vendredi 8 juillet 2011
Transformers 3
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Assez ri.
Après la phase « Cinéma Iranien », revenons au fondamentaux : Transformers 3. Hélicos, explosions, baffes dans la gueule. En 3D*.
Après avoir dit tant de bien du premier, difficile de désavouer les suites, pourtant un peu lourdes sur l’estomac. Le Whopper c’est bien, le double Whopper c’est trop.
Et dans Transformers 3, il y a cette couche de graisse en trop, vingt bonnes minutes de baston, de répliques pas forcément cultes : « Les decepticons sont derrière le pont ! Feu à volonté !!! », etc., etc., On aurait pu, comme Pirates des Caraïbes 2, 3, 4, mettre les Transformers 2&3 à la diète.
Mais bon : pour toujours, Transformers restera un film-jouet ; il faut l’accepter. On avait parlé de bac à sable la dernière fois, et c’est toujours d’actualité : c’est comme si on avait les robots dans la main, et de l’autre, on empoignait un vieux Goldorak en plastoque, en hurlant les dialogues : « Ecoute moi Megatron, tu vas diiiiire à tes copaaaaains… » Il faut noter à ce sujet que dans la salle, les gens applaudissaient, riaient, hurlaient comme des enfants… Sept ans et demi, pour toujours…
Et comme Transformers 3 est un peu long, un peu basique, ça laisse le temps de réfléchir au sous-texte (toujours intéressant, lui !) et de préparer sa petite chronique CineFast.
De quoi ca parle, Transformers 3 ? Ben, de l’Afghanistan, pardi, et de la fin de la War on Terror ! Les héros sont fatigués, et l’Amérique, pas reconnaissante : Sam Witwicky est au chômage, et Obama lui a juste filé une médaille. « On s’en fout, nous on est républicains ! » comme le dit un des personnages et comme le pense, probablement, Michael Bay.
La guerre est finie, et les américains renient même leurs valeureux alliés, Bumblebee et consorts. Comme d’habitude chez les cinéastes républicains (Bay, Bruckheimer), c’est l’Etat qui a foutu la merde (voir Armageddon (là, là et là), je ne vais pas redévelopper ici). Donc, plus de navettes spatiales, opérations de cover-up sur la Lune, et tout le fric parti en fumée. Pire, on a confié la lutte contre l’Empire du Mal à une femme (Frances McDormand), une vierge noire psychorigide qui n’écoute pas ceux qui savent, les vrais héros…
Mais à cette petite musique vient s’en rajouter une nouvelle, pour le moins étonnante : la critique de l’entreprise, du business. Car qui a ruiné le programme spatial : des comptables ! En truquant les chiffres, ces salauds ont fait croire que le programme spatial était trop onéreux ! Et l’Etat , lâche comme toujours, a renoncé…
Autre piste, la culture d’entreprise : celle-ci se voit ridiculisé via les entretiens d’embauche délirants de Sam et particulièrement celui avec John Malkovich, caricature de l’entrepreneur imbu de sa personne, imposant dress code et couleur fétiche (IBM ? Apple ? les PCs du films sont des Lenovo, donc des IBM chinois). Acmé de tout ceci : une baston hallucinante dans des bureaux, où tout vole en éclats : ordinateurs, bureaux, cubicles… des papiers voletant dans le ciel de Chicago, la capitale du Midwest, pourtant cher à la Mythologie Bayenne.
On ne peut s’empêcher de penser aussi au World Trade Center, devant ces bâtiments éventrés, découpés, torturés par les decepticons… Démolir l’Etat centralisateur, le Pentagone manipulateur, passe encore, mais attaquer la corporate america, là c’est grave !
Et on se dit que nous amis américains, la deprime guette : eh les gars, ça a pas l’air d’aller très fort…
Ce qui nous ramène à la chronique 1 de Transformers : un film brillant, amusant, incroyablement riche, mais aussi le reflet inquiétant de la dépression américaine.
Bay était, avant 9/11, l’épigone de l’optimiste béat de l’Amérique. Il est devenu le peintre acide de ses doutes.
*Transformers 3 est évidemment en 3D, et évidemment, ça n’apporte rien. Les pubs M&M’s étaient mieux…
jeudi 7 juillet 2011
Une Séparation
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Quand Notre Agent au Kremlin ordonne, on obéit. Va voir Dans Ses Yeux, on y va. Va voir Une Séparation, on y va aussi. Euh…Une Séparation, le film… Iranien ? Soldat, un ordre n’est pas fait pour être discuté, et de plus, Notre Agent au Kremlin ne se trompe jamais. Mais quand même, un film iranien ! Ça fera seulement le deuxième après un Abbas Kiarostami de sinistre mémoire, Au travers des Oliviers !
