Après un départ tonitruant et un pilote qui restera dans les annales, Légion peine à tenir la distance.
Légion fait partie de ces films adolescents qui énervent le professeur. Adolescent, c’est-à-dire des films qui semblent partir de très haut (la Vie, l’Univers, et le Reste), où la technique est très ambitieuse (réalisation ultra léchée, musique haut de gamme), les dialogues pointus (une punchline par personne et par scène) mais qui, en réalité, ne sont que des divertissements futiles et enfantins.
Et qui n’assument pas, donc.
Après un pilote époustouflant, mêlant références pop (Kubrick, Pink Floyd, les Who), mise en scène virtuose et narration ambitieuse (réalité, ou schizophrénie), Légion n’a plus avancé d’un pouce. Elle s’est contentée, façon Matrix, d’empiler les univers comme des poupées russes ; le rêve dans la réalité qui est dans les rêves, sauf que c’est peut-être la réalité. Rapidement, le spectateur ne fait plus d’efforts pour tirer le vrai du faux.
Cette fausse complexité ne permet pas de camoufler longtemps la simplicité du propos ; un gars découvre ses pouvoirs, une fille l’aime, des méchants veulent s’emparer de lui. Utiliser sept heures pour ne dévoiler que ça, c’est trop peu.
Qui n’est jamais parti, bourré d’angoisse, pour un premier week-end chez ses beaux-parents? Imaginez maintenant, dans la riante Amérique de Donald Trump, que vous êtes noir et que votre copine est ravissante, mais blanche (la parfaite Alison Williams de Girls). Et qu’elle n’a pas souhaité les prévenir de votre couleur de peau ? Parce que ses parents sont d’authentiques libéraux, obamalâtres de la première heure ?
Au début, ce gentil postulat semble se vérifier, mais les parents richards, certes gentils (Catherine Keener et notre Bradley Whitford de The West Wing) sont quand même un peu bizarres. Sans parler du frère, des voisins, du jardinier, etc.
Le week-end va tourner au vinaigre, mais pourquoi ? A cause de ce petit coin d’Alabama, ou parce que le héros, Chris Washington (Daniel Kaluuya), est parano ?
Toute l’ambiguïté – et tout l’intérêt, à vrai dire – de Get Out est là. On se demande longtemps si on est dans le thriller horrifique ou la comédie psychologique. Quand cette ambigüité, à la fin, sera levée, on verra que Get Out a tutoyé le chef d’œuvre, mais a finalement opté pour la série B.
Une série B d’une excellente facture. Get Out a notamment le mérite de mettre à jour tous les clichés, en les inversant : cette fois-ci, le noir ne peut pas mourir à la fin.
Le problème est en fait inversé : ici, ce sont les blancs qui sont caricaturaux. S’il avait été un tout petit peu plus subtil, Get Out n’était pas loin du très grand film.