Autant il est déconseillé au touriste de revenir sur ses pas – le Professore se refuse de retourner en Égypte tellement il fut illuminé par ce premier voyage -, autant la cinéphilie vit littéralement de ces retours. Parfois ce n’est pas une bonne idée ; on découvre le chef d’œuvre de jeunesse pas si bon que ça ; parfois, il y a toujours matière à creuser dans la mine à ciel ouvert : Armageddon, 2001 L’Odyssée de l’Espace, Rio Bravo, etc.
La série se prête peu à l’exercice, car il faut se replonger dans des dizaines d’heures d’épisodes. Mais là, il s’agit du voyage initiatique à Baltimore, Sur Ecoute-The Wire, la clé de voûte de la grande cathédrale de la série américaine. Partant, de la série tout court.
On emmène le Professorino avec nous, lui qui rêve de bicraver en bas de sa cité du East Side. Et voilà qu’on aborde les rives de la terrible cinquième saison, la dernière, la plus mauvaise, le final. Et nous voilà de nouveau obligés de faire le deuil, quitter McNulty et Omar, Bunk, Marlo et Barksdale, Carcetti et Sobotka, bref les deux cent personnages de ce fabuleux roman russe qu’est The Wire.
Cette nouvelle visite est très étonnante, en ce qu’elle amortit les déceptions du premier visionnage. A l’opposé, elle amène à relativiser certains amours fous. On découvre ainsi que Sonja Sohn ne joue pas si bien que ça notre Kima, mais que la saison 2 (dite « du port ») est bien plus forte, bien plus solide, que dans notre souvenir. Ou que Marlo, le nouveau baron de Baltimore, est un personnage bigrement intéressant.
Cela ramène à l’idée que la première fois, on n’avait rien compris à l’intention de The Wire. Ce n’était pas le traditionnel copshow hard boiled autour de Bunk/Mc Nulty et de leurs aventures dans le inner city baltimorien. Ce n’était d’ailleurs pas une série traditionnelle non plus. Le personnage principal pouvait disparaître saison 2 puis revenir en majesté. Des gens pouvaient mourir, des gens allaient mourir. Pire, des gens allaient tout simplement s’effacer, jusqu’à disparaître…
Et il ne fallait pas, ô spectateur, en être attristé.
Car derrière ces apparentes anomalies dramaturgiques, il y avait un plan d’ensemble, qu’évidemment, nous ne pouvions saisir au premier visionnage. Il fallait avoir tout vu pour comprendre que David Simon voulait faire bien plus, tout simplement le portrait d’une ville. Avec ses flics, ses gangsters, ses dockers, ses instituteurs, ses politiciens, ses journalistes…
Une fois que tout serait dit, alors la révélation serait complète. Sur Ecoute régnerait pour toujours.