Langmann (Astérix, Le Boulet) a eu la même idée. Il a monté lui aussi un projet, autour de Christophe Barratier (Les Choristes) et de Kad Merad et de Gérard Jugnot. Le conflit ne peut se régler devant les tribunaux, puisqu’il n’y a plus de droits cédés. Ca sera donc la guerre. On appelle comédiens, techniciens, décorateurs, et on menace « si tu fais La Guerre des Boutons avec Machin, tu ne travailleras plus jamais dans le cinéma français* », entre autres amabilités.
Moralité : deux films sortent, à une semaine d’intervalle (14 et 21 septembre), sans argumentaire marketing sérieux pour faire pencher la balance. D’un côté, l’humour Nuls, la sensibilité et l’esthétisme façon Yann Samuell, de l’autre le plus franchouillard, façon Choristes, Barratier-Merad-Jugnot. Il n’y aura à l’évidence aucun vainqueur, mais deux perdants. D’abord parce que personne de sensé n’ira voir les deux. Et que même si l’un l’emporte sur l’autre, il perdra quand même, mathématiquement, une bonne partie des entrées de son adversaire.
Petits dégâts collatéraux : comment sera géré la promo ? Invitera-t-on en même temps Kad Merad et Alain Chabat aux Enfants de la Télé ? Osera-t-on leur poser une question sur le ridicule de la situation ? Et si on ne le fait pas, c’est l’interviewer qui sera ridicule, d’enchaîner ainsi, sans rien dire, la promo du même film. Et cela promet aussi une belle foire d’empoigne lors des diffusions télé : « Si tu achètes la Guerre de Machin, n’espère pas avoir mon Astérix IV ! »
Rien de grave à tout cela, mais plutôt un sujet de rigolade, assez fréquent si on y regarde de plus près : il y a deux Borgia à la rentrée : celui que Canal+ a produit, écrit par Tom Fontana, et celui que Canal+ a acheté à Showtime, et qui est déjà diffusé partout dans le monde. Si Canal l’a acheté, c’est pour éviter de se faire griller deux fois. Une fois à l’international (c’est fait, personne n’achètera les Borgia façon Canal), et une fois en France (pas question que M6 ne diffuse un Borgia Showtime avant le mien)…
De même, 1998 vit l’affrontement titanesque de Deep Impact et d’Armageddon, sur le même sujet météoritique : Le Simpson-Bruckheimer l’emporta localement, laissant la victoire international au mélo de Mimi Ledder…
*Selon la formule célèbre de Julia Philips : « You’ll never eat lunch in this town again », titre de son livre de révélations sur Hollywood, et menace sous-tendue si elle publiait lesdites révélations. Quatre prostituées d’Hollywood reprirent l’idée dans leurs propres confessions « You’ll Never Make Love In This Town Again »
lundi 15 août 2011
Hollywood Crime Stories
posté par Professor Ludovico
Tout le monde ne peut pas lire la bible, c’est à dire Hollywood Babylon, le chef d’œuvre introuvable de Kenneth Anger. Hollywood Babylon racontait les anecdotes les plus crues, les plus trash, les plus violentes de l’usine à rêves pendant son âge d’or, c’est à dire les années 20-30. Un livre vient de sortir en français sur le même sujet, moins bien écrit, mais qui vaut le détour. D’autant plus que Hollywood Crime Stories ajoute quelques chapitres français à cette histoire : Max Linder et son suicide en couple, Jean Seberg et son suicide en R5, les mauvaises fréquentations d’Alain Delon (l’affaire Markovic) ou de Gérard Lebovici.
Lecture donc indispensable au CineFaster, qui se passionne pour les coulisses, ou pour l’historien, qui adore les mises en perspectives. Ici, on notera que Lady Gaga ou Paris Hilton passeraient pour des bonnes soeurs face aux turpitudes des people californiens : détournement de mineures (Charlie Chaplin), viol, orgies (Fatty Arbuckle, sorte de John Goodman années 10), meurtre (William Desmond Taylor), drogues (Olive Thomas)… On suivra aussi avec intérêt l’histoire de John Holmes, star du porno américain, dont la déchéance criminelle inspirera deux films, l’un médiocre (Wonderland), l’autre un chef d’œuvre instantané (Boogie Nights)
Hollywood Crime Stories, sexe, mensonges et violences dans le monde du cinéma, de Vincent Mirabel, éditions First Document
mercredi 10 août 2011
Woody, Paris-New-York, New-York-Paris
posté par Professor Ludovico
Dans le TAL (Trucs à Lire) qui traîne aux pieds du lit vacancier un Nouvel Obs de juillet. Vieux réflexe d’attaché de presse, je lis tout, même le magazine bobo moralisateur à demeures de charme …
Et là, p.21, l’info toute crue qui ravit le Professore. Midnight in Paris*, le dernier Woody Allen, est devenu le plus gros succès du cinéaste New-Yorkais, dépassant Hannah et ses soeurs : 4 millions de dollars de recettes.
Que d’infos en une si petite brève ! D’abord, parce qu’on nous signale au passage que Woody, enchaînant les flops, était obligé de trouver ses financements à l’étranger, d’où sa période anglaise (Match Point), espagnole (Vicky Cristina Barcelona) et francaise… Grâce aussi aux déductions fiscales que propose la vieille Europe… Quoi ? L’Amérique, Land of Opportunity, serait odieusement taxatrice ??? Cela ne surprendra que les contempteurs habituels des impôts-qui-écrasent-l’initiative-individuelle, et qui me connaissent les fonctionnements US en la matière.
Ensuite, on notera qu’un succès de Woody aux USA, ce n’est que 400 000 personnes…
Enfin cela vient corroborer notre théorie des amours contrariés franco-americains : si les américains privilégient Midnight in Paris, c’est probablement parce que le Woody y livre une vision carte postale de la capitale, tout comme le plus gros succès français de Woody en france est évidemment… Manhattan.
*J’ai failli y aller, selon le syndrome aixois, mais j’ai renoncé, grâce à une belle fièvre.