vendredi 31 janvier 2014
Topten 2013
posté par Professor Ludovico dans [ Les films -
Playlist ]
C’est l’heure du sacro-saint Topten, le classement rituel qui ne veut rien dire de plus que les Césars, Oscars, Palmes d’Or et autres cérémonies où la profession, comme bien d’autres professions, se congratule. Disons que c’est une tentative maladroite de bâtir une hiérarchie dans nos goûts, et que ça, ça a finalement du sens ; le vrai palmarès est celui du cœur. La filmographie de sa vie.
Et aussi, une tentative un peu vaine d’essayer de convaincre l’autre de découvrir un de ces films qui ont enchanté notre année.
Pour ma part, j’ai eu bien du mal – et c’est la première fois ! – de trier dans l’ordre les films les plus intéressants. Considérons donc qu’il s’agit des dix meilleurs films de l’année. Un très bon cru, selon moi :
1. Ma Meilleure Amie, Sa Sœur et Moi
2. Inside Llewyn Davis
3. The Place Beyond the Pines
4. Prisoners
5. Grand Central
6. Frances Ha
7. Zero dark thirty
8. La Vie d’Adèle
9. Don Jon
10. Jimmy P.
Quant au BottomFive, idem : rien de honteux, mais il faut bien trouver les pires :
1. Man of Steel
2. The Desolation of Smaug
3. Star Trek into Darkness
4. Hannah Arendt
5. Elysium
Pour mes petits camarades, au contraire, le consensus s’est dégagé autour du Dupontel, qui l’emporte haut la main. Les autres films, a contrario, ont des votes éclatés, ce qui crée beaucoup d’ex-aequo :
1. Neuf Mois Ferme
2. ex aequo : Les Garçons et Guillaume, à Table et Frances Ha
4. Quai d’Orsay
5. ex aequo Wajda et Le Majordome
7. ex aequo Prisonners et Le Temps de l’Aventure
9. Star Trek into Darkness
10. Ma Meilleure amie, Sa Sœur et Moi
Notre BottomFive n’a pas de sens. Deux Topteniens détestent Valerie Lemercier, ce qui met 100% Cachemire premier, mais une trentaine d’autres films ne recueillent qu’un vote.
Que faut-il tirer comme conclusion de cet éclatement ? Chronique à venir …
mercredi 29 janvier 2014
Actualité d’Apocalypse Now!
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Les films ]
Chose promise ici, chose due : depuis je me suis acheté un lecteur Blu-ray et que j’ai trouvé un jeune vierge en la personne de Magic Arno (un gars qui bosse dans le cinéma depuis vingt ans avec les plus grands réalisateurs français et qui n’a jamais vu Apocalypse Now! Si c’est possible.)
Après avoir fébrilement ôté l’enveloppe plastique, le moment tant attendu est arrivé, non sans angoisse : Coppola n’a-t-il pas salopé le boulot ? Après 10 ans d’infamie redux, voilà enfin le retour la vraie version d’Apocalypse Now! 2h17 de perfection cinématographique, sans plantation française, sans Willard voleur de surf, sans Brando en pyjama. Et une première immense satisfaction : l’édition est splendide, magnifiquement remasterisée, dans peut-être la meilleure version – malgré 10 visionnages – que le Professore ait jamais vue. Les dix fois précédentes, dont la première, émoliente, en 1980, dans un petit cinéma du Quartier Latin, étant toutes entachés par un petit défaut technique. Mauvais format. Son crachotant. Rayures sur la bobine… Mais là, par la magie du numérique, tout est parfait. Une version qui rend grâce à la cathédrale de Chartres de Vittorio Storaro : chaque plan est un tableau parfait dans la composition, dans la lumière, comme une veduta de Canaletto (les jonques sur le delta), un autoportrait de Bacon (le visage camouflé de Willard) ou un paysage de Turner (les couchers de soleil sur la rivière Nung).
