Ce n’est peut-être pas le meilleur film de Jacques Audiard, mais Les Frères Sister restent très bons quand même. Une sorte de bulle d’air dans la filmographie de réalisateur de Regarde les Hommes Tomber, Un héros très discret, De battre mon cœur s’est arrêté, et du Prophète. Film de genre, film picaresque, western, comédie, Les Frères Sister est un OVNI ; il semble de prime abord ne correspondre en rien avec le reste de la filmographie de Jacques Audiard.
L’histoire de ces frères tueurs à gage qui poursuivent leur cible au fin fond de l’Oregon, au mitan du XIX° siècle, semble très éloigné des prétentions naturalistes d’Audiard dont le cinéma n’avait visé jusque-là qu’à restituer, avec un regard acéré, la réalité de notre monde contemporain.
Pour autant, on va retrouver dans Les Frères Sister les mêmes obsessions Audiardiennes ; le père absent (et cette phrase – autobiographique ? – du fils de Michel Audiard : « sommes-nous condamné par le sang pourri qui coule dans nos veines ? », la fratrie, la violence, l’innocence perdue…
Mais cette fois-ci, c’est drôle, bien vu, extrêmement bien joué (en particulier Jake Gyllenhaal), et peut-être un peu bavard, et peut-être un peu trop long…
Mais comme d’habitude, le talent d’Audiard réside dans sa capacité à filmer des choses habituelles de façon inhabituelle. Montrer le quotidien comme on ne l’a jamais vues. Le handicap dans Sur Mes Lèvres, la Côte d’Azur dans De Rouille et d’Os. La vie dans les cités dans Dheepan, ou une fusillade dans la nuit dans Les Frères Sister… A la fois auteur et esthète, Audiard reste pourtant un conteur de talent ; malgré les défauts, malgré les « message », malgré la volonté de réalisme, on s’ennuie rarement dans son cinéma. C’est encore vrai ici.