Luc Besson disait qu’il faut voir plein de mauvais films pour en faire des bons ; Hitchcock et Kubrick prétendaient eux qu’il ne fallait jamais adapter un chef-d’œuvre. Démonstration conjointe dans le complet ratage qu’est Vietnam : Un Adroit Mensonge, le biopic de Terry George sur John Paul Van, conseiller militaire au Vietnam, et adaptation du très grand livre de Neil Sheehan, L’innocence Perdue.
L’histoire de Vann est édifiante : conseiller militaire en 60, il dénonce les errements de la politique américaine, notamment les « hameaux stratégiques » qui braquent les paysans vietnamiens contre les USA et arment le viet-cong. Obligé de quitter l’armée, le chien fou revient en 1965 comme conseiller civil, pour mettre en pratique ses recommandations. Mais il est trop tard, le Vietnam est déjà perdu. Le livre bascule à mi-parcours, révélant un terrible secret pesant sur Vann.
Le film, lui, est l’exemple à ne pas faire : un cinéma illustrant de la manière la plus plan-plan qui soit les grandes étapes de la vie de Vann. Chaque scène est incroyablement ridicule, et le film confine au nanar. Les personnages entrent dans les scènes comme un décor de théâtre. Le tout filmé comme un court-métrage amateur. Si vous voulez voir du non-cinéma, il faut regarder Un Adroit Mensonge. Mais vous devriez plutôt lire le très grand livre qu’est L’Innocence Perdue.
* Pourtant, Terry George est le réalisateur du très bon Hotel Rwanda, et scénariste d’Au Nom du Père
Deux actionnaires de CineFast avec minorité de blocage, Ludo Fulci et le Rupélien, représentant chacun 18,6% des parts, ont exigé – contre la promesse de de me reconduire au poste de Chef Exécutive Officier – que je revienne sur certains films et que je revoie mon propos.
N’ayant pas de tâche plus excitante en vue que de défendre le cinéma américain et de vilipender le Film de Festival, je m’exécute. Sans trop me forcer : j’adore Dangers dans le Ciel et donc je reregarde Sully, en tout cas le bout qui passe en ce moment sur Canal. Et force est de constater qu’ils ont raison.
Si le film est toujours plombant dans son propos (Le-Héros-Américain-Seul-Contre-la-Bureaucratie-Tentaculaire), il est tout de même très bien fait. Même là où ça gratte. Sully est notamment très efficace à créer des personnages, loi numéro un de Ludovico.
Sully, formidablement joué par Tom Hanks, est une statue sculptée par Eastwood à petits coups de burin. Sully est normal, Sully est sympa, Sully boit un peu de vin de temps en temps, mais pas quand il vole. Eastwood ponce cette statue de True American Hero de l’extérieur, par les personnages secondaires, le chauffeur de taxi, la patronne de l’hôtel… Certes, ses sculptures du Mal sont plus caricaturales : l’ingénieure (déjà odieuse Mrs White de Breaking Bad, la pauvre Anna Gunn serait-elle condamnée à jouer les mégères moches ?), et les autres inquisiteurs du National Transportation Safety Board, tous pas sympas, bas du casque, etc.
Mais c’est la scène du crash, rejoué trois fois, et particulièrement la dernière, la plus complète qui va jusqu’au sauvetage par les autres american heroes (pompiers, marin des ferries…) qui est formidablement maîtrisée, mélange de film catastrophe réaliste et d’héroïsme spielbergien dont Tom Hanks est la figure de proue.
Là, on ne peut qu’admirer l’artisan à l’œuvre.