Après, le chef d’œuvre n’a pas changé d’un pouce : perfection esthétique bien sûr, mais aussi perfection scénaristique, perfection du montage, de la musique, des acteurs. Et quoiqu’on en dise, le final de Brando, certes long, est la clef de voûte du film, sa conclusion morale. Et c’est bien sûr ce que voulait Coppola : pas le film de guerre de plus, mais une réflexion philosophique sur l’humanité, comme il est dit au début par le Colonel Corman « Because there’s a conflict in every human heart, between the rational and irrational, between good and evil. » Prenant pour prétexte le livre de Conrad, Au Cœur des Ténèbres, et l’adaptant au Viêt Nam, Coppola déroule sa thèse. D’un côté l’occident chrétien, sûr de son bon droit, de l’autre le Viêt Minh, qui n’a jamais laissé un occupant chinois, français, ou américain l’envahir trop longtemps. Face à la détermination morale, les dollars ne servent à rien.
A la fin, dans une image sublime, le guerrier Nietzschéen Willard, mi bouddha, mi guerrier, a remplacé Kurtz qu’il vient de tuer. Dans la main droite, une faux, dans la main gauche, les mémoires de Kurtz. L’Arme et le Livre. L’Ordre et la Loi. Willard lâche l’arme. Son combat est fini. Il ne reste que la mémoire. Car la guerre est finie.
mardi 28 janvier 2014
Charlotte Gabris
posté par Professor Ludovico dans [ Les gens ]
J’avais bien accroché à la voix légèrement sensuelle et délurée de Charlotte Gabris, quand elle chroniquait la saison dernière chez Drucker* sur Europe1. J’avais accroché à ce personnage de hâbleuse ne doutant de rien, et son mélange sucré/salé de séductrice comique.
C’est ce que j’ai cherché en allant voir Charlotte Gabris au théâtre. Si les textes ne sont pas d’égale qualité, on y retrouve ce charme, et surtout, on est face à une vraie comédienne. C’est ça, la magie du théâtre. Elle est là, Charlotte Gabris, devant vous. Pas de mensonge. Pas d’artifice. Pas de plan de coupe. Pas de deuxième prise. Il faut être bon tout de suite. Jamais la possibilité de refaire une seconde fois une bonne première impression, comme on dit.
Gabris démontre cette capacité de passer du rire au drame en quelques secondes. On voit, en train de naître, une grande comédienne potentielle. Potentielle, parce qu’il faudra maintenant des rôles, et des bons, et des succès, au cinéma ou au théâtre. C’est tout ce qu’on lui souhaite.
*Il faudra rendre un jour grâce à Michel Drucker, formidable découvreur de talents, s’il en est.
dimanche 26 janvier 2014
La Mort Suspendue
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD ]
Ça commence par une escroquerie fomentée par la Princesse Elfe. Tu aimes les films d’alpinisme ? Ben oui, j’adore ! Moi qui ai le vertige, j’ai dévoré Premier de Cordée, Tragédie à l’Everest de Jon Krakauer, et j’aime le décrié mais pourtant très bon Cliffhanger, le thriller montagno-terroriste de Stallone…
Tiens, me dit-elle, voici La Mort Suspendue. Tu m’en diras des nouvelles ! J’insère le DVD dans le lecteur et là, horreur : ce n’est pas une fiction, mais un horrible docudrama.
Un docudrama, vous voyez ce que c’est ? Un mélange d’interviews face caméra sur fond noir chichiteux, des reconstitutions minables, vaguement dialoguées, et surlignées au stabilo par une voix off qui est censée vous faire comprendre les enjeux terribles auxquels les personnages sont confrontés.
Mais bon, j’ai confiance dans la Princesse Elfe et j’ai decider de poursuivre mon chemin en direction du Siula Grande, un petit sommet andin de 6 344m.
