vendredi 26 octobre 2018
Les Figures de l’Ombre
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Dès le début des Figures de l’Ombre, on sait à quoi on a affaire. Un mélo archi classique sous forme de tragi-comédie, basé entièrement sur l’empathie, et sans aucune aspérité. Dans cette NASA des années soixante, nous avons donc le flic évidemment raciste, le patron blanc, dur mais juste (Kevin Costner), le petit con blanc qui comprend à la fin (Jim Parsons), la méchante cheffe blonde qui comprend aussi à la fin (Kirsten Dunst), et nos trois héroïnes, matheuses noires en devenir, mais courageuses quand même (Taraji P. Henson, Octavia Spencer, Janelle Monáe).
Malgré cela, Les Figures de l’Ombre ont un côté intéressant.
Au-delà de l’histoire (3 femmes, cantonnées à des tâches subalternes, ont participé activement, mais dans l’ombre, aux programmes les plus prestigieux de la NASA), c’est plutôt l’histoire de leur ascension, ou comment briser deux plafonds de verre (noire + femme) à la fois…
La question du film est essentiellement là-dedans, en rappelant au passage ce qu’était l’Amérique de la ségrégation, c’est à dire l’Afrique du Sud. Il y a à peine cinquante ans de cela – et cent ans après l’abolition de l’esclavage – les noirs allaient dans leurs propres toilettes, leurs propres lycées, leurs propres rayons de bibliothèque. Ils montaient à l’arrière des bus, et les blancs ne buvaient pas le café issu de la même machine qu’un noir. Et on appelait les noirs par leur prénom, comme au bon vieux temps d’Autant en Emporte le Vent.
C’est probablement là le message le plus subversif du film. Et il est effarant.
vendredi 26 octobre 2018
Man on The Moon
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Brèves de bobines -
Les films ]
On a voulu revoir Man on the Moon après avoir vu le documentaire Jim & Andy, et on pourrait dire, comme la première fois, que le film n’est pas bon. Même en marchant dans les traces d’Andy Kaufman, sorte de comique délirant US inconnu de ce côté de l’atlantique, mélange d’autiste fou et de roi du canular, malgré la performance d’acteur de Jim Carrey, malgré le casting et la tentative finale de décollage vers le fantastique, le film de n’est pas intéressant. Car, comme tous les biopics ,il n’est que l’illustration des Grands Moments du Grand Homme, comme dans la chanson de REM :
Now, Andy did you hear about this one?
Tell me, are you locked in the punch?
Andy are you goofing on Elvis? Hey, baby?
Hey, baby, are we losing touch?
Même bien fait, ça ne marche pas…
vendredi 26 octobre 2018
American Horror Story, saison 1, La Maison Hantée
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
C’est la série préférée de la Professorinette, issue du génie protéiforme de Ryan Murphy (Nip/Tuck, Glee, American Horror Story, Scream Queens, American Crime Story…) Mais mettons tout de suite les choses au point : American Horror Story, c’est du fast-food. Quand le soir dans Paname, vous avez une petite faim, et que vous êtes loin de vos bases, c’est ça que vous mangez, du Filet O’Fish.
C’est quoi un Filet O’ Fish ? C’est un sandwich dont on sait exactement ce qu’il va vous apporter : quelle goût sucré/salé ? Quelle texture ? Combien de temps ça reste en bouche ? American Horror Story, c’est le Filet O’ Fish de la série : vous ne serez pas surpris. C’est très bon quand même. Même si c’est filmé à la hache, et joué du idem.
Mais en même temps, AHS : MH est diablement divertissant et sexy. Dans cette première saison, on suit les déambulations de famille Harmon au bord de l’implosion (divorce + ado en crise) et qui essaye, comme de bien entendu, de retrouver un semblant de stabilité en emménageant dans une nouvelle maison. Très vite, on le comprend, les mânes de Shining, Amityville, et. al., seront invoquées. On est en terrain connu, même si Ryan Murphy rajoute la touche de sexe qui rend la série plus sucrée. Et montre, comme il le fait ailleurs, la face cachée de l’Amérique. Derrière un vernis de puritains qui aiment Dieu, leur femme, et leur famille (I love you, I love you too), les américain.es ne pensent qu’à baiser et abuser leurs prochain.es. Ni les vieux, ni le jeunes, ni les homos, ni les noirs, ni les hispaniques ne seront épargné.es.