Sauf que Une Séparation, ce n’est pas un film sur la-condition-de-la-femme-en-Iran, c’est un polar. Enfin, pas que, c’est un polar et un film sur la condition de la femme en Iran.
Le genre de film qui commence tout doucement, et qui ne vous lâche plus, qui vous étrangle lentement, et vous laisse pantelant, un soir d’été sur un trottoir de l’Odéon.
Une Séparation commence donc, comme son nom l’indique, par un couple qui se déchire : la femme veut partir à l’étranger, lui ne veut pas abandonner son père atteint d’Alzheimer. Elle veut divorcer, il refuse. Entre les deux, une ado qui ne sait pas à quel saint se vouer. Mais cette séparation va avoir des conséquences pratiques : qui va s’occuper du père dans la journée ? On embauche donc une femme de ménage, mais très vite, les problèmes s’accumulent avec cette femme, très pauvre, très religieuse, qui a du mal à s’occuper d’un homme. De plus, le mari n’a pas l’air très au courant des activités de sa femme.
Petit à petit, le film plonge dans le fait divers le plus glauque, mais aussi le plus ordinaire. Et joue sur une horrible – et occidentale – tentation : malgré les tchadors qui sont partout, le spectateur penche immédiatement vers le couple bourgeois (sous le voile perce quelques cheveux teints, et un jean), et l’on rejette évidemment le couple prolo ultra religieux, psycho rigide, misogyne. Comme dans Gone Baby Gone – encore un film du Panthéon commun du Professore et de Notre Agent au Kremlin – on voudrait que tout le monde s’en sorte, même au prix de quelques petits mensonges ou demi vérités, qui évidemment, vont devenir de plus en plus dévastateurs. Car, comme dirait Kubrick, la vie, ce n’est pas comme dans les films de Frank Capra.
Le génie d’Une Séparation est multiple ; c’est d’abord un très grand film, impeccablement joué, par cinq comédiens à tomber par terre. C’est ensuite un scénario simple mais fabuleusement limpide, vertigineux qui, jouant de nos réflexes de base, nous associe tour à tour au père, à la mère, à l’ado… Et nous montre l’étendue de nos compromissions quotidiennes : on est chez le Haneke de Code:Inconnu.
C’est aussi un grand film hitchcockien, avec des personnages condamnés à faire l’inverse de leurs intérêts les plus évidents… Le tout filmé avec une économie de moyens stupéfiante, dans quelques appartements, un bureau, une rue toujours filmée au plus près, pour renforcer cette sensation permanente d’enfermement.
Car Une Séparation est aussi un grand film politique. Evidemment, c’est un film sur l’Iran. En montrant, dans cette allégorie, l’absurdité d’un régime cadenassé par les obligations, religieuses, sociales, ou tout simplement économiques. Les personnages, qu’ils appartiennent à la petite bourgeoisie ou au lumpen prolétariat, sont enfermés dans toutes ces obligations, vis à vis du père, du mari, des femmes, des hommes, ou de la justice, le cul entre deux chaises : la loi ou la charia. Et cette histoire de bourgeois iraniens et de leur bonne, on pourrait tout aussi bien la transposer avec un couple parisien et leur nounou algérienne, tant il s’agit avant tout de différences sociales et non de différences culturelles… C’est là aussi le message fort du film.
Car surtout, qu’on ne se méprenne pas : si le contexte dictatorialo-iranien amplifie la dramaturgie, Une Séparation est un film universel : nos héroïnes auraient leur place dans la France paysanne des années cinquante… Et l’obsession de jurer sur la Coran ne serait que le reflet dans le miroir « la vérité, toute le vérité, so help me god » de nos récents événements franco-new-yorkais…
Ne cherchez pas le meilleur film de l’année : il s’appelle Une Séparation.
mercredi 6 juillet 2011
Les Invités de Mon Père
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Encore un bel exemple de fainéantise française : Les Invités de Mon Père a tous les atouts dans sa manche, mais échoue néanmoins.
