lundi 3 mars 2008


Le Pianiste, pourquoi ça marche…
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

En rapport à mes critiques d’hier, et après avoir revu des bouts du Pianiste, une comparaison s’impose. Oui, Le Pianiste est un biopic, ou plutôt une bio, pas epic du tout. C’est basé sur une histoire vraie, celle du pianiste Wladyslaw Szpilman qui a écrit son autobiographie. Mais d’abord, ce pianiste nous est inconnu, ce qui n’est pas le cas de Piaf. Et Polanski nous raconte qu’une petite partie de cette vie, celle de la guerre.

Polanski, très intelligement, enlève tout de suite l’épique de cette histoire, même si celle-ci est connue, archi-connue (il met pourtant les dates : 12 mars 1940, 16 août 1942, 18 janvier 1943, tout cela se rapportant à des moments précis, comme le début de l’insurrection du ghetto de Varsovie). Mais son génie, c’est que le squelette de son histoire n’est pas là. L’histoire, elle ne se déroule que dans le regard perdu d’Adrian Brody.

Contrairement à La Môme, nous n’enchaînons pas Les Grandes Dates du Ghetto, mais on nous propose plutôt de suivre la progression intérieure de Wladyslaw Szpilman : va-t-il s’en tirer ? Que ferions nous à sa place ? Et le pire est à venir, dans la réponse : rien. Nous ne ferions rien. Nous subirions les mêmes humiliations en silence, nous nous cacherions, et puis nous attendrions la mort.

C’est là le chef d’oeuvre de Polanski, que d’avoir su répondre à cette éternelle question sur le génocide : pourquoi les juifs se sont laissés faire ? (Ce qui évite une question plus lancinante : pourquoi avons nous laissé faire?) Comme si les juifs s’étaient volontairement laissés allés à l’abattoir. Ils n’ont rien fait parce qu’il n’y avait rien à faire. Et vous non plus, vous n’auriez rien fait…