Car c’est à lui que s’attaquent Joe Simpson et Simon Yates, 25 ans ; l’ascension d’une voie inédite, sur l’un des sommets les plus difficiles de la Cordillère des Andes. Et ils y arrivent, au bout de deux jours d’efforts.
C’est en redescendant que se noue le drame. Joe se brise une jambe. Au prix d’immenses efforts, les deux montagnards britanniques décident de poursuivre leur descente en glissant. Mais perdus dans le brouillard et la tempête, Joe glisse et tombe dans le vide au milieu de la tempête. Il n’est retenu que par sa corde ; lieu commun (cf. Tintin au Tibet) de la tragédie alpinistique : soit on meurt tous les deux, soit on coupe la corde et seul un des deux y passe. Croyant que Joe est déjà mort, Simon Yates coupe la corde. Puis il redescend jusqu’au camp de base au prix d’immenses difficultés.
Mais Simon n’est pas mort. Par chance extraordinaire, il est tombé au fond d’une crevasse qui a amorti sa chute. Impossible de remonter, cependant. Va commencer alors cette odyssée extraordinaire où un homme blessé, affamé, déshydraté, va se traîner sur des kilomètres jusqu’au camp de base, au bout de toutes ses ressources psychologiques et physiques.
Si La Mort Suspendue est un docudrama, alors il est très bien fait. Les reconstitutions sont tellement bluffantes qu’on se demande si les alpinistes acteurs n’ont pas refait l’ascension*.
Mais évidemment, ce sont les témoignages qui emportent le tout. Nos deux british de Sheffield que l’expérience a transformé pour toujours. Mais pas dans une happy end convenue à l’américaine. Dans le Making of qui suit le film, on retrouve nos deux compères obligés de retourner sur les lieux du drame, vingt ans après. Et c’est sûrement la partie la plus passionnante. Si Touching the Void, le film, est électrisant par la force même du drame, le making of est tout à fait passionnant. On a confié une caméra vidéo à Joe, pour tenir une sorte de journal intime. D’abord rigolard, son visage se ferme à l’arrivée au village, puis commence à montrer de l’angoisse pure quand ils arrivent au bord du lac, leur ancien camp de base. Car Joe Simpson est convaincu que ce terrible accident a été une forme de bénédiction pour lui. Une chance incroyable d’avoir réussi à survivre, puis un événement qui a changé sa vie. Apres ses dix opérations de la jambe, il a écrit Touching the Void pour disculper son camarade. Puis d’autres livres, qui lo’ont rendu célèbre. Et si la chance, maintenant que la boucle est bouclée, se vengeait ? Et s’il n’était venu que pour mourir ici, une bonne fois pour toutes ?
Si Joe a toujours soutenu le geste fatal de son compagnon (y’avait-il autre chose à faire ?), Simon, pour sa part, vit – sans l’assumer – sa culpabilité d’être « le mec qui a coupé la corde ». Et d’assener finalement cette révélation peu politiquement correcte : « nous n’avons jamais été amis et nous ne les serons jamais… Nous ne sommes que des compagnons d’escalade »
Ici encore, le festin nu.
*En fait, personne n’a jamais refait cette voie depuis. Le film a été tourné en partie sur place et en partie dans les Alpes.
vendredi 24 janvier 2014
Pyramide du Louvre et Sanisette Decaux
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -
Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Les gens ]
Pour une fois, on est d’accord avec Jean Pierre Jeunet. Eh oui, tout est possible sur CineFast.