Ce qui rend AHS, comme la sauce tartare du Filet o’ Fish, totalement réjouissant.
vendredi 26 octobre 2018
The First
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
C’est toujours une question d’ambition. En avoir trop ou pas assez. The First démarre fort avec quatre premiers épisodes superbes sur la conquête de Mars et les préparatifs afférents. Et puis se permet soudain un épisode expérimental qui évoque le Dogville de Lars von Trier, avec son décor stylisé. Et comme une forme de conséquence virale à cet intellectualisme soudain, The Firsttourne au mélo trop appuyé et surjoué. Et Sean Penn, on le connait, il ne faut pas trop l’encourager dans cette voie. C’est le genre d’acteur qu’il faut plutôt brider.
On n’a rien contre le mélo, mais on n’était pas là-dedans au début. Mais voilà, Beau Willimon, l’auteur semble hésiter devant la série qu’il doit faire : un sequel de De la Terre à la Lune, une épopée centrée sur l’humain, comme l’illustre ancêtre biopic de Tom Hanks ? Un Newsroom / A la Maison-Blanche sorkinien pesant le pour et le contre de la conquête martienne ? Ou un mélo esthétisant façon Denis Villeneuve ?
Ce n’est pas inintéressant, mais il suffit de comparer avec le travail fait par Fincher & Co sur le même Willimon (House of Cards) pour comprendre ce que tenir une série veut dire.
mercredi 24 octobre 2018
Fargo, saison un
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Malgré les critiques élogieuses venant de toute part, ce n’était pas simple de regarder Fargo. La faute à un héritage très lourd : le chef-d’œuvre des frères Coen. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la série réussit l’exploit de marcher totalement dans les pas de l’ancêtre, tout en déclinant le concept et en créant une identité propre au format série…
On se régalera donc de cette saison une avec sa galerie des idiots, si typique de l’univers coenien ; des braves gens pas malins qui ont le bon sens près de chez eux, tandis que le mal absolu rode. Rien que pour Fargo, Netflix mérite d’exister…
dimanche 21 octobre 2018
The Blind Side
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Il y a des films qui vous tombent dessus comme ça, on ne sait pas trop pourquoi. Des films que l’on voit uniquement pour le sujet – ici le foot américain – sans connaitre un iota de l’intrigue, des acteurs ou du réalisateur. The Blind Side est de ceux-là. Et justement, le film ne devrait pas tenir la route. Un réalisateur inconnu, John Lee Hancock. Une déco à chier. Pas de mise en scène. Seul l’acteur principal, Quinton Aaron, Kathy Bates et Sandra Bullock semblent avoir déjà joué dans un film.
Sandra Bullock, parlons-en. Julia Roberts ayant refusé le rôle, Bullock l’a accepté du bout des lèvres, trouvant son rôle « trop républicain » pour elle. Elle a bien fait, elle a eu l’Oscar, et c’est peut-être le rôle de sa vie.
Mais le pitch ne tient pas debout non plus : une décoratrice d’intérieur, Leigh Ann Tuohy (Sandra Bullock), blonde, vulgaire, hyperfriquée, de Memphis, Tennessee, recueille Big Mike (Quinton Aaron), un gros garçon noir SDF, limite autiste, en provenance des mauvais quartiers de Memphis. La famille Tuohy, invraisemblable assemblage de do-gooders (le fiston à taches de rousseurs, la fille pom-pom girl mais gentille au fond, le mari aimant), va accepter la situation sans moufter.
Comment se fait-il, alors, qu’on ait pleuré pendant tout le film ? Parce que voilà, ça a beau être invraisemblable, c’est la réalité. Comme on dit dans tous les mauvais BOATS, The Blind Side est la véritable histoire de Michael Oher, Offensive Tackle des Carolina Panthers, recueilli par les Tuohy. The Blind Side n’est pas Sur Ecoute, et ce n’est même pas Friday Night Lights, mais le film a la force de ses convictions : l’élémentaire charité chrétienne, le sens inné du bien, de ce que le mot famille veut vraiment dire (et de ce qu’elle n’est pas, la plupart du temps), et aussi le sens d’un certain rêve américain, perdu dans les limbes des banlieues pourries des grandes cités américaines. Le blind side de l’Amérique.
