Allez, on se lâche… il fait beau.. on peut manger dehors, l’hiver qui n’est pas sorti de sa tanière passe son tour et on s’attaque enfin aux grands sujets.. qu’est ce que le Cinéma ? et accessoirement qu’est ce que l’Art puisque traditionnellement le Cinéma n’est que le 7ème du genre ? Dommage qu’on soit pas à la télé parce que je risque d’avoir un peu trop de temps pour traiter le sujet…
Mais bon, soyons clair, comment envisager de publier, même sur un site confidentiel (et nous en sommes fiers), des critiques de cinéma sans définir en creux une théorie même restreinte du 7ème Art donc….
Au point de départ de l’aventure CINEFAST, un constat: l’art au cinéma n’est pas là où la plupart des critiques le cherchent…
Le cinéma dit d’auteur est mort, tombés sous les coups concertés d’une part des réalisateurs imbibés du mythe de la caméra stylo et persuadés que l’on ne peut faire de bons films que sur la déchirure d’un couple à Saint Germain des Prés ou la découverte de son homosexualité en Corse du Sud, d’autre part des petits malins d’Hollywood et désormais d’Asie du Sud Est qui ont compris que l’on pouvait captiver une salle et même dire tout plein de choses passsionnantes sans le faire exprès dans un bon thriller, action movie, slash movie ou même gore movie…
D’où le postulat n°1, empirique, de la Théorie restreinte: l’art n’est pas dans le sujet et dans l’absolu un film sur un extra-terrestre à tête de phacochère chasseur de barbouzes dans la jungle amazonienne pourrait un être un parfait chef d’oeuvre.. d’ailleurs c’est le cas….
la suite si vous y tenez au prochain épisode…
Biz
Qu’est-ce qu’un enjeu ? Pourquoi est-ce important de poser « l’enjeu », puis de le « résoudre » ? Un enjeu, c’est ce qu’on pourrait simplement résumer par une question que se pose le spectateur durant le film, et surtout, auquel il souhaite voir apporter une réponse. Dans Titanic, par exemple, l’un des principaux enjeux, c’est « Jack le Pauvre » va-t-il séduire « Rose la Riche » ? C’est d’ailleurs le coup de génie du film : avoir mis au premier plan la love story sur fond de catastrophe archiconnue, plutôt que l’inverse, cliché classique du film catastrophe : love story annexe sur fond d’intrigue catastrophe.
Cet enjeu est posé très vite, dès la première partie du film, et ne va cesser d’être confronté à des antagonisme, indispensables à la progression du film. Barrières sociales, psychologiques, physiques (les classes du bateau) vont empêcher l’enjeu – provisoirement – de se réaliser, jusqu’au moment où le héros triomphe, enfin, de tous ces obstacles.
Titanic, qu’on aime le film ou pas, est un excellent exemple de la magie du cinéma, cette incroyable « contrat tacite » qui lie le cinéaste à son spectateur. Car dans Titanic, le spectateur sait 1) que le bateau va couler 2) que Jack va mourir 3) que l’histoire d’amour va se nouer quoiqu’il arrive. Pourtant, il accepte de faire comme s’il ne savait pas, pour jouir tranquillement du spectacle. Il finit par oublier ces événements pour se laisser glisser dans l’intrigue.
C’est que James Cameron a bien fait son travail, en posant clairement les enjeux de ses personnages, en aidant le spectateur à se poser rapidement ses questions, et en y apportant régulièrement des réponses excitantes….
A force d’agiter un peu les mêmes idées sur le cinéma américain, il a paru important au Pr Ludovico -qui, on le sait, dirige une chaire de « cinéma de divertissement comparé » à l’université de Burbank (Californie) – de poser quelques concepts qui fondent, somme toute, l’unité des Cinefasteurs, de Colombes à Houilles en passant par Paris XVIII°.
Qu’est ce qu’un film ? Pourquoi les genres sont-ils importants ? Pourquoi nous bassiner avec ces histoires d’enjeux, de personnages, de chutes desquelles on se contrefout ?
C’est à ces quelques questions que nous souhaitons répondre.
Aujourd’hui : qu’est-ce qu’un film ?
Un film c’est d’abord une forme : comédie, drame, comédie-dramatique, tragi-comédie, etc. Ces formes, héritées du théâtre classique, sont encore pertinentes aujourd’hui, n’en déplaise à une critique jeunetophile, tendance Ridleyscottienne.
Une comédie, ça se finit bien (Retour vers le Futur). Un drame, ça se finit mal (Titanic). Une comédie dramatique est rigolote, mais se finit mal (Les Copains D’abord). Une tragi-comédie se finit bien, même si c’est un peu triste. (Le Cid).
La forme n’est pas une fin en soi, et on peut même dire que le jeu subtil avec la forme est un critère pour juger un film. C’est en effet en jouant avec ses contraintes qu’une œuvre peut devenir grandiose, ou commune. Michel Ange sculptant son David ne fait que s’inscrire dans une tradition éprouvée de la sculpture gréco-latine, qui magnifie le réalisme, et la proportion. Mais en sculptant cette main de David légèrement disproportionné, il joue avec les limites de son art.
Au cinéma, c’est pareil, un film est défini par un genre : western, film d’horreur, péplum, film noir, etc. Là aussi, on distingue les bons des mauvais : Alien est le croisement génial du film d’horreur avec le film de SF. Blade Runner est le fils caché du film noir et de la SF. Alien devient un chef d’œuvre parce qu’il dépasse sa forme initiale, le film d’horreur. Comment ? Par exemple en imposant au spectateur d’incroyables décalages de tempo : quand Ripley cherche le chat dans la soute du vaisseau : le spectateur sait alors que la bête n’est pas loin (un classique du film d’horreur). C’est pourtant à contretemps qu’Alien surgira. A l’opposé, un ratage, c’est souvent l’utilisation éhontée des ficelles du genre (Dans Un Long Dimanche de Fiançailles*, Jeunet tire tellement la ficelle des films antimilitaristes, qu’elle finit par casser : « le méchant sergent », « la Bretagne battue par le vent », « la tranchée pleine de boue » « l’ouvrier anarchiste qui ne voulait pas aller à la guerre », etc. On peut utiliser des stéréotypes, mais on ne peut pas les utiliser tous. Un bon exemple de cela, c’est Full Metal Jacket. On a vu beaucoup de film sur le Vietnam (la jungle, la boue, la pluie), et Kubrick n’hésiate pas à utiliser certains des clichés du film de guerre : « l’officier qui ne sait pas se faire obéir », « la section qui venge la mort du chef », mais c’est pour mieux les détourner. Et Full Metal Jacket est le seul film sur le Vietnam qui se déroule…… en ville)
*titre édité aux bons soins de James Malakansar : j’avais écris « Amélie Poulain » : lapsus révélateur !