Sur 20minutes.fr, l’auteur du multichromatique L’extravagant Voyage du Jeune et Prodigieux T.S Pivet déverse sa bile sur le cinéma français, un reproche qu’on fait souvent au vieux Ludovico. En deux mots, Jeunet fustige la faible qualité des films français « moches, mal montés, mal filmés, mal joués, mal sonorisés, mal écrits… plus c’est moche, plus c’est de l’art ! » Et de jouer, non sans raison*, à l’historien du cinéma : « C’est encore la tradition de la nouvelle Nouvelle Vague qui nous pourrit la vie. »
Et voilà l’auteur immortel d’Un Long Dimanche de Fiançailles qui part sur cette magnifique métaphore, dite Syndrome de la Pyramide du Louvre : « Le long-métrage français, c’est quand même à 90% l’apothéose de la laideur et ça ne dérange personne. J’appelle ça le syndrome de la Pyramide du Louvre et des chiottes Decaux. La pyramide du Louvre, en verre, ça ne peut pas être plus beau et ça avait fait tout un scandale. Les chiottes Decaux, c’était des horreurs, mais je n’ai jamais lu une critique négative. La laideur ne dérange personne et la beauté choque, et ça c’est très français. »
La formule est rigolote et en plus, on est d’accord avec toi Jean-Pierre ! Même si l’excès inverse – dont tu te fais le champion – qui préfère l’esthétisme à tout crin aux dépens de vrais personnages et d’une histoire qui tienne debout n’est pas forcément la solution.
* La Nouvelle Vague fustigea dans les années cinquante la « Qualité Française » des René Clair et autres Claude Autant-Lara, héritier d’un certain cinéma de qualité, mais conformiste et éloigné de la réalité. Tandis qu’eux s’emparaient des toutes nouvelles cameras 16mm et filmaient dans la rue… technique dont allait s’approprier Dennis Hopper pour Easy Rider, et ses suiveurs du Nouvel Hollywood.
lundi 20 janvier 2014
And then, booooom!
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
Sacrés français.
Comme chacun sait, regarder un film dans un avion s’apparente à une épreuve pour le cinéphile*. Remontés, coupés, hachés, au grand mixeur de la censure. Pas plus de 2h. Pas de film catastrophe. Pas de violence. Pas un bout de nichon ou de fesse.
C’était oublier la France, les français… et Air France.
Cette histoire est arrivée à Joan (the most francophile girl on the Puget Sound), de retour d’Inde pour un passage éclair à Paris sur notre compagnie nationale. Francophile as ever, Joan en profite pour regarder un film français. Blue is the Warmest Color, autrement dit La Vie d’Adèle. À sa droite, son mari, Barry, la septantaine passée, à sa gauche, un hindou célibataire. Au début, Joan est plutôt sensible à l’analyse marxisto-kechichienne…
And then, booooom!
Elle sent soudain les deux regards mâles qui convergent sur l’écran central. Nous venons d’entrer dans la partie porno lesbien de La Vie d’Adèle.
Choquée, Joan décide d’arrêter le film et tente de dormir malgré la vision dantesque de Lea Seydoux et Adèle en plein scissors. Elle enfile son cache-yeux logotypé Air France. Mais quelques minutes plus tard, elle se réveille : le film qu’elle avait mis sur pause est reparti. Tout seul. Mystère de l’informatique… A sa droite et à sa gauche, on nie. On dénègue. Elle se rendort. Le film repart à nouveau. Magie de l’écran tactile.
Bref… soyons sérieux une minute. Sans être particulièrement père-la-pudeur, (ce n’est pas particulièrement le genre de la maison, qui préfère le porno façon Don Jon aux amourettes façon Jane Austen), c’est quand même fort de café de programmer La Vie d’Adèle dans un avion, non ?
*A tel point que le Seigneur d’Avalon refuse de tenir compte des films visionnés en avion pour l’attribution des points au Topten**
** A venir prochainement dans ces colonnes
vendredi 17 janvier 2014
Friday Night Lights
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Allez, un peu de sociologie US ! Les américains se sont créé deux sports terriblement anglais, le foot américain (succédané du rugby) et le baseball (un cricket simplifié). Deux sports similaires à leurs albionesques ainés, mais surtout, ô grand surtout, absolument pas anglais. Tellement idiomatiques qu’ils sont inexportables, tandis que le football a conquis la planète.
