mercredi 31 décembre 2008


Mesrine, l’Instinct de Mort
posté par Professor Ludovico dans [ Brèves de bobines -Les films ]

Que dire du premier Mesrine ? Qu’il est très réussi, d’abord. Casting parfait, qui arrive même à faire jouer Cassel et Depardieu correctement, c’est dire ! (Cassel, qui n’est jamais mieux que dans ces rôles de petites frappes à la ramasse (La Haine, Sur Mes Lèvres)).

Reconstitution impec’, également, et pas seulement dans la déco : l’esprit des années 60 est là.

Enfin, on ne s’ennuie pas, (action, love(s) story(ies), etc.) mais rappelons que ce film n’a pas de fin : il se termine dans une sorte de coïtus interruptus feuilletonnant, au cœur d’une forêt canadienne. « Retrouvez la suite des aventures de Jacques Mesrine dans… »

Comme nous sommes Fordiens, à CineFast, nous attendrons donc la fin, dans L’Ennemi Public numéro 1, dès demain…




mercredi 31 décembre 2008


L’Echange
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Aaargh ! Le BOATS a encore frappé ! Based On A True Story, inspiré d’une histoire vraie. C’est pratique, on met ça au début du film, sur un joli fond noir, ça fait son petit effet. Accroche toi, mon ami, car ce que tu vas voir est… (roulements de tambours) : VRAI !! Le spectateur, il s’installe bien au fond du fauteuil, il s’arrête de manger ses chocopops, parce que là, attention, c’est VRAI, c’est du sérieux. Tous nos sens critiques anesthésiés, nous pouvons maintenant regarder l’œuvre.

Alors Angelina Jolie, son fils, il a été enlevé. On lui en ramène un, mais c’est pas lui. La police assure le contraire. Arrivera-t-elle à faire éclater la vérité ?

Pour une fois dans un BOATS, on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de scénario. Dans L’Echange, il y a un scénario, et un bon, grâce à une deuxième intrigue que je ne vous dévoilerais pas ici. Non, le problème, c’est le film lui-même, dirigé par un petit Clint qu’on a connu plus inspiré.

Tout est lourdingue dans L’Echange. Eastwood nous sort la grosse artillerie : la Mère Courage, la Pute au Grand Cœur, le Révérend Seul-Contre-Tous.

Et au cas où le spectateur n’aurait pas compris, les personnages nous font les sous-titres. Par exemple, Angelina Jolie est emmenée de force à l’asile. Puisqu’elle ne veut pas reconnaître son « fils », la police essaie de la faire passer pour folle. Comme on n’a pas bien compris, la Pute au Grand Cœur vient nous l’expliquer. Cette « double explication » revient à plusieurs reprises (scène entre le Maire et le Chef de la Police, ou entre l’héroïne et le Révérend). Où est passée la subtilité de Million Dollar Baby ?

La scène finale de procès – conclusion de tout grand mélo américain qui se respecte – est, à ce titre, exemplaire. C’est le lieu où classiquement tout se dénoue, ou justice est enfin rendue, où les méchants sont punis. Et bien, c’est tellement mou, peu convaincant (on serait presque du côté du Capitaine Jones, formidablement joué par Jeffrey Donovan), qu’Eastwood, plus très sûr de son scénario, fait applaudir la fin de la plaidoirie par le public !

Comme s’il fallait cette « claque », pour que nous aussi, nous applaudissions á la plaidoirie ratée de Maître Clint.




mardi 30 décembre 2008


Kubrick, l’intégrale
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les films -Les gens -Pour en finir avec ... ]

Qui est vraiment Stanley Kubrick ? Y’a-t-il auteur plus mystérieux aujourd’hui ? Adulé par les cinéphiles, films connus du grand public (« Ah bon ? C’est aussi lui qui a fait Barry Lyndon ? »), jamais vraiment détesté mais le plus souvent incompris…

A leur sortie, la presse trouve toujours ses films moyens, puis elle les comprend, et dix ans après, elle les trouve géniaux. Le contraire de Woody Allen, en somme. Quelques exemples : Full Metal Jacket, considéré comme très en dessous de Platoon, réévalué depuis ; Shining, un Kubrick « trop commercial », 2001 « incompréhensible », mais considéré aujourd’hui comme chef d’œuvre du cinéma, Barry Lyndon, « joli » mais « inintéressant »… jetez un coup d’œil à votre programme télé : tous ces films sont désormais encensés.

