Il y a un truc qui cloche dans The Reader, et c’est difficile de dire quoi. On pourrait arguer qu’on n’est pas attiré par les personnages, mais c’est fait exprès. Derrière cette contrôleuse de bus sexy (Kate Winslet) se cache une ancienne gardienne d’Auschwitz, ça calme. Et le jeune berlinois, qui découvre ses premiers émois sexuels avec elle, découvrira aussi la Shoah, dix ans plus tard, lors de son procès, ça calme aussi.
Les comédiens sont excellents (Winslet, Fiennes, le jeune David Kross, et la montagne Bruno Ganz), mais bon ça ne décolle pas. Le message est là, très fort : c’est un film intelligent, qui donne à réfléchir, et propose un point de vue, un angle intéressant sur le sujet…
Mais pour ma part, j’ai trouve le film imbu de lui-même, le mélo à oscar dont les frères Weinstein se sont fait une spécialité, surligné au stabilo rose par l’énervante petite musique de chambre de Monsieur Nico Muhly. Madame la Professore, elle, a été scotchée par tout exactement le contraire, la retenue et l’extraordinaire sobriété du film.
A vous de voir…
Après Borat, Sacha Baron Cohen et confirme tout le bien -et tout le mal – qu’on pensait de lui.
Le bien, c’est que le cinéma proposé ici est révolutionnaire, mélangeant intrigue web (pré-scandale à la Fashion Week de Milan repris par les médias du monde entier, lancement via des annonces sur Twitter), télé-réalité et fiction. Mais c’était déjà le problème de Borat, c’est encore plus le problème de Brüno : impossible de démêler le vrai du faux.
Autant le procédé était vrai (et donc fort) dans l’Ali G. Show qui lança le caméléon sur Channel 4, autant aujourd’hui, l’interrogation est de mise. Que reste-t-il de vrai dans Brüno ?
Quand Brüno atterrit chez les échangistes hétéros, c’est plausible. Quand Borat prend des cours de maintien chez les bourges du Kentucky, pourquoi pas ? Mais Brüno roulant des pelles dans un match d’Ultimate Fighting au cœur de l’Oklahoma (en hommage au Wrestling Game d’Andy Kaufman, autre imposteur déjanté ?), ça commence à sonner faux. Comment la production a-t-elle réussi à convaincre les organisateurs de laisser Cohen présenter ?
Le problème, c’est que dès que le doute s’instaure, il mine le film. Et si rien n’était vrai ? Peu importe le message (les USA, pays effrayant de Politiquement Correct et de haine de l’autre), tout d’un coup, ça ne marche plus.
Comme si ce passage de la subversion (la télé européenne), au média global (le cinéma US) avait corrompu l’intégrité Cohenienne. Beaucoup d’argent, donc moins de créativité : l’éternelle malédiction de l’art !
Il ne reste aujourd’hui que des rires gras dans la salle, quand Brüno fait tourner sa bite, ou se bat avec des sextoys. Symptomatique du passage aux standards américains : l’obsession scato. Le rebelle est devenu un membre respecté de l’industrie.
On sait le peu d’estime en laquelle est tenu le new-yorkais ici, mais en fait c’est surtout son œuvre – très inégale – et le culte idiot qu’il suscite en France qui énerve. Cela n’empêche pas d’aller en voir quelques-uns, et certains sont bons, comme Whatever Works.
Premier atout dans la manche : Larry David. Allen s’est enfin trouvé un alter ego, qui peut dire son texte à sa place, et qui est infiniment plus crédible. New-yorkais comme lui, irascible comme lui, il a dix ans de moins, et peut donc encore séduire une jeunette en toute impunité… il ressemble aux seniors d’aujourd’hui, en short toute la journée, fan de jazz et de base-ball.
Larry David n’a pas à se forcer, il a écrit pendant des années les méchants scénarios de Seinfeld, et a déjà prouvé ses talents de misanthrope dans l’excellent vraie-fausse sitcom sur lui-même, Curb your Enthusisam (Larry Dans Tous Ses Etats).
Pour David, Whatever Works, c’est seulement des heures sup’ : professeur de physique, spécialiste de la Théorie des Cordes (« presque nominé pour le Nobel »), divorcé d’une femme belle et intelligente, hypocondriaque et spécialiste de la détestation de l’humanité, Boris Yellnikoff a tout pour plaire.* Quand il rencontre une jeune SDF, Marie Anne Celestine (Rachel Evan Wood), paumée à NY depuis qu’elle a fui sa famille de bigots du Sud profond, évidemment c’est loin d’être le coup de foudre immédiat.
Et c’est là le deuxième atout de Whatever Works : sa méchanceté profonde, sa misanthropie avouée, son manque total de political correctness. Les juifs, les noirs, les jeunes, les femmes, les pédés, tout le monde y passe. Oui tout le monde subit la méchanceté Yellnikoff, aka Woody Allen.
En face, l’innocence pure, la naïveté, mais aussi l’optimisme de la jeunesse de Marie Anne Celestine feront un utile contrepoids…
Après une heure trente de théâtre de boulevard – car c’est de cela qu’il s’agit, avec arrivées impromptues, manigances maternelles et ménage à trois -, tout ce petit monde sera réuni pour le Nouvel An, comme dans tout bon feelgood movie, contrairement aux prédictions Yelnikoviennes…
Ce n’est pas très bien joué, pas très bien filmé, mais c’est aussi rafraîchissant qu’un coca, après deux heures de marche exténuantes dans l’East Side…