Il y a avait déjà cette mauvaise manie du générique au cinéma. Quel autre art en effet se sent obligé de remercier tout le monde ? Philip K. Dick remerciait certes son épouse « sans le silence de laquelle » il n’aurait pu écrire Le Maître du Haut Château. Mais il ne remerciait pas le linotypiste, l’imprimeur, le correcteur, l’éditeur, la secrétaire à l’accueil de Putnam Press, et tutti quanti …
Le cinéma, lui, remercie le moindre chauffeur. Peut-être parce qu’il connait le pouvoir d’attraction du 7ème art, qui fait que tout s’arrête dans une rue quand on y pose une caméra, qu’on aperçoit Tom Cruise en train de faire une cascade, ou qu’on met ses mains dans celles de Marylin, devant le Man’s Chinese Theater. Qui n’a pas été flatté de voir son nom à la fin d’un court métrage, parce qu’il avait prêté son appartement ?
Mais voilà maintenant la mauvaise manie de dire que le film a généré de l’emploi. Ainsi, à la fin de Star Trek Beyond, on apprend que le chef d’œuvre a dépensé $69 millions en Colombie Britannique et crée 3 925 jobs. Idem pour Alien Covenant, mais on n’a pas retenu les chiffres…
Imagine-t-on un panneau sous la Joconde indiquant que le tableau a couté 4 années de travail, 1300 mozzarella et 350 jambon-beurres (Vinci l’a fini en France), ce qui a généré 12 emplois à Florence et 2 à Amboise ?
On peut se demander ce qui motive cela. Si le cinéma veut montrer qu’il a une forme d’utilité sociale, c’est vraiment le commencement de la fin.
On pense – et on espère – qu’il s’agit plutôt de compenser l’effroi devant les budgets faramineux des films en question. Est-il bien raisonnable de dépenser 185 millions de dollars pour Star Trek ? Et, partant, 6 millions de dollars pour chacun de ses deux comédiens attitrés ? Une question comminatoire posée aux footballeurs et qui commence à s’immiscer au cinéma (cf. la polémique Maraval en 2012)…