On a beau vénérer l’audace de notre Plus Belle la Vie chez les Nazis, on n’en est pas moins CineFaster, et les défauts nous agacent.
Ils sont probablement plus criants dans cette saison 4, parce qu’elle passe à l’action, et que l’action, ce n’est pas le fort du cinéma français.
En clair, nous sommes en 1942, les allemands commencent à transférer les juifs vers l’Est, et la Résistance passe à l’action. Ces deux thèmes sont formidablement traités, comme d’habitude : l’ignominie quotidienne de la police Vichyste (qui veut atteindre son « quota » de juifs), et la banalité de la résistance, qui consiste plus à faire passer des renseignements sur un aérodrome que d’attaquer au bazooka des blindés allemands.
Ce qui cloche dans cette quatrième saison, c’est l’accélération du rythme imposé à la narration, qui essaie de remplir de péripéties le quotidien de nos villeneuvois chéris ; bref, de se la jouer Lost, et donc prendre le risque de se couvrir de ridicule. Ce qui ne manque pas d’arriver.
Exemple, parmi d’autres : Hortense Larcher, la femme du maire, qui jusque-là couchait plutôt avec des SS, décident de sauver la maîtresse juive de son mari (sic). Ce n’est pas tant que ce revirement soit impossible, c’est qu’il faudrait nous l’amener, nous expliquer – progressivement (une saison, c’est fait pour ça) – ce qui se passe dans cette jolie tête rousse. Non, tout se passe en 45 mn.
Autre exemple, on tente de sauver la femme et la fille d’Albert Crémieux, entrepreneur juif devenu résistant. Au début, on est dans le réalisme : la Résistance refuse de prendre des risques pour sauver deux « civils ». C’est triste, mais c’est la réalité de la guérilla. Mais, inexplicablement*, accepte. Attention, chers Fréderic Krivine et Jean-Pierre Azema, ne pas rompez le contrat signé avec le spectateur ; ce n’est pas ce genre d’aventures que nous sommes venus chercher dans Un Village Français.
L’autre problème, c’est la qualité de la réalisation. On veut se la jouer « à l’américaine », mais on ne sait pas y faire. Des cliffhangers par exemple : juste avant le générique de début, les réalisateurs essaient de lancer l’épisode un mini-cliffhanger. Exemple: on découvre par un résistant blessé dans une chambre. Effet de stupéfaction garanti. Sauf qu’il manque juste une seconde, une demi-seconde qui nous permettrait de s’attarder sur cette révélation, pour marquer le coup ; non, on passe au générique.
Autre exemple : on intercale deux intrigues, procédé classique qui permet de couper les moments creux et ne garder que les pics d’intensité. Par exemple, la femme du maire est au camp d’internement et bricole ses papiers pour faire évader Sarah. Pendant ce temps, le Proviseur essaie de cacher la petite Crémieux. Ça marche, si on ne garde que les pics précités. Hors le réalisateur se contente de passer de A à B et de B à A, alors qu’à l’évidence l’action n’a pas avancé.
Enfin, Un Village Français ne profite pas des formidables ressorts scénaristiques dont il s’est doté : à la fin de la Saison 3, le sort d’un personnage important reste suspendu : va-t-il être exécuté ? On attendra 6 épisodes avant de connaitre la réponse.**
Contre-exemple, mais erreur similaire : Hortense se met dans un très grave pétrin en tentant de sauver Sarah. Las ! Les scénaristes nous rassurent juste avent la fin de l’épisode (elle est sauvée !), au lieu de de laisser trainer le suspense jusqu’à l’épisode suivant.
Que cela néanmoins, ne vous décourage pas, chers CineFasters ! Un Village Français reste la meilleure proposition de la télé française depuis bien longtemps à la. Elle propose des personnages passionnants et complexes (Schwarz, Marchetti…), fait immense œuvre de pédagogie sur cette période taboue, tout en restant un divertissement passionnant.
Que demande le peuple ? Un peu plus de qualité, c’est tout !
*ou avec une excuse à deux balles…
** comme si dans Lost, les Autres enlevaient Jack et Kate et qu’on les retrouvait seulement 12 épisodes plus tard. D’ailleurs, le Professorino ne s’y est pas trompé ; il n’a cessé de demander des nouvelles de ce personnage. En vain.