Côté récompenses, c’est pareil. Pas un Oscar, pas un César, pas une Palme des Alpes-Maritimes !

Mais qu’a fait SK pour mériter un tel traitement ? Que lui reproche-t-on, au juste ? Sa carrière, peut être… parce que finalement, c’est sa plus grande œuvre : tous ses films ont été des succès financiers, qui peut en dire autant ? Pas un film n’est sorti hors délais ou hors budget (quoi de plus important, selon les critères hollywoodiens ?)

Osons le dire : si Kubrick est nul, c’est dans le people. Sa vie n’est pas intéressante : deux femmes seulement, pas de cul à la Polanski, pas de destin tragique à la Kazan, pas de corps à corps titanesques contre les studios à la Orson Welles.

Kubrick a souvent dit que les histoires qu’on racontait sur lui (peur des voitures, « réclusion » en Angleterre, répétitions interminables) étaient une façon pour la presse de combler le vide. Un vide créé par sa propre volonté de ne pas communiquer avec la presse. Rappelons qu’il ne s’agissait pas là d’une coquetterie Garboesque, mais bien d’une volonté artistique « Un film se vit en salle, entre le spectateur et l’œuvre : l’expliquer ne sert à rien ; pire cela le dessert. »

Non, Kubrick n’est qu’un artisan, maniaque et travailleur, à l’abri dans son atelier au fin fond de la campagne anglaise, peaufinant ad vitam æternam ses films. Mais aussi, s’assurant, une fois sortis, de leur diffusion en salles, et à la télévision.

La réhabilitation du Grand Homme sera donc la grande cause CineFastienne de 2009. Puisqu’on ne peut parler de lui, nous ne parlerons que de l’œuvre, film par film.

Autant commencer par le plus dur : le dernier. Les 10 ans de latence kubrickienne sont passés, le film peut désormais être abordé sans complexe et sans passion. Car Eyes Wide Shut traîne les habituels boulets kubrickiens : incompris à sa sortie (en 1999), malgré un buzz assourdissant (les Cruise-Kidman « emprisonnés » à Shepperton, les scènes de partouze, la mort de Kubrick et les questionnements légitimes sur la définitivité du montage), Eyes Wide Shut reste encore un mystère.

C’est à ce mystère que nous allons nous attaquer.

Toutes les chroniques :

Eyes Wide Shut
Full Metal Jacket 
Shining
Barry Lyndon (à venir)
Orange Mécanique 
2001, L’Odyssée de l’Espace
Dr Folamour
Lolita (à venir)
Spartacus (à venir)
Les Sentiers de la Gloire
L’Ultime Razzia 
Le Baiser du Tueur 
Peur et Désir




dimanche 28 décembre 2008


I Feel Good
posté par Professor Ludovico dans [ Brèves de bobines -Les films ]

Le meilleur film de cette fin d’année est un documentaire, et il s’appelle I Feel Good. On peut y préférer le titre original, Young at Heart, tiré du nom de la chorale dont il est l’objet.

Jeune de coeur, quoi de plus plus approprié en effet, pour cette chorale de retraités (moyenne d’âge : 80 ans !) Étrange chorale en vérité, dont le répertoire n’est pas composé du répertoire de My Fair Lady ou de Dean Martin, mais plutôt d’hymnes punk (Ramones, Clash, Sonic Youth), et autres James Brown, Bowie et Coldplay !

