J’ai vu Certains l’aiment chaud il y a une dizaine d’années, et je n’avais pas été transcendé. J’aime bien Jack Lemmon, pourtant, j’apprécie Tony Curtis, et je vénère Billy Wilder (One, Two, Three, Sunset Boulevard, La Garçonnière, Spécial Première). J’aime aussi Marilyn, et je reconnais qu’elle a fait des bons films (Rivière sans Retour). Mais Certains l’Aiment Chaud ne m’a pas fait rire.
Aussi était je dubitatif quand l’ami Michel m’a proposé de lire Certains l’Aiment Chaud… Et Marilyn, le livre de souvenirs de Tony Curtis. Je n’aime pas les autobiographies, reconstitutions a posteriori, basées souvent sur des souvenirs parcellaires et subjectifs.
Rien de tout cala dans Certains l’Aiment Chaud… Et Marilyn. Peut-être parce qu’au crépuscule de sa vie (85 ans), Tony Curtis n’a plus rien à perdre, ni à prouver. Il se contente donc de raconter ses souvenirs, sans prétendre dresser un portrait exact de l’Hollywood des années 50. De plus, deux fois amant de Marilyn (avant, et pendant Certains l’Aiment Chaud), Curtis fait preuve d’une réelle tendresse et empathie pour la femme, ce qui rend sa critique de l’actrice d’autant plus crédible.
Car l’Hollywood qu’il dépeint – même ce n’est pas une révélation – est saisissant. Marilyn est alors la pin-up de l’Amérique, elle dépoussière le puritanisme ambiant, et ouvre la portes des sixties. Mais la star en veut plus. Marié depuis peu avec l’écrivain Arthur Miller, elle s’est mise en tête de devenir une vraie comédienne et prend des cours à l’Actors’ Studio. Première pique de Curtis : « S’il vous faut vous remémorer le jour où votre petite sœur vous a piqué votre beurre de cacahuète pour jouer cette scène, c’est que vous n’avez rien à faire devant un caméra ! » Et Curtis d’expliquer le rôle maléfique des Strasberg, en permanence derrière Marilyn : « Avant eux, elle marchait sur la corde raide en souriant au dessus du précipice. Après les Strasberg, elle ne voyait plus que le précipice. »
Curtis raconte alors que si le tournage débute bien, il s’enlise rapidement dans les caprices de Marilyn, capable d’enchaîner des plans séquences sans problème, mais incapable de jouer les scènes les plus simples : 46 prises pour dire quatre mots « Où est ce bourbon ? », 81 pour ouvrir une porte en disant « Bonjour, je suis Sugar ! ».
C’est à ces anecdotes-là que l’on peut comprendre les rapports qui ont fait et font toujours Hollywood : Marilyn ne sait pas son texte, arrive dix heures en retard sur le plateau, ne trouve plus le chemin du studio, mais jamais, au grand jamais, elle ne sera virée. Car c’est elle, la Star la plus bankable du moment. Car comme l’explique Billy Wilder : « J’ai une tante qui est actrice à Vienne. Elle est jolie, sérieuse, toujours à l’heure, ne pose jamais aucun problème. Mais au box office, elle vaut seize centimes. » Tout est dit, Hollywood plie devant l’argent, comme il l’a fait devant Chaplin, mary Pickford, puis Elisabeth Taylor, Francis F. Coppola, ou aujourd’hui Jennifer Anniston ou Angelina Jolie. Tant que vous rapportez de l’argent, pas de problème. Mais si jamais vous n’en ramenez plus…
Certains l’Aiment Chaud se finira dans le drame, en retard, hors budget, et avec la fausse couche de Marilyn, les insultes entre Miller et Wilder, et sortira dans le chaos. La critique sera mitigée, mais la censure laissera passer, à la grande surprise de Wilder, les acteurs travestis, les scènes ouvertement sexuelles, et les tenues osées de Marilyn. Le film débutera tout doucement, pour devenir, grâce au bouche à oreille, le 3ème succès de l’année derrière Ben Hur et une comédie désormais oubliée.
Car la postérité a fini par couronner le film, même sans l’aval du Professor : « Personne n’est parfait ! »
posté par Professor Ludovico
Dennis Hopper a quitté la planète terre hier soir, d’une maladie dont on sait qu’elle ne lui donnait de toutes façons aucun espoir.
On réalise maintenant qu’on ne savait pas grand-chose de lui. Pour moi, c’était le photographe halluciné d’Apocalypse Now, l’improvisateur de la formidable tirade sur Kurtz : « One through nine, no maybes, no supposes, no fractions. You can’t travel in space, you can’t go out into space, you know, without, like, you know, uh, with fractions – what are you going to land on – one-quarter, three-eighths? What are you going to do when you go from here to Venus or something? That’s dialectic physics. »
Puis on le retrouva à jouer les über bad guy, chez Lynch, dans sa terrifiante composition de Blue Velvet, mais on finit par oublier qu’il était aussi réalisateur : l’excellent Colors, et l’acceptable Hot Spot.
Mais ce qu’on oubliait toujours, c’est le précurseur incroyable qu’il avait été ; acteur rebelle Actors’ studio chez Géant (mais moins belle gueule que James Dean), et surtout qu’il avait détruit l’Hollywood des années cinquante avec le séminal Easy Rider. Un film dur à regarder aujourd’hui, mais qui lança le Nouvel Hollywood, les rugissantes années soixante dix, cassant tout sur leur passage, les frères Warner et toute la clique…
Avec une camera 16mm, et 400 000$, il détruisit l’antique système des studios, ses stars, sa rigidité procédurière, et sa discipline de fer. Les cadres en costard ne comprirent rien au film, mais un film incompréhensible qui rapporte 60 M$, ça fait réfléchir. On chercha alors partout le nouveau Easy Rider, et on trouva… Spielberg, Lucas et Coppola…
Hopper ne profita jamais vraiment de la vague, il était trop artiste pour cela et se perdit immédiatement dans The Last Movie, la came et l’alcool.
Grâce à la splendide exposition de la Cinémathèque Française en 2008, on pu découvrir l’autre face du bouffon du cinéma américain. Car depuis ses débuts dans la jet set Hollywoodienne, dès le tournage de Géant, Hopper su placer ses dollars dans la peinture la plus pointue : Rauschenberg, Warhol, Basquiat ce qui l’amena à devenir l’un des plus prestigieux collectionneurs pop art.
Le fou d’Hollywood s’est éteint : « What are they gonna say about him? What are they gonna say? That he was a kind man? That he was a wise man? That he had plans, man? That he had wisdom? Bullshit, man! »