Une idée rigolote : un père, (Michel Aumont) grande conscience de gauche, décide d’abriter une famille de sans-papiers. A la consternation de son fils de droite (Fabrice Luchini) et à l’enthousiasme de sa fille de gauche (Karin Viard). Mais la famille de maliens envisagée se révèle être plutôt une grande blonde moldave bien roulée. Tout est en place pour une excellente comédie à la française. D’ailleurs, c’est ce qui était dans la bande annonce, c’est à dire les cinq répliques qui tuent. Mais cette comédie n’accouchera pas, faute de talent, de travail ou des deux.
Le débat droite/gauche, lancé sur les chapeaux de roues, est finalement à peine esquissé, et tourne vite à la caricature de part et d’autre (Pétain, Vichy, les Droit-de-l’Hommistes)
Le film devient, d’ailleurs progressivement cette caricature. Après avoir critiqué la délation, les enfants d’Aumont s’y résolvent… Puis regrettent. Anne Le Ny fait alors sombrer son film dans la tragédie, mais voilà, il faut être très fort pour réussir cela (Bruno Podalydès dans Liberté Oléron, par exemple).
Mais là, non, les dialogues sont insipides, les dialogues téléphonés et lourdement explicatifs… Un indice qui ne trompe pas : Aumont, Luchini et Viard jouent faux, comme s’ils n’y croyaient pas. Quand on a des acteurs AAA qui déjouent, c’est bien qu’il y a problème : depuis quand avez vous vu Karin Viard mal jouer ? En zappant sur La Nouvelle Eve hier soir, le chef d’œuvre Christine-Angotesque de Catherine Corsini, on pouvait voir la Viard dans toute sa splendeur : l’Annie Girardot des années 2000.
Entre Les Invités de Mon Père et La Nouvelle Eve, le contraste était éclatant.
lundi 4 juillet 2011
When You’re Strange
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Je ne sais plus comment ça a commencé, mais je pense que c’est à la sortie d’une projection d’Apocalypse Now dans le Quartier Latin, vers 85-86, que je me suis intéressé pour la première fois aux Doors. Je voulais savoir qui signait ce magnifique Intro/Outro de l’opéra coppolien. A cette époque, le Professore faisait la plonge* dans un restaurant du XVIIème arrondissement de Paris, et le fils de la cuisinière lui enregistra gentiment sur cassette** The Doors et Strange Days, les deux premiers albums du groupe californien.
Choc terrible : subtilité des textes, envoûtement de la musique, rien ne sonnait comme les Doors. J’avalais ensuite goulûment Personne Ne Sortira d’Ici Vivant, la magnifique bio de Jerry Hopkins et Daniel Sugerman,et puis vint, en 1991, l’odieux biopic de Oliver Stone, The Doors*** qui propulsa, sur la base de son film-compile, les copains de Jim sur NRJ en boucle sur NRJ. En bon intello snobinard, le Professore arrêta les Doors.
Hasard du calendrier****, je me rattrape hier (car je l’avais raté en salles), le docu de Tom DiCillo. DiCillo, c’est le magnifique réalisateur de Ca Tourne à Manhattan, et de Box of Moonlight, un peu perdu de vue dans ses films récents (Une vraie Blonde, Delirious). On ne le savait pas fan des Doors, on le découvre.
Sur la seule base de documents filmés (il y en a plein), en ajoutant simplement la musique et en sous-titrant les paroles, DiCillo fait sens. Il raconte basiquement l’histoire des Doors, comme n’importe quel docu, mais montre ce qu’on peut faire quand on a quelques idées et qu’on s’intéresse un peu au montage (qui, rappelons-le, n’est pas ce qui coûte le plus cher dans un film).
Le doc est donc magnifique, passionnant, sans apporter pour autant aucun scoop, et sans donner dans aucune théorie conspirationniste (dans une histoire qui n’en manque pourtant pas)…
Bref, que vous aimiez ou pas cette musique, ruez vous : il vient de ressortir en salle pour l’été. Et comme chacun sait, summer’s almost gone…
* Eh oui, comme tout acteur Hollywood de son calibre, le Professore a commencé en faisant la plonge
** Il n’y avait pas de piratage à l’époque, on respectait trop les artistes : on copiait juste leurs albums
*** Une nouvelle preuve de la malédiction des biopic, et encore plus des biopic rock : impossible d’ajouter de la légende à la légende.
**** Hasard du calendrier, car c’était hier le 40ème anniversaire de la mort de Morrison à Paris, dûment célébré au Père Lachaise comme il se doit.