C’est une histoire peu connue de ce côté-ci du Pecos*, l’affrontement terrible qui opposa deux familles pendant près de quarante ans, le long de la Tug Fork, une rivière qui délimite la frontière entre le Kentucky et la Virginie Occidentale.
Ces Horaces et ces Curiaces US, c’est tout simplement – selon Kevin Costner – l’histoire de l’Amérique elle-même : la lutte entre le bien et le mal, la religion et la laïcité, l’esprit pionnier (qui se meurt) et l’Etat (qui se construit). Deux amis courageux partent défendre le Sud pendant la Guerre de Sécession, mais vont en revenir ennemis à jamais. Anse Hatfield (Kevin Costner) déserte une guerre ingagnable qui n’est plus la sienne, et bâtit un empire dans l’exploitation du bois ; son ami Randall McCoy (Bill Paxton) revient en héros, mais brisé par la guerre et la trahison. De l’assassinat d’un « traître » de la famille McCoy passé Nordiste, à un vol de cochon, va naître la plus grande vendetta des Etats-Unis.
C’est ce que propose de raconter le biopic fleuve Hatfields & McCoys, une mini-série de 5 heures qui a cartonné sur la chaîne History** et co-produite par le revenant Kevin Costner. L’ex wonderboy des années 85-95 s’est trouvé une forme de reconversion dans une exploration revisitée du western. Avec Open Range, puis aujourd’hui via Hatfields et McCoys.
La bonne nouvelle, c’est qu’il s’est réconcilié avec Kevin Reynolds, son meilleur ami devenu meilleur ennemi sur le naufrage Waterworld. Kevin Reynolds, ce n’est rien de moins que le plus grand gâchis de l’histoire récente d’Hollywood. Deux premiers films peu connus mais géniaux (Fandango, La Bête de Guerre), un carton Hollywoodien (Robin des Bois : Prince des voleurs), une des plus belles séquences de Danse Avec Les Loups (les bisons), et puis plus rien. Idem pour Kevin Costner, le plus grand acteur de sa génération, héros des plus gros succès de la décennie 1985-1995***. Deux hommes détruits par un seul film, Waterworld, un bide abyssal que méritait le film mais sûrement pas les deux intéressés.
Les revoilà donc aux affaires, plutôt en forme dans leurs métiers respectifs (acteur et réalisateur). Mais si Hatfields et McCoys passionne pour l’Histoire avec un grand H, la série est ratée côté dramaturgie : l’histoire des deux familles est tellement connue aux USA que Costner et Reynolds ne font qu’en illustrer les images d’Epinal : l’amitié virile, au temps de la Guerre de Sécession, le retour difficile, après la guerre, le meurtre de Harmon MacCoy, la vengeance de la mort de Harmon, la vengeance de la vengeance de la mort de Harmon, etc. Auquel s’ajoute cette fâcheuse mode americana du moment. Les acteurs passent ainsi leur temps à cracher leur chique et à imiter un accent redneck du plus bel effet (Ain’t gonna be my time, sir ! For sure !) L’équivalent de nos reconstitutions médiévales ampoulées de la télé française… La même obsession misérabiliste de montrer « qu’à l’époque c’était comme ça. »
On préférerait que Hatfields et McCoys s’attarde sur les personnages, construise des enjeux, un destin, mais on sait que le biopic castre rapidement ces commandement scénaristiques.
Hatfields et McCoys reste néanmoins hautement regardable, notamment pour la toile de fond qu’elle propose ; rien de moins que la fin de l’ère « sauvage » des Etats-Unis, la fin de la conquête de l’Ouest et de la Destinée Manifeste. Derrière ces gars lourds, taillés à la serpe, défendant leur propriété à coup de Winchester, c’est un nouveau monde qui apparaît : la loi, l’état, la justice fédérale… Un pays en train de se construire.
* Quoique Lucky Luke s’en soit emparé avec les O’Hara et les O’Timmins, dans Les Rivaux de Painful Gulch
** En ce moment sur Canal+, bientôt en DVD/VOD ?
*** Allez, on ne résiste pas : Fandango Silverado, Les Incorruptibles, Sens Unique, Danse avec les Loups, Robin des Bois, Prince des Voleurs, JFK, Bodyguard, Un Monde Parfait…