mardi 5 juillet 2016


Michael Cimino vs Abbas Kiarostami
posté par Professor Ludovico dans [ Les gens -Pour en finir avec ... ]

Les deux viennent de mourir, mais tout les oppose dans le cœur du CineFaster. On a vu (presque*) tous les films du premier, certains plusieurs fois. On n’a vu qu’un seul du deuxième, Au Travers des Oliviers**, et ça nous a largement suffi.

L’un était un rebelle de la génération Nouvel Hollywood, un chien fou dans un jeu de quilles, mais qui faisait des films d’architecte d’abbayes romanes (pas un gemme de graisse, tout dans les fondations) ; l’autre travaillait à plein temps comme metteur en scène de festival (75 récompenses sur Wikipédia, soit bien plus de statuettes à poser sur la cheminée que de passages télé). On ne s’attardera donc pas sur Kiarostami, qui nous a dégoûté du cinéma iranien pendant vingt ans, avant qu’Asghar Farhadi nous y ramène avec des films de plus belle facture.

On pleurera Cimino, pas l’artiste maudit qui a tué United Artists***, ni le cinéaste moyen de la fin (1987-1996 : Le Sicilien, La Maison des Otages, The Sunchaser). Non, on pleurera le génie de deux films, Voyage au bout de l’Enfer, trois heures de perfection absolue, et L’Année du Dragon, l’apex de Mickey Rourke, tous les problèmes de l’Amérique concentrés en deux heures.

Ces films-là, on les chérit tendrement, parce que Cimino prenait le temps de bâtir des personnages complexes qu’on ne pourrait oublier**** : Linda et Steve, le couple maudit par une goutte de vin au mariage ukrainien du Voyage au bout de l’enfer, la folie de Nick et l’humanité de Mike, le chasseur de cerfs qui ne voulait plus tuer. Et dans L’Année du Dragon, un flic odieux, Stanley White, capable de fêlures, opposé à un séduisant gangster, implacable mais trop rigide pour gagner (John Lone).

Symptomatiquement, ces deux acteurs n’ont jamais retrouvé aucun rôle à leur démesure…

* Sauf Le Canardeur
** A cause d’Olivier, d’ailleurs…
*** Tout simplement parce qu’on s’est bien ennuyé pendant Les Portes du Paradis.
**** « Ce ne sont pas tellement les événements qui importent, mais les personnages »