Voilà un film qui défie toute forme de jugement… Dès la première scène, il déploie une telle perfection artistique, de mise en scène, de danse, d’éclairage, de couleurs… Pendant ce plan séquence d’ouverture, désormais anthologique, Damien Chazelle nous en met plein la vue. Est-ce un si bon choix que cela ? Faire l’étalage de sa virtuosité n’est pas le but de l’artiste, c’est le but du virtuose.
Or il s’agit d’un film ; pas d’une démo du talent de Damien Chazelle. Pas un CV. On peine donc pendant près d’une heure et demie à s’intéresser à ces deux personnages. D’abord parce qu’on est noyé sous cette technique, ces plans séquences incroyables, et que l’on voit trop bien les citations et hommages à la comédie musicale (Demy, Minelli &co). Mais surtout parce que Mia et Seb n’ont rien de très attrayant. Ils sont lisses et fades comme une bonne partie des chansons de La La Land, hormis peut-être ce refrain entêtant de la chanson-titre.
C’est en suivant néanmoins ce motif, petit à petit, que le film s’installe et décolle, comme par hasard au moment où il y a moins de comédie musicale et plus de réalité. Le couple se forme et le poids de la vraie vie commence à se faire sentir*. Les personnages prennent de l’épaisseur. Et c’est par un final époustouflant et mélancolique que Damien Chazelle nous emportera définitivement parce que oui, La La Land est un très bon film.
Il y a une maladie commune qui traine à Hollywood. Damien Chazelle, Denis Villeneuve, Alejandro González Iñárritu, ces cinéastes se sentent comme obligés de faire l’étalage de leur incroyable talent. Oui, leurs films sont magnifiquement filmés, interprétés au cordeau, la musique est inouïe. Mais cette apparente perfection cache souvent la grande misère du scénario (Sicario), ou le manque d’empathie (Birdman). Ces grands cinéastes devraient éteindre au fond d’eux-mêmes la petite flamme égotiste qui les pousse à l’écrasante démonstration ; nous savons déjà que ce sont génies. C’est pour ça que nous sommes là, dans cette salle. Maintenant nous voulons qu’ils nous racontent des histoires.
* Symptomatiquement, la scène la plus forte du film est celle de l’engueulade : un simple champ / contre champ.