C’est toujours agréable (et trop rare, car nous manquons de courage) d’aller voir un film au hasard, sans rien savoir à l’avance. Rien ne me fait envie, Mister Stratocaster veut aller voir Masaan. Très bien, allons voir Masaan ! C’est en arrivant au MK2 Quai de Seine que nous découvrons que c’est un film indien, et que cela veut dire « bûcher » Hmm, hmm… Trop tard pour se replier sur Avengers II, la Revanche d’Ultron.
Et effectivement, il est question de bûcher, au sens propre comme au sens figuré. D’un côté, une jeune femme indienne moderne qui noue une relation adultère et regarde des films pornographiques ; elle va le payer très cher. De l’autre un jeune homme de basse caste qui travaille aux bûchers funéraires le long du Gange. Il rêve de quitter cette vie misérable, en tombant amoureux d’une jeune femme de caste supérieure.
Mais, problème, on reste partagé pendant tout le film. Bénarès est certes filmé de façon magistrale, et donne une furieuse envie de s’acheter un billet Air India, pour aller se promener, la nuit, sur le Gange.
Mais de l’autre, le cerveau cinéphile reptilien nous ramène à la raison, c’est-à-dire à ce qu’Asghar Farhadi aurait fait d’une aussi belle intrigue entrecroisée. Parce que Neeraj Ghaywan est visiblement un cinéaste débutant (2 films à son actif) et qu’il est loin du talent de l’auteur d’Une Séparation. Mais aussi, Masaan est l’improbable produit d’une coproduction indo-française. De sorte que l’on est en présence d’un quasi documentaire (plutôt réussi, sur la corruption, les castes, les usages de l’Inde contemporaine) qui aurait été passé à la moulinette dramaturgique de script doctors français pas très doués. Ainsi les deux intrigues, artificiellement rejointes à la fin, ne sont pas à l’abri de plusieurs incohérences.
Le casting est bizarre (probablement des grandes stars indiennes, donc indéchiffrables pour nous), qui va de l’héroïne (trop) sublimement belle au père ronchon caricatural (comique à l’évidence égaré dans cette tragédie). Pire, ils ne jouent pas tous très bien.
Masaan donne certes envie d’aller en Inde, or, ce n’est pas ce qu’on demande un film. Ce qu’on veut, c’est qu’il nous emmène en Inde.