La premiere réussite de Young at Heart – la chorale – et Young at Heart – le film -, c’est ce contraste entre jeunes chansons et vieilles gens. C’est évidemment l’astuce marketing qui fait affluer le public en masse aux concerts de Young at Heart (tournées aux USA et en Europe, quand même !) Mais une fois esquissé le premier sourire narquois, on comprend le génie de l’entreprise : ces chansons, ils ne veulent pas les chanter, les vieux ! Ils doivent se forcer, faire un effort, s’accrocher. Et puis, par un effet de perspective saisissant, ces chansons deviennent l’évidence même, le contrepoint absolu de ce que vivent ces vieillards, détruits par l’âge, la tristesse, la maladie. Et l’émotion surgit, les larmes coulent dans la salle quand, au coin d’une chanson connue, les paroles prennent subitement un autre sens: « Should I stay or should I go? » « I wanna be sedated » « We’re on the road to nowhere »…

Mais la vraie réussite de ce projet, c’est surtout dans le regard qu’il pose sur ces octogénaires, un regard sans pitié mal placée, un regard sans fard, et sans condescendance. On regarde des êtres humains.

Courrez voir Young at Heart, et, comme le dit une spectatrice, ne vous plaignez plus jamais d’être trop vieux, ou trop fatigué… pour aller au cinéma.




dimanche 28 décembre 2008


Dennis Hopper et le Nouvel Hollywood
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens ]

Une mauvaise lecture du programme m’ayant fait raté la projection de Mesrine, je me suis rendu à la Cinémathèque non loin de là, pour y voir l’expo sur Dennis Hopper. Tout le monde connaît l’acteur culte, qui joue les cinglés depuis son étourdissant monologue d’Apocalypse Now. Depuis, on le caste dans tous les rôles de tarés apocalyptiques (Speed, 24, Blue Velvet).

Mais Dennis Hopper est plus que ça : un cinéaste maudit par son gigantesque premier succès, Easy Rider, qui révolutionna l’Hollywood des années soixante. « Après l’avoir vu, explique Peter Biskind dans la référence Easy Riders Raging Bulls (Le Nouvel Hollywood), les cadres de l’Usine à Rêves n’avaient rien compris, mais ils voulaient tous faire leur Easy Rider… »

La tête gonflée par le succès (et quelques amphétamines), Dennis Hopper le réalisateur ne se releva jamais du succès d’Easy Rider : malgré des succès d’estime (The Last Movie), et un succès public (Colors), il dut laisser la place au Grand Méchant Acteur.

Mais l’exposition prouve que Dennis Hopper est bien plus que ça : comédien des 50’s (notamment avec James Dean), jeune collectionneur d’art aux goûts très sûrs (Rauschenberg, Basquiat), mais aussi peintre lui-même, photographe, mécène.

Cette expo vaut donc le déplacement, d’autant que vous pouvez la coupler à la collection (petite mais prestigieuse) de la Cinémathèque, et à l’expo Méliès, autre victime de La-Grande-Malédiction-du-Cinéma.

Tandis que d’autres filmaient les trains arrivant en Gare de La Ciotat ou de sombres histoires d’arroseur arrosé, Georges Méliès faisait son Spielberg, adaptait Jules Verne, filmait l’Enfer et l’Antarctique, peignait les premiers films en couleur, bref, inventait le cinéma… Et comme il y a une justice et que les méchants sont toujours punis, Georges Méliès a fini sa vie en tenant un stand de jouets à la Gare Montparnasse.

Dennis Hopper à la Cinémathèque,
51 rue de Bercy, 75012 Paris
Jusqu’au 19 janvier

Georges Méliès
Jusqu’au 30 juin 2009




dimanche 21 décembre 2008


Burn After Reading
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Ils sont forts, les Coen. Moi, j’avais pas très envie d’y aller, à Burn After Reading. Un sentiment de déjà vu, de répétition, qui forcément, au bout de 20 ans, touche les meilleurs (Tim Burton, etc.) Encore un Fargo ? Un nouveau O’Brother ?

