A-t-on encore espoir que Jacques Audiard rate un film ? Bien sûr que oui, car rien n’est parfait en ce monde. Mais ce ne sera pas Dheepan, qui atteint encore la perfection après Regarde les hommes tomber, Un Héros Très Discret, Sur Mes Lèvres, Un Prophète, De Rouille Et D’Os…
Pourtant tous les manuels de scénario vous le diront : Dheepan est le sujet casse gueule pour excellence ; on n’est censés écrire en effet que sur ses expériences personnelles (même quand il s’agir d’invasion extraterrestre). Ne se baser que sur son propre vécu, sa propre expérience, ses propres émotions pour être sûr d’être authentique, vrai, et ne pas tomber à côté.
Comment fait Audiard alors ? Comment peut-il se mettre dans la peau d’un tigre tamoul en rupture de ban ? Dans celle de sa fausse épouse, prête à tout pour gagner l’Angleterre et qui, comme tant d’autres, échouera en France ? Dans celle de cette fillette de neuf ans, improvisée fille du couple ?
Il n’y a qu’une réponse : le travail, beaucoup de travail. On se plaît à penser que Jacques Audiard travaille comme les américains, en immersion. Quand Alan Ball a voulu faire Six Feet Under, il a passé un an dans un funérarium. On imagine donc Audiard traîner dans les cités pour faire ses repérages, discuter avec les habitants, rencontrer des tamouls, leur raconter son histoire et vérifier qu’elle est viable. Ça se sent dans la précision des détails, du décor de l’appartement en ruine à celui du dealer, de la façon de parler des personnages, mêmes annexes. Autant dire qu’on est très loin de la fainéantise des frères Dardenne sur le même sujet, et ce Gamin au Vélo, pour ne pas le nommer.
Parce que, pour le reste, Dheepan tient la route, même dans sa si décriée séquence finale ; le film est impeccable de bout en bout, avec des comédiens parfaits (et pourtant débutants), et, comme d’habitude, une grande attention portée à la partie visuelle et musicale du film…
Du cinéma, quoi.