Le meilleur film de cette fin d’année est un documentaire, et il s’appelle I Feel Good. On peut y préférer le titre original, Young at Heart, tiré du nom de la chorale dont il est l’objet.
Jeune de coeur, quoi de plus plus approprié en effet, pour cette chorale de retraités (moyenne d’âge : 80 ans !) Étrange chorale en vérité, dont le répertoire n’est pas composé du répertoire de My Fair Lady ou de Dean Martin, mais plutôt d’hymnes punk (Ramones, Clash, Sonic Youth), et autres James Brown, Bowie et Coldplay !
La premiere réussite de Young at Heart – la chorale – et Young at Heart – le film -, c’est ce contraste entre jeunes chansons et vieilles gens. C’est évidemment l’astuce marketing qui fait affluer le public en masse aux concerts de Young at Heart (tournées aux USA et en Europe, quand même !) Mais une fois esquissé le premier sourire narquois, on comprend le génie de l’entreprise : ces chansons, ils ne veulent pas les chanter, les vieux ! Ils doivent se forcer, faire un effort, s’accrocher. Et puis, par un effet de perspective saisissant, ces chansons deviennent l’évidence même, le contrepoint absolu de ce que vivent ces vieillards, détruits par l’âge, la tristesse, la maladie. Et l’émotion surgit, les larmes coulent dans la salle quand, au coin d’une chanson connue, les paroles prennent subitement un autre sens: « Should I stay or should I go? » « I wanna be sedated » « We’re on the road to nowhere »…
Mais la vraie réussite de ce projet, c’est surtout dans le regard qu’il pose sur ces octogénaires, un regard sans pitié mal placée, un regard sans fard, et sans condescendance. On regarde des êtres humains.
Courrez voir Young at Heart, et, comme le dit une spectatrice, ne vous plaignez plus jamais d’être trop vieux, ou trop fatigué… pour aller au cinéma.
Une mauvaise lecture du programme m’ayant fait raté la projection de Mesrine, je me suis rendu à la Cinémathèque non loin de là, pour y voir l’expo sur Dennis Hopper. Tout le monde connaît l’acteur culte, qui joue les cinglés depuis son étourdissant monologue d’Apocalypse Now. Depuis, on le caste dans tous les rôles de tarés apocalyptiques (Speed, 24, Blue Velvet).
Mais Dennis Hopper est plus que ça : un cinéaste maudit par son gigantesque premier succès, Easy Rider, qui révolutionna l’Hollywood des années soixante. « Après l’avoir vu, explique Peter Biskind dans la référence Easy Riders Raging Bulls (Le Nouvel Hollywood), les cadres de l’Usine à Rêves n’avaient rien compris, mais ils voulaient tous faire leur Easy Rider… »
La tête gonflée par le succès (et quelques amphétamines), Dennis Hopper le réalisateur ne se releva jamais du succès d’Easy Rider : malgré des succès d’estime (The Last Movie), et un succès public (Colors), il dut laisser la place au Grand Méchant Acteur.
Mais l’exposition prouve que Dennis Hopper est bien plus que ça : comédien des 50’s (notamment avec James Dean), jeune collectionneur d’art aux goûts très sûrs (Rauschenberg, Basquiat), mais aussi peintre lui-même, photographe, mécène.
Cette expo vaut donc le déplacement, d’autant que vous pouvez la coupler à la collection (petite mais prestigieuse) de la Cinémathèque, et à l’expo Méliès, autre victime de La-Grande-Malédiction-du-Cinéma.
Tandis que d’autres filmaient les trains arrivant en Gare de La Ciotat ou de sombres histoires d’arroseur arrosé, Georges Méliès faisait son Spielberg, adaptait Jules Verne, filmait l’Enfer et l’Antarctique, peignait les premiers films en couleur, bref, inventait le cinéma… Et comme il y a une justice et que les méchants sont toujours punis, Georges Méliès a fini sa vie en tenant un stand de jouets à la Gare Montparnasse.
Dennis Hopper à la Cinémathèque,
51 rue de Bercy, 75012 Paris
Jusqu’au 19 janvier
Georges Méliès
Jusqu’au 30 juin 2009