Bref, je me suis laissé entraîné, et Burn After Reading est une merveille de comédie. Car même si les Coen se répètent (n’ont-ils pas conceptualisé eux-mêmes cette Trilogie des Idiots (O’ Brother, Intolérable Cruauté, Burn After Reading)?), ils savent à chaque fois se plonger à fond dans un nouvel univers.

Ici – et ce n’est pas innocent – c’est d’espionnage dont il s’agit. D’espionnage de nos jours dans l’Amérique paranoïaque que nous lègue George W. Bush. Et ça commence, comme toujours très réaliste chez les Coen, dans les bureaux de la CIA à Langley, après une plongée googleearthienne et musique angoissante ad hoc : on est bien dans un film d’espionnage. Respectant l’adage qui veut que l’on fasse sérieusement les choses drôles, les Coen ne font pas les choses à moitié.

Mais c’est là que le Bal des Cons – spécialité coenienne -commence : Gros Con (Clooney), Petit Con (Pitt), Sale Con (Malkovitch), Pauvre Conne (McDornand). Devant cet étalage de la misère humaine, on est a) forcé de s’y reconnaître un peu b) forcé de compatir un peu, et c) assuré de rire beaucoup.

C’est la force comique des Coen, de rire de tout, cruellement (du Ku Klux Klan aux suicides de 1929), sans jamais lâcher le spectateur dans le marais de la méchanceté gratuite. C’est ce qui fait toute la différence, par exemple, entre Sex and The City, serie cruelle mais généreuse, et Desperate Housewives, série cruelle et sèche.

Mais pour revenir à Burn After Reading, où est le pitch ? À vrai dire, le révéler vous gâcherait le plaisir des multiples surprises cachées tout au long du film. Sachez simplement qu’il s’agit de zozos qui débutent dans le chantage, et que ça ne leur réussit pas. Entre temps, les Coen auront évoqué la chirurgie esthétique, les fantasmes sexuels de Georges Clooney, les hotlines énervantes, et esquissé une critique des failles du système de contre-espionnage américain.

Si après tout ça, vous n’allez pas voir Burn After Reading, autant fermer ce site.




samedi 20 décembre 2008


La Bande à Baader
posté par Professor Ludovico dans [ Brèves de bobines -Les films ]

Un petit malin que ce Bernd Eichinger. Non content de réussir dans le business (de Moi, Christiane F. à Resident Evil et Les 4 Fantastiques), il a décidé de s’attaquer aux grands mythes allemands, et prétend apporter enfin un éclairage nouveau, dépassionné, sur ces sujets tabous. Après l’ambitieux La Chute (les nazis sont au départ des gens comme les autres), qui ratait sa cible par excès de naïveté et d’amoralité, même constat d’échec pour La Bande à Baader.

Échec paisible pourrait-on dire, car les deux possèdent les mêmes qualités et les mêmes défauts. Ils sont plaisants à voir, mais on ressort avec un sentiment de vide philosophique à la fin. Ici, c’est toujours le problème du biopic : où est le point de vue ? On commence par Ulrike Meinhof, l’intello du groupe, qui peine à s’intégrer. Il y avait quelque chose à faire, là. Ou ailleurs, avec les jeunes qui reprennent le flambeau après l’arrestation des leaders, et qui semblent combattre pour des raisons très floues.

Mais non, le film s’enlise dans les reconstitutions des « Grandes Heures de la RAF » : l’attentat contre Bild, l’enlèvement de Hans-Martin Schleyer, la prise d’otages à Stockholm. Même si c’est très bien joué, même si c’est pédagogique et intéressant, même s’il faut le voir pour son éducation personnelle, c’est au final un peu vide.

N.B. Option renforcée peut-être par les conditions de projections : dans un MK2 Parnasse au trois-quart vide, il a fallu supporter un détestable trio de quinquagénaires : assis devant nous, ils nous ont suggéré de nous pousser s’ils dérangeaient (sic), et ont parlé pendant tout le film. Ils n’ont pas de télé ? (Mon irrésolution à leur dire en face faisant évidemment partie de la frustration)




samedi 20 décembre 2008


Lost, le véritable making of.
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Séries TV ]

Les making of sont chiants. La plupart du temps, on n’apprend rien, si ce n’est que Machin a « adoré » travailler avec Truc.

