L’autre jour, pendant la séance de Man of Steel, il y avait trois bandes annonces. Très symboliquement, une partie des bandes annonces est désormais intégrée aux publicités, coincée entre M&Ms et la MAIF, l’Assureur Militant.
Symbole, oui, car évidemment, les films comme Man of Steel sont des produits. Ce n’est pas ici que nous dirions le contraire : le cinéma est une industrie, de luxe, certes, mais une industrie.
Les bandes annonces de ce lundi-là étaient parfaitement éclairantes de ce qu’est devenu le cinéma américain : Wolverine : Le Combat de l’Immortel, Pacific Rim, Sublimes créatures (le DVD)… Trois blockbusters, trois tentpoles, ces films de l’été gigantesques sous lequel toute la production de l’année est censée s’abriter : méga budget, méga profit, ou méga flop. Entre les films de super héros (Wolverine en est à son 5ème épisode), la chick-lit pour les filles, les films en 3D pour les enfants), que reste-t-il de notre cinéma américain…?? Où sont les films moyens, qui parlent de la vie quotidienne ?
Nous voilà coincés dans le rêve que nous avons contribuer à bâtir : ados, nous rêvions d’épopée intergalactiques et de barbares en short, alors que le cinéma ne nous proposait que des épopées de la seconde guerre mondiale avec des comédiens qui n’avaient même plus l’âge d’être sous les drapeaux, ou des comédies franchouillardes avec des acteurs pas drôles. Aujourd’hui, nous sommes submergés sous la mauvaise SF, le paranormal gore, les histoires de cousins au 3ème degré de super-héros. Les films indépendants coûtent des fortunes (20M$ pour The Descendants, ou pour le Cosmopolis de Cronenberg) !
Où va cet argent ? Où sont les histoires ? Lucas et Spielberg ont lancé récemment un appel prophétique : le cinéma est au bord de l’implosion, s’écroulant sous sa propre masse. Le futur, selon eux, c’est la broadwaytisation du cinéma : quelque mégafilms qu’on paierait 50$ la place dans des supersalles, tandis que les vraies histoires émigreraient vers la télé.
Une prophétie qui vient de gens qui ont bâti ce système, de Jaws à Star Wars. Mais au moins, c’était une époque où Hollywood bâtissait ses propres franchises… Chacun peut le constater : les histoires adultes sont désormais à la télé ; le divertissement devenant le seul viatique du cinéma : Game of Thrones sur OCS, Conan à l’UGC. Si l’on veut parler des grands sujets d’aujourd’hui, de politique, d’environnement ou tout simplement de l’évolution de la cellule familiale, il n’y a plus de « cases » pour parler de cela dans le cinéma américain contemporain.
Après Man of Steel, nous sommes allés manger – un burger évidemment – et nous avons parlé de Game of Thrones en nous désolant du nanar de Zack Snyder. Il y a trente ans, c’eut été l’inverse : se désoler d’une télé gangrenée par le foot et Dallas, et la satisfaction de trouver au cinéma un tout autre niveau.