Malédiction du rock ! Décidément, ces deux là ne font pas bon ménage ; le cinéma n’arrive pas à apprivoiser la bête sauvage qu’est la musique jeune.
Des le début, dès La Blonde et Moi, donc, (le film censé moquer les déhanchements ridicules des teenagers), Hollywood se ridiculisa en obtenant l’inverse du résultat escompté : The Girl Can’t Help It ne fit que propulser à hauteur stratosphérique Little Richard, Buddy Holly et Chuck Berry.
Depuis, c’est La Grande Incompréhension entre rock et cinéma. Biopics gnangnan (The Doors) hagiographies (Walk the Line), mélos naïfs (Crazy Heart)… seuls surnagent quelques chefs d’œuvres rarissimes : Control, la perle noire sur Joy Division, Velvet Goldmine (la déclaration d’amour/haine de Todd Haynes pour Bowie et quelques scènes du Dylan du même Todd Haynes, I’m Not There). On peut aussi garder The Wall et La Grande Escroquerie du Rock’n’Roll, mais ce sont des films de Pink Floyd ou des Sex Pistols, pas des films sur eux.
La raison de cet échec pérenne est industrielle : un film, c’est beaucoup d’argent, beaucoup de talents qu’il faut faire travailler ensemble, donc beaucoup de compromis. Il faut composer avec le groupe, si l’on veut avoir le droit d’utiliser les chansons*. Même si les réalisateurs peuvent être de jeunes rebelles déchaînés (Coppola, les frères Wachowski), ils seront toujours encadrés par des types en cravate et attaché-case (Jack Warner, Joel Silver). Si le rock fait aussi œuvrer le même genre de voyous (Oasis, Rolling Stones, Sex Pistols, Led Zeppelin, Prince, you name it…), leurs managers sont aussi des voyous (Alan McGhee, Peter Grant, Malcolm McLaren, Andrew Loog Oldham…)
Ce compagnonnage en voyouseté aurait pu être le sujet de The Runaways, l’histoire d’un manager décadent (Kim Fowley) qui monte le premier vrai groupe rock de filles. Mais la clippeuse Floria Sigismondi est tellement empâté dans son sujet, tellement conventionnelle derrière les images pseudo-indé de son premier film, qu’elle coule le bateau avec les filles à bord (Kristen Stewart (Twilight) et Dakota Fanning (Twilight, La Guerre des Mondes), pourtant très bien)
Un exemple, au hasard : pour filmer la scène du baiser, Sigismondi prend I Wanna Be Your Dog des Stooges, et – idée géniale ! – décide de l’illustrer mot à mot.
« So messed up I want you here »
Plans sur les yeux fermés : signe de grande confusion (la drooogue !)
« In my room I want you here »
Plan sur le plafond de la chambre
« Now we’re gonna be face to face »
On se rapproche, « face à face », et on… s’embraaaassse !
Même un étudiant à la FEMIS première année n’aurait pas osé.
Allez, c’est pas grave, ça m’a au moins donné envie d’écouter The Runaways…
* C’est aussi produit par Joan Jett (guitariste des Runaways), qui forcément se donne le beau rôle…