Pourtant, ce qui se passe derrière le rideau est souvent passionnant. Prenez Lost, par exemple. On croit souvent (moi le premier !) que cette idée sort du cerveau – génial mais torturé – de JJ Abrams. En fait, pas du tout… Vous voulez la véritable histoire ? La voici.

En 2002, ABC, l’un des 4 grands networks américains, est au plus mal. NBC se maintient en pole position, Fox, boostée par American Idol (la Nouvelle Star US) devient un concurrent sérieux, et CBS, revenu d’entre les limbes, pète le feu avec Survivor (Koh Lanta).

Mais surtout, ABC est dans une mauvaise passe managériale : tout se décide au-dessus, chez Disney, entre les mains viriles de Michael Eisner. Lloyd Braun, le Président de ABC Entertainment est sur la sellette. Ne risquant plus grand-chose, il part faire un break à Hawaï en famille. A l’hôtel, on passe Seul au Monde, avec Tom Hanks. Braun caresse alors l’idée suivante : une série, à mi-chemin entre le film de Zemeckis et Survivor, mais réaliste. Il a même un titre : Lost.

Tétanisé par Disney, il n’ose le proposer, mais quelques mois plus tard, ABC, complètement à la ramasse, organise une « retraite » de cadres pour trouver de nouvelles idées. (Rappelons que cette tâche est normalement dévolue à la direction des programmes). Braun y pitche son sujet, avec un petit succès. L’idée est confiée à un scénariste, Jeffrey Lieber, qui le rebaptise The Circle. Et en plus, le scénario est très mauvais.

Braun se rappelle alors qu’il a un wonderboy sous son aile : JJ Abrams. Le petit coquin a signé un accord d’exclusivité de 4 ans avec Disney, pour la modique somme de 20M$… Mais JJ n’a rien écrit en quatre ans ! « Moralement ce n’est pas très juste, lui fait remarquer Lloyd Braun (ce qui n’est pas exagéré, NDLR). Il serait temps de payer tes dettes. Vois ce que tu peux faire avec ça. »

En plus, JJ Abrams n’a pas bonne presse, Alias est un succès critique, mais pas le carton prévu. Disney a demandé sa tête à plusieurs reprises. Pourtant Braun lui fait confiance, et JJ revient au bout d’une semaine avec une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est qu’il a trouvé ça bien, et qu’il a quelques idées. La mauvaise, c’est qu’il a trouvé ça bien, et qu’il a quelques idées ! Et quelles idées : « Votre histoire est nulle, leur dit tout de go Abrams. Le vrai personnage, c’est l’Ile ! Il faut que tout tourne autour d’elle. Et il faut tuer Jack dès le premier épisode. On se concentrera plutôt sur ce qui s’est passé avant, dans la vie des personnages. »

C’est cette idée, évidemment, qui séduit ABC : avec ça, on tient une série, on peut facilement multiplier les épisodes. Très vite, et contre toutes les règles hollywoodiennes en cours, Lloyd Braun décide la fabrication d’un pilote : le scénario n’est pas écrit, à peine possède-t-on un synopsis deux fois trop long, mais le casting a débuté et le tournage commence. Une fois lancé, JJ Abrams fait joujou. Il commande une véritable carcasse d’avion, rajoute des personnages à chaque réunion… le budget et la durée du pilote explosent : 2 heures, 12 M$.

Et comme prévu, Lloyd Braun est viré.

Braun a déjà pris tous les risques pour mettre son bébé sur les rails, mais il franchit une nouvelle ligne jaune : il propose Lost aux chaînes concurrentes (NBC, CBS), et même à la Warner ! Il fait déposer, de nuit, des cassettes vidéos du pilote dans des boîtes aux lettres de ces décideurs ! Car Braun est alors convaincu que son enfant chéri – trop long, trop cher, trop feuilletonant – ne passera pas l’hiver.