Ces deux sports ne représentent pas la même idée de l’Amérique : le baseball, c’est un regard nostalgique et passéiste. Ses grands héros sont morts : Joe di Maggio, Babe Ruth. C’est aussi un sport plus intellectuel, cote est, avec ses yankees new yorkais et ses red sox bostoniens, si chers à Stephen King.
Le foot américain, c’est une certaine idée du futur. Un sport brutal, puissant, viril : le sport du heartland, du sud, du Texas. Bien plus qu’un sport. L’idée que l’Amérique se fait d’elle-même. Une idée presque fasciste, d’ailleurs. Un sport martial, ressemblant à une forme de service militaire, et qui produirait de futurs guerriers. Et en face, des cheerleaders. De jolies jeunes filles sportives et élancées. Le lieu commun, maintes fois illustré – ou critiqué par le cinéma US – le capitaine de l’équipe épouse la cheftaine des cheerleaders. Un rêve hitlérien en somme, où le meilleur de l’Amérique s’unit pour le meilleur de l’Amérique.
C’est tout le propos de Friday Night Lights. Un cadeau de l’ami Phiphi (qu’on a connu moins branché sport). Un cadeau empoisonné, parce qu’évidemment, maintenant on ne dort plus.
Qu’est-ce que Friday Night Lights ? Un petit miracle, en vérité. En 45 minutes d’épisode, à la fois une ode à ce sport majestueux, à l’Amérique, à ses valeurs (honnêteté/courage/sens du collectif) et une dénonciation sans fard de ces excès. Hooliganisme, passion irraisonné pour ce sport, violence, dopage, racisme.
Le pitch est à l’image d’un très grand film admiré ici : Le Plus Beau Des Combats. La même histoire transposée par Peter Berg dans la petite cité texane (fictive) de Dillon. Les Panthers, l’équipe high school se lance dans une nouvelle saison avec pour objectif de gagner le championnat du Texas. Ce qui devrait être facile, avec leur quarterback star Jason Street, qui va sûrement passer pro l’an prochain. A piece of cake pour le nouvel entraîneur Eric Taylor (Kyle Chandler), qui débarque à Dillon avec femme (la sublime Connie Britton de Spin City, maintenant cougar sublime) et fille (Aimee Teegarden). Mais lors du premier match, Jason est gravement blessé lors d’un choc. Va-t-il finir paralysé ? Et comment va faire le coach, déjà sous pression, pour gagner le championnat ?
Le coup de génie de Friday Night Lights, c’est celui-là. Poser sa caméra sur un championnat minable aux enjeux minuscules (gagner le championnat de l’état l’équivalent d’une quatrième ou cinquième division de foot en France) et montrer à quel point c’est un enjeu terrible pour tous les personnages. Pour le coach, qui refuse de pactiser avec le diable (agent véreux, dopage… ), pour une certaine éthique du sport. Pour la femme du coach, obligée de subir obligation sur obligation liées au métier de son mari… Ou la fille du coach, 15 ans, qui se fait menacer par un supporter parce que d’un père a perdu un match. Ou pour le jeune et maladroit nouveau quarterback, Matt Saracen, chargé de remplacer la star adulée, tout en gérant d’autres problèmes comme un père en Irak et une grand-mère au bord de l’Alzheimer.
C’est ça, Friday Night Lights, un mélange de Frères Scott pour la chronique familiale, et L’Enfer du Dimanche pour la critique acerbe du sport préféré des américains. Car rien n’est esquivé : corruption, drogue, racisme, népotisme, conflits d’ego, impunité des joueurs tant qu’ils gagnent, et mise au ban s’ils perdent.
Friday Night Lights emprunte la technique de camouflage de A la Maison Blanche : derrière cette éloge du mode de vie US qui a permis à NBC de faire durer la série pendant 5 saisons, se cache une critique en règle de la face noire de l’Amérique, ses corsets moraux et religieux, sa corruption rampante, et la décadence qui guette.
