Pour une fois on est d’accord. Foxcatcher est d’ores et déjà l’un des meilleurs films de ce début d’année. On avait oublié d’aller voir Le Stratège en salle, malgré Brad Pitt, malgré Aaron Sorkin. Et notre dernier film sur la lutte gréco-romaine, c’était Le Monde Selon Garp.
Mais on court voir Foxcatcher, malgré le consensus critique et la Palme des Alpes Maritimes.
Et on n’est pas déçu. Foxcatcher est fin et subtil. C’est un BOATS réussi parce qu’on ne connait pas cette histoire et aussi parce que Bennett Miller a choisi de décentrer son histoire. C’est le biopic de John E. du Pont, l’héritier des Dupont de Nemours, l’une des plus grosses fortunes des USA* grâce a la chimie. Mais Miller fait mine de s’intéresser aux deux frères Schultz, Mark et Dave, champions olympiques de lutte que du Pont veut prendre sous sa coupe (formidables Mark Ruffalo et Channing Tatum)
Petit à petit, le réalisateur du Stratège et de Truman Capote révèle son jeu. Le personnage principal, c’est évidemment ce Houellebecq dégénéré et fin de race (Steve Carrell) qui règle ses comptes personnels au travers de ce curieux mécénat. La face obscure du rêve américain, again and again. Ce que l’argent permet d’obtenir (tout), ce que l’argent pousse à faire (à peu près n’importe quoi), ce que l’argent n’achète pas (l’amour, la reconnaissance, la rédemption…)
Steve Carrell est impérial là-dedans, même si le maquillage est trop énorme pour être honnête, même si le comique joue trop au tragédien. Il décrochera l’Oscar, on avait compris la manoeuvre.
Quand aux deux frères, plus subtils, ils sont incroyables. Mark Ruffalo s’enlaidit pour jouer l’aîné, mais c’est surtout Tatum qui – sans prothèse – délivre la prestation la plus convaincante. Lui, l’ancien chippendale qui jouait quasiment son propre rôle dans Magic Mike, semble tout droit issu du monologue de Richard III (« Moi qui suis démuni de cette harmonieuse proportion, privé d’avantages par la trompeuse nature« ). Primate, autiste, des jeans trop grands pour lui, le front constamment plissé : Mark Schultz. Il faut beaucoup de talent pour faire ça.
On finira sur une séquence nostalgie : Anthony Michael Hall joue dans Foxcatcher ; on vous laissera deviner quel rôle, car on ne l’a pas reconnu. Aussi bizarre que cela puisse paraître, la star de Breakfast Club avait dix-sept ans en 1985 et en a facilement quarante-six aujourd’hui.
Time waits for no one.
* On ne paye pas de taxes dans le Delaware parce que Dupont les paye déjà ; information courtesy of Mrs Ludovico, en direct de Wilmington, Delaware.