On s’interroge en effet chez Disney sur le sort à réserver à Lost : série à part entière ou, pour sauver les meubles, mini-série de prestige sur 6 épisodes ? Mais aux Etats-Unis, les films et les séries sont toujours sévèrement testés par les services marketing, et Lost est testé lui aussi. Divine surprise, c’est plutôt bon, comme Desperate Housewives. ABC n’a plus le choix : avec seulement ces deux cartes en mains, et le surcoût délirant de Lost, la chaîne décide de tout miser sur ces deux séries dans sa campagne marketing de rentrée. Des sacs d’aspirateurs Desperate Housewives sont distribués en supermarché, et de véritables bouteilles à la mer Lost sont jetés sur la côte atlantique.

Vient l’heure du jugement, le 22 septembre 2004, à 20h, créneau inédit pour ce genre de série (drama) : Lost est un énorme succès, le meilleur score d’ABC pour une série depuis 4 ans (Desperate Housewives fera encore mieux dix jours plus tard).

Le premier réflexe de JJ Abrams est d’appeler Lloyd Braun ; ils sont tous deux au bord des larmes… Quelques semaines plus tard, Braun recevra un grand paquet à la maison : dans un cadre, un poster dédicacé par Abrams, Lindelof et Burk (producteur) : la carcasse de l’Oceanic 815, seul souvenir, désormais, de l’épopée Lostienne de Braun…

Le seul ? Pas vraiment. Toutes les semaines, Lost paie son tribut à son géniteur. Un tout petit tribut, en fait. Au début de chaque épisode, une voix off ânonne la phrase qui, chaque semaine, lance toutes les séries du monde : « Previously on Lost… » Cette voix, personne ne la connaît. Elle n’est pas très virile, ni très basse comme il convient. Abrams et sa bande avouent eux-mêmes ne pas savoir qui s’est occupé du casting voix. Pourtant, des cadres d’ABC jurent avoir déjà entendu cette voix quelque part… Pour cette voix, la production a choisi un acteur débutant, un parfait inconnu : un certain… Lloyd Braun.

Son nom n’est pas au générique (celui de Jeffrey Lieber l’est), mais, pour toujours, la trace de Braun est gravée dans le granit de l’Ile.

NB : cet article n’est pas le fruit d’une longue enquête, mais de la lecture – passionnante – du livre de Bill Carter, Desperate Networks, une chronique des télés américaines ces dix dernières années; l’arrivée des grandes séries, et la révolution de la télé réalité.

Bill Carter, Desperate Networks
Broadway Books




jeudi 18 décembre 2008


Mad Men, saison 1
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Mad Men se termine, et on ne sait toujours pas pourquoi c’est bien. Intrigue minimaliste, rebondissements escargots : on est loin des standards actuels survitaminés à la Lost, 24, ou West Wing.

Mais si le charme était là, dans cette douceur de vivre, « familiale » pourrait-on dire, qui fait le charme des Sopranos (d’où vient Matthew Weiner) ? L’intrigue ne progresse pas, mais les personnages, si ! Et on se met à guetter, comme dans un Georges de La Tour, un froncement de sourcil, la position d’une main tenant une cigarette, une larme qui coule…

Mad Men nous offre du temps.




dimanche 7 décembre 2008


Alias
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Séries TV ]

C’est pas pour moi, Alias. Je voulais voir ce que JJ Abrams, créateur de Lost, futur réalisateur de Star Trek, avait dans le ventre. Mais Alias (en tout cas le pilote) est trop popcorn pour moi. Karaté, filles au cheveux rouges type 5ème élément, conspirationnisme, le tout dans des décors peu crédibles (usine abandonnée, palais coréen avec chambre de torture au sous-sol, tout ca est très James Bond Old school.

« Hot chick kicks ass« , un petit canon pour botter les méchants, telle est la promesse d’Alias.

Promesse tenue.