Inexplicablement, De l’Or pour les Braves manquait à ma collection des années 70, l’anthologie paternelle des films sur la Seconde Guerre mondiale : des Canons de Navaronne à L’ouragan vient de Navaronne (avec Harrison Ford !), du
Pont de la Rivière Kwai au Pont trop Loin . Pas que des chefs d’œuvre, donc.
Mais celui-ci est très original ; on croit commencer par un film sur Telly Savalas, mais si on lit bien le titre original, on s’aperçoit que ça s’appelle Kelly’s Heroes, que Kelly c’est Clint Eastwood, et que de héros, il n’y en a point. Kelly est un ancien lieutenant dégradé qui réunit une bande de loufiats armés jusqu’aux dents (et jusqu’au Sherman) pour aller libérer, un peu en avance, un petit village de l’est de la France. Enfin, surtout libérer sa banque de 16 millions de dollars en lingots d’or.
Le film de Brian G. Hutton* est un curieux mélange de classique action-movie 60’s avec son cast de dur-à-cuir, mais contient aussi les amorces du mouvement hippie (le film est sorti en 1970), avec une section de Sherman déjantée pilotée par Donald Sutherland qui a l’air de fumer du shit en permanence.
La morale de l’histoire est également très étonnante, mais on vous laissera la découvrir…
* Qui nous donna aussi Quand les Aigles Attaquent
Il y a des films qui sont hypnotiques, araignées tissant lentement leur toiles et finissant par vous étouffer par leur talent. Marie Stuart, Reine d’Ecosse, qui n’est pas exempt de défauts, est de ceux-là.
Le début du film de Josie Rourke est très énervant : venant du monde du théâtre, elle adapte le scénario de Beau Willimon (House of Cards) façon arty : poses hiératiques mimant les tableaux de Georges de La Tour, effets de costumes post-modernes, au milieu de scènes plus classiques, ce qui finit par ressembler à un mélange douteux de réalisme et de posture. Mais comme Mrs Rourke ne franchit pas vraiment le gué, c’est agaçant. Ce que réussit la Reine Margot échoue ici, faute de conviction cinématographique très sure.
Mais petit à petit, au rythme de la musique entêtante de Max Richter, le film s’impose. D’abord en focalisant sur la perdante, Marie Stuart, Reine d’Ecosse et prétendante au trône d’Angleterre, contre l’héroïne habituelle, Elisabeth Ière. La reine vierge d’Angleterre, est habituellement présentée comme la courageuse unificatrice protestante du royaume, contre les méchants complots catholiques, de Bloody Mary (Tudor, sa demie sœur) à Marie Stuart, sa cousine. Tout cela étant fortement documenté dans le cinéma Hollywoodien, d’Elizabeth : l’Âge d’or aux Tudors, en passant par L’Invincible Armada avec Laurence Olivier et Vivien Leigh ou La Reine Vierge avec Jean Simmons et Stewart Granger.
Mais là, c’est comme si on assistait à Secrets d’Histoire, avec Stéphane Bern réhabilitant l’indomptable Marie Stuart contre la méchante Elisabeth. Nous laisserons au Prince d’Avalon le soin de tirer le vrai du faux historique, car l’essentiel n’est pas là. Nous sommes au cinéma, et Josie Rourke réussit à bâtir, avec l’aide de deux incroyables actrices, de véritables personnages. Avec Saoirse Ronan dans le rôle de Marie, et l’incroyable Margot Robbie*, dans celui d’Elizabeth, la réalisatrice bâtit un véritable antagonisme de cinéma, avec leurs forces, leurs faiblesses, et leurs doutes. On sort progressivement du film scolaire pour atteindre, dans une scène de rencontre (inventée) dans une buanderie, à l’essentiel de la tragédie ; alors que leur détresse commune devrait les rassembler, Marie agit au contraire de ses intérêts et cause sa perte.
* Margot Robbie a interprété en quelques années une incroyable galerie de personnages, en premier ou second rôle : reine frigide dans Marie Stuart, Reine d’Ecosse, white trash enlaidie dans Moi, Tonya, teenager déjantée dans Suicide Squad, top model dans Le Loup de Wall Street… Série en cours
En tant que spécialistes mondiaux du film de sous-marins, James Malakansar et moi-même sommes contractuellement obligé de voir tous les films de sous-marins, même français. Nous sommes donc allés voir Le Chant du Loup avec deux autres spécialistes ramassés sur place. Après avoir convenu que Das Boot restait la clef de voûte indépassable du sub-movie, on a pu passer à la projection proprement dite.
Le diagnostic au final est mitigé. Après voir ricané dans ma barbe pendant le film, et appelé les mânes de Tony Scott et Wolfgang Petersen, les trois autres spécialistes ont fini par me convaincre – autour d’une planche charcuterie-fromage, il est vrai – que tout n’était pas à jeter. Inventaire, donc.
D’abord tout ce qui cloche dans le film, c’est tout ce qui n’est pas foncièrement américain. Le Chant du Loup fait partie de la catégorie des films « Y’a-que-les-ricains-qui-savent-faire-ça ». Et c’est vrai. L’intrigue sort directement des chantiers navals Simpson-Bruckheimer, où des méchants russes font la nique aux gentils (ici, la France !).
Pendant deux heures, on espère donc voir de vrais héros sous-mariniers se révéler : Denzel Washington, Sean Connery, Jürgen Prochnow, you name it… Car le film – probablement financé par les Russes – démolit la dissuasion française à chaque scène. Le commandant Grandchamp refuse de prendre le commandaient d’un sous-marin en pleine Troisième Guerre Mondiale (parce qu’il a promis à Bobonne de ne plus reprendre la mer, sic) ; la salle pour appeler l’Elysée est à 400m d’escaliers du PC de l’amiral, on confie deux sous-marins à des officiers qu’on vient de sanctionner (resic : leur « oreille d’or » a confondu un sous-marin russe avec un cachalot (reresic)), celui-là même, en jean et en basket, entre comme crème dans le bunker de l’Etat-major (il vient de raconter son métier à sa nouvelle petite copine avec un drôle d’accent et fume du shit avec elle.), je vous en passe et des meilleures. Si ce n’est pas de la haute trahison, ça y ressemble beaucoup…
Autant dire que tout ça serait passible de peine de mort dans le cinéma de M. Bruckheimer, où les sous-marins portent un nom fier, d’un peuple de gens biens qui vivent dans un état génial, dans le plus grand pays de la terre*. Sans parler de l’Octobre Rouge de M. Connery, où les héros de la Grande Guerre Patriotique tordent le cou des traîtres aussi vite qu’on boit un verre de Vodka.
Le deuxième défaut, c’est l’amateurisme général du Chant du Loup sur le plan cinématographique : mélange des genres, commençant sur un mode documentaire (le nombre de pales des sous-marins, sujet passionnant) qui se termine par une scène où le commandant, en plein surf sur son kiosque, tire sur un hélico à coup de RPG7 ; on a un peu perdu le spectateur entre les deux.
Erreurs de casting ensuite : ni Kassovitz, ni Reda Kateb, ni Omar Sy ne sont crédibles en officiers supérieurs (on est loin du Crabe Tambour), sans parler de François Civil, qui porte bien son nom, puisqu’il n’est ni crédible en militaire, ni en comédien.
Et puis surtout, le pauvre Hitch’ se retournerait dans sa
tombe, c’est un film ultra-bavard… Tout est expliqué, rien n’est montré…
Cela étant dit, la dernière demi-heure est assez rigolote et excitante, et la fin, pas mal du tout… une fois que le cinéaste et ses producteurs ont accepté de lâcher les