Les frères Coen sont de grands cinéastes, et des artistes aussi. Ce qui veut dire qu’ils sont ambitieux, tentent beaucoup et échouent, parfois.
Pas le cas ici d’A Serious Man, même s’il faut attendre la dernière minute pour en avoir la confirmation. Car pendant tout le film, comme très souvent chez les frangins, on navigue entre deux eaux : on rit, sans être bien sûr de voir où l’on veut nous emmener.
Ainsi cette ouverture folklorique au shtetl ukrainien, qu’on sera bien en peine plus tard de relier au reste de l’histoire, trois cent ans plus tard, au fin fond du midwest.
Car pour la première fois, les frères parlent d’eux mêmes : leur jeunesse dans les années 70, dans la suburbia de Minneapolis. Une enfance juive, avec des goys menaçants comme voisins, une mère qui veut divorcer religieusement, un père qui n’en peut mais, une voisine chaudasse, un oncle envahissant, et une sœur au bord de l’hystérie. Seule source d’évasion : le transistor qui transmet à travers l’éther la voix sexuelle de Grace Slick : « Don’t you need somebody to love? » Sûrement.
Sur cette base finalement assez classique, les Coen font merveille : personnages sculptés avec minutie sur des acteurs qui se régalent, sens inouï du rythme, du contre-temps, montée en puissance graduelle… tout cela au service de l’explosion finale, dans les limbes d’une non-fin – spécialité coenienne s’il en est – mais ici réussie.
Ce ne sera peut être pas le film le plus drôle de l’année, mais, en CineFasterie, c’est ce qu’on appelle un film sérieux.