Voilà. Il est de retour, le fils prodigue. 25 ans d’attente et Twin Peaks, « comme promis* », revient sur les écrans. Mais le CineFaster, un peu âgé, a gagné en sagesse. Et même s’il a décidé de regarder Twin Peaks en temps réel (traitement de faveur réservé uniquement au Trône de fer), s’il a bloqué tous ses jeudis à partir de 22h25, s’il a débranché les téléphones, éteint toutes les lumières et obtenu un silence de cathédrale dans le salon, le CineFaster n’est pas dupe. Il sait que ce retour a beaucoup plus à voir avec le business qu’avec l’art, même si l’un n’empêche pas l’autre. Par sécurité, le cinéphile expérimenté se prépare toujours à être déçu.
Mais ces deux premiers épisodes sont, à ce titre, assez étonnants. David Lynch semble vouloir faire de la contrainte une opportunité, ce qui donne souvent de bonnes choses**. En reprenant la quasi intégralité de son casting, Lynch prend le parti de les filmer dans leur jus, c’est-à-dire vieillis, comme nous tous. Que sont-ils devenus ? Norma est-elle enfin heureuse avec Ed ? Shelly et Bobby sont-ils toujours ensemble ? Et James ? Et les frères Horne ?
Lynch a toujours fait ça, filmer les gens comme ils sont, moches, sales, ou magnifiquement beaux. Il va même ici jusqu’à filmer la Femme à la Buche en chimio, comme la comédienne dans la vraie vie.
La grande question de ce retour de Twin Peaks, c’est de savoir si le chef d’œuvre peut accoucher d’un nouveau chef d’œuvre. La foudre ne tombant jamais deux fois au même endroit, on peut en douter. Twin Peaks, premier du nom, est né d’un incroyable concours de circonstances. Des chaines pas prêtes, un réalisateur auréolé d’une image « arty » acceptant de « déchoir » à la télé, des jeunes comédiens en état de grâce, et un script sur les derniers jours de Marilyn recyclé à la hâte, avec son intrigue resituée dans l’état de Washington.
Aujourd’hui, on imagine Showtime calculer sur cinq ans le retour sur investissement : quel potentiel commercial à ressortir l’agent Cooper du placard, à confier une saison à un showrunner qui n’a rien tourné depuis dix ans, et mettre à l’écran des beautés de 47 ans (Madchen Amick), 50 ans (Sherilyn Fenn) ou 71 ans (Peggy Lipton) ? ***
Ces deux épisodes, en tout cas, ne jouent pas la carte de la nostalgie. A part le générique, pas de musique de Badalamenti. De nouveaux personnages, un nouveau Cooper, de nouveaux mystères et une ambiance qui lorgne plus vers Lost Highway que vers le mélo, ce qu’on pourra regretter.
Le nouveau Twin Peaks fait peur, le nouveau Twin Peaks intrigue, mais pour le moment, il ne fait ni rire ni pleurer.
La suite nous dira si cela suffit pour signer le grand retour.
* Dans le dernier épisode de la saison 2, Laura Palmer donnait rendez-vous à l’agent Cooper dans 25 ans. Promesse tenue, donc.
** Les épisodes 123 de Star Wars sont un bon exemple de l’art « sans contrainte »
*** le raisonnement d’ailleurs, doit être tout autre : une série de prestige, à la Mad Men ou West Wing, qui ne fait pas forcement beaucoup d’audience mais qui fait une bonne audience en termes de CSP+.