Friday Night Lights est tout simplement magnifique.
dimanche 12 janvier 2014
Don Jon
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
On aimait déjà Joseph Gordon-Levitt, l’excellent Tommy Solomon, agent de renseignement alien dans Troisième Planète après le Soleil, et le très bon Looper dans le film éponyme. On le découvre acteur, scénariste, et réalisateur dans Don Jon, une comédie plus qu’étonnante, où il se met en scène en jeune prolo bien sous tout rapport ET addict au porno. Tout est dans le ET et pas le MAIS, car comme le dit la pub : « Mon corps, mon appart, ma caisse, ma famille, mon église, mes potes, mes copines, mon porno ». Jon n’a pas de problème avec les filles. Au contraire : ça tombe comme à Gravelotte. Mais le porno, c’est autre chose ; comme une passion, un loisir, une sorte d’innocent hobby. Ce traitement-là est déjà rafraîchissant, dans une époque qui ne sait plus où elle habite, entre le laxisme coupable (publicité, porno dans les kiosques…) et l’hystérie moraliste anti-internet ; le porno est partout et nulle part.
Face à cela, Joseph Gordon-Levitt propose un schéma apparemment habituel : le parcours du héros rom-com typiquement US. Jon est un connard, mais il va rencontrer LA femme. Et pas n’importe qui : Scarlett Johansson ! On se dit à ce moment-là que Don Jon va être la petite comédie romantique sympa et marrante, mais dont on connaît déjà la fin. L’arc Déconnade-Rédemption-Happy Ending. Le héros, comme tous les hommes, est un peu concon ; heureusement qu’il y’a les femmes qui les remettre sur le droit chemin. C’est faire bien peu de cas du talent de Joseph Gordon-Levitt et de Scarlett Johansson.
Car sur cette trame archiusée, le jeune réalisateur va peindre une toile beaucoup plus subtile, beaucoup plus étonnante, notamment grâce à la finesse du jeu de Mrs Johansson. Ce qui serait injurieux, ce serait de vous raconter la suite, car évidement vous allez voir Don Jon.
jeudi 9 janvier 2014
Amour
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Le festin nu. Quand on lui demandait d’expliciter l’énigmatique titre de son chef d’œuvre, William Burroughs répondait qu’il s’agissait de « cet instant pétrifié et glacé où chacun peut voir ce qui est piqué au bout de chaque fourchette » ; la réalité, dans sa plus cruelle vérité.
Voir les choses telles qu’elles sont, les montrer sans faux semblants, c’est depuis toujours le programme de Michael Haneke. Violence enfantine (Benny’s Video), violence domestique (Code : Inconnu), violence de la fin du monde (Le Temps du Loup), violence du cinéma US (Funny Games) : la cruauté de la réalité, c’est l’œuvre majeure de Haneke. Filmer sans fard le couple, l’enfant, les immigrés et les bourgeois, la bestialité des rapports humains, le fascisme qui monte, c’est le rôle aride que s’est assigné le cinéaste autrichien.
Il revient aujourd’hui avec Amour, après quelques films décevants (La Pianiste, le remake US de Funny Games). Un film qui propose le même regard acéré sur la vieillesse, la maladie et la mort. Ce programme électrisant et fun est confié à Jean-Louis Trintignant (sûrement notre plus grand comédien vivant) et Emmanuelle Riva.
Dans la première moitié du film, l’actrice de Hiroshima Mon Amour n’est pas très bonne. On comprend le choix Hanekien de ces deux professeurs de musique, bourgeois et cultivés, mais Riva a du mal à tenir la rampe en prof de musique octogénaire, sèche comme un coup de trique. Sa diction empruntée, ses « tandis » et autres « parfois » sonnent faux. Mais dans la deuxième partie, l’AVC, la maladie, l’alitement, elle est extraordinaire. Jouer à 86 ans les ravages de l’âge, la diction imprécise, la folie, le refus de se nourrir est tout simplement inouï.
