mardi 24 novembre 2009


Le ralenti, le Parcours du Héros, deux techniques narratives au service du football
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Dans la grande distraction de masse qu’est le football, le cinéma, son concurrent, a apporté un soutien inattendu : le ralenti. Cette figure de style, qui ne s’est vraiment imposé au cinéma que dans les années soixante, est vite devenue indispensable aux retransmissions sportives.

Nous l’avons déjà dit : les figures de style ont une raison d’être et, partant, une signification. Un zoom focalise l’attention, un travelling arrière fait l’inverse. Un ralenti intensifie la beauté du geste, et dramatise une scène.

Ces raisons esthétiques ont magnifié le sport, mais, on le sait depuis Leni Riefenstahl, les images sont dangereuses*.

La semaine dernière, le cinéma a rendu un bien mauvais service à Thierry Henry. Si, comme par le passé, nous n’avions pas de ralenti, le doute aurait subsisté. Pourtant, dans le stade, tout le monde a vu cette main. Mais cela reste un souvenir fugace, incertain, qui se sera transmis par une tradition orale, par définition peu fiable.

Avec le cinéma – TF1 en l’occurrence -, la double Main de Dieu au ralenti est gravée pour toujours en Haute Définition. Une des pages de la grande Geste du Sport, et celle, en particulier du capitaine de l’équipe de France.

Car Henry est un héros médiéval : le Jeune Prince, le dernier Chevalier de la Table Ronde 98, devenu le capitaine d’une équipe désespérée de l’ère de Domenech le Félon, qui peine à triompher des « Géants » roumains et irlandais.

Dans le Parcours du Héros (une méthode d’analyse des contes et des épopées) il y a 12 épreuves. Celle de Thierry Henry s’appelle la Route des Epreuves, celle où le Héros rencontre ses premières épreuves, et se fait ses premiers ennemis. Gendre idéal, érudit du foot, bon copain, père modèle, bon capitaine, Henry et sa main tricheuse connaît sa première épreuve…

Qu’est-ce donc, si ce n’est un sacrifice ? Se sacrifier soi-même pour qualifier l’équipe de France, au bord du gouffre.

Désormais, tel Siegfried, une tache salit le blason étincelant du chevalier.

De héros, Thierry Henry est devenu humain.

* pour éviter les débordements, les ralentis ne sont jamais diffusés dans les stades.