De sorte qu’au bout de vingt minutes, sur le simple regard embué de la Bullock, et de la grande décision qu’elle prend à ce carrefour, vous savez que The Blind Side va vous emmener jusqu’au bout de la terre.
Pur mélo à l’américaine, The Blind Side ne plaira pas à tout le monde. Au contraire, il ne plaira qu’à une minorité. A Miss Mamina, qui partage cette passion irraisonnée pour Julia Roberts (et tout ce qui y ressemble), ou le Prince d’Avalon qui, comme le Professore, sait ce que bon mélo veut dire.
lundi 8 octobre 2018
Bloodline
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Il y a dans Bloodline toute l’excellence de la série américaine. Scénario en béton, mise en scène millimétrée, narration intriquée et acteurs évidemment au top. Autour des patriarches Rayburn (Sissy Spacek et dernier grand rôle de Sam Shepard), qui tiennent un magnifique hôtel dans les Keys, évolue la famille nucléaire type : John (Kyle Chandler), le puîné responsable, Danny (Ben Mendelsohn), l’ainé, et brebis galeuse par qui le malheur arrive, Meg, la séduisante cadette qui trompe son futur mari (Linda Cardellini) et Kevin, le petit dernier, réparateur de bateau à la ramasse. Le retour de Danny pour la célébration des patriarches va évidemment ouvrir les portes de l’enfer.
Sur cette feuille de route connue, les auteurs de Damages, ici aux commandes de ce Roi Lear tropical vont dérouler l’essence du thriller familial made in USA : un contexte ethnographique fort ; la Floride des Keys, entre paradis terrestre et enfer sur terre. Les multiples maux de la société américaine ; le mensonge, l’hypocrisie de la sacro-sainte structure familiale. La drogue, les painkillers à haute dose, la bière et les shots obligatoires. Les immigrants illégaux. Et bien sûr le sexe, qui rode comme un gator sous la mangrove d’un puritanisme de façade.
Tout cela est très bien fait, diablement addictif, et joué par des vieux routards (Friday Night Lights, Cogan Killing them Softly, Urgences, The Place beyon the Pines) ; on va donc se jeter sur la saison 2.
mardi 2 octobre 2018
Les Frères Sister
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Ce n’est peut-être pas le meilleur film de Jacques Audiard, mais Les Frères Sister restent très bons quand même. Une sorte de bulle d’air dans la filmographie de réalisateur de Regarde les Hommes Tomber, Un héros très discret, De battre mon cœur s’est arrêté, et du Prophète. Film de genre, film picaresque, western, comédie, Les Frères Sister est un OVNI ; il semble de prime abord ne correspondre en rien avec le reste de la filmographie de Jacques Audiard.
L’histoire de ces frères tueurs à gage qui poursuivent leur cible au fin fond de l’Oregon, au mitan du XIX° siècle, semble très éloigné des prétentions naturalistes d’Audiard dont le cinéma n’avait visé jusque-là qu’à restituer, avec un regard acéré, la réalité de notre monde contemporain.
Pour autant, on va retrouver dans Les Frères Sister les mêmes obsessions Audiardiennes ; le père absent (et cette phrase – autobiographique ? – du fils de Michel Audiard : « sommes-nous condamné par le sang pourri qui coule dans nos veines ? », la fratrie, la violence, l’innocence perdue…
Mais cette fois-ci, c’est drôle, bien vu, extrêmement bien joué (en particulier Jake Gyllenhaal), et peut-être un peu bavard, et peut-être un peu trop long…
Mais comme d’habitude, le talent d’Audiard réside dans sa capacité à filmer des choses habituelles de façon inhabituelle. Montrer le quotidien comme on ne l’a jamais vues. Le handicap dans Sur Mes Lèvres, la Côte d’Azur dans De Rouille et d’Os. La vie dans les cités dans Dheepan, ou une fusillade dans la nuit dans Les Frères Sister… A la fois auteur et esthète, Audiard reste pourtant un conteur de talent ; malgré les défauts, malgré les « message », malgré la volonté de réalisme, on s’ennuie rarement dans son cinéma. C’est encore vrai ici.