En face de ces deux monstres, même Isabelle Huppert sonne faux ! Car l’actrice fétiche de l’autrichien (avec Binoche) est en dehors du monde Haneke ; elle croit encore en ces choses vaines que sont l’espoir, la rédemption, le progrès. Depuis Le 7ème Continent, son premier film, Haneke ne croit plus à rien. Et il assassine son personnage féminin en une scène cruelle. Huppert discute avec son père (Trintignant) ; elle pense que l’état de sa mère va s’améliorer, qu’il faudrait rencontrer un autre médecin, avoir un deuxième avis. Qu’il faudrait qu’ils aient, enfin tous les deux, une conversation sérieuse. Et Trintignant est évidemment le casting parfait pour lui apporter la réplique. Pour qui se prend-elle, cette quinqua bobo qui explique à son père ce qu’il doit faire ? Il a trente ans de plus, évidemment qu’il a déjà pensé à tout cela ! Il a vu un autre médecin, et l’état de sa femme ne va pas s’améliorer. Et Trintignant place sa banderille finale ; c’est la Grande Scène. « Sérieusement ? Tu veux qu’on parle sérieusement de l’état de ta mère ? Alors parlons sérieusement. Son état va aller de mal en pis. Et puis un jour, elle va mourir. Alors qu’est-ce que tu proposes sérieusement ? Tu veux prendre ta mère chez toi ? Tu veux la mettre à l’hôpital ? Parce que justement, je lui ai promis qu’elle n’irait plus à l’hôpital. Je vais la garder ici et je vais m’en occuper jusqu’au bout, comme promis… »
Amour annonce, et c’est une bonne nouvelle, le grand retour de Haneke. Qui signe aussi son film d’un dernier plan parfait ; Isabelle Huppert, seule, dans l’appartement vide de ses parents. Qui s’assoie dans un fauteuil. A la place du père, parce qu’il n’y a pas d’autre place possible : nous referons le chemin de nos parents.
Le festin, nu.
lundi 6 janvier 2014
White Tiger
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Le cinéma russe, c’est quelque chose ! Quelque chose d’indéfinissable, quelque chose d’incompréhensible au CineFaster, habitué à la grammaire du cinéma US.
Ici, dans Belyy Tigr, des plans interminables. Comme dans Stalker. Des regards caméra, comme dans Requiem pour Un Massacre. Des répétitions, comme dans Stalker ou Requiem pour Un Massacre.
Ce Tigre Blanc est un film nationaliste (et même militariste, soutenu par le gouvernement et l’armée de la Fédération Russe), qui glorifie encore et toujours la Grande Guerre Patriotique, c’est-à-dire la lutte contre le nazisme sur le Front de l’Est. Avec un soupçon de fantastique, d’ailleurs : Naïdenov est un tankiste grièvement brûlé dans son char lors d’un combat. Il va mourir. Mais non, il s’en tire. Avec un drôle de don : il parle aux chars. On va le renvoyer sur le front à la chasse au tigre, un Tiger IV* allemand qui détruit tous les chars russes qui ont le malheur de passer dans sa ligne de mire, et disparaît aussi mystérieusement qu’il était venu.
A partir de cet argument mystico-militaire, Karen Shakhnazarov tire malheureusement un film longuet dont émergent quelques moments poétiques, ou terrifiants, comme ce monologue final d’Hitler, supputant que sa mission sur terre était de détruire les juifs et le communisme, le sale boulot dont toute l’Europe rêvait… Ce qui n’est – malheureusement – pas faux historiquement.
Dommage que le film soit si ennuyeux.
* Selon mon expert personnel, Lieutenant Jeg, du 507ème Régiment de Chars de Combat