Une baie magnifique dans la Méditerranée, une cloche sonne le tocsin. Travelling arrière. Sur la plage, des pêcheurs et dans un filet, une main d’homme et une main de femme. Emmêlés. Morts, évidemment.
Ainsi commence le début magique de Pandora, un autre classique passé entre les mailles du filet de CineFast. L’histoire de Pandora (divine Ava Gardner) entourée de prétendants sybarites qu’elle rejette les uns après les autres, jusqu’à rencontrer le mystérieux Hendrick Van der Zee (James Mason), un hollandais dont le bateau mouille, solitaire, dans la baie. Albert Lewin, réalisateur quasi inconnu et auteur d’une poignée de films, relie ça sans barguigner, dès les premières scènes, à la légende du Hollandais Volant, le marin maudit.
Il n’a pas besoin des astuces scénaristiques habituelles, ce film, car il est tout simplement magique. Pas seulement grâce à Jack Cardiff, le grand chef op’ de Michael Powell, pas seulement par l’intensité érotique d’Ava Gardner. Non, Pandora est un sort en lui-même, jeté sur le spectateur ; il n’en échappera que 122 minutes plus tard.
Dès le premier plan (un guardia civil filmé comme un colosse de Memnon, statue de pierre, immobile, qui encadre Geoffrey, le protecteur de Pandora, et Stephen, l’un de ses amants éconduits), le ton est donné : magique, mystérieux, surréaliste, Daliesque. Pendant deux heures, le film ne cessera d’inventer et de créer du mystère. Pandora, séductrice mais emplie d’un étrange spleen… Hendrick Van der Zee, mystérieux peintre navigateur. Une corrida, un bain de minuit… Une fête sur la plage… une course dans la montagne… Et une galerie de prétendants, alcooliques, toréadors, champion automobile…
Pandora est clairement le précurseur du cinéma des tourments des années soixante, du Passenger d’Antonioni à la Belle de Jour de Buñuel. On pense aussi à Sueurs Froides, à Mulholland Drive. Tous ces films qui partagent le qualificatif de rêve éveillé….
Y’a-t-il plus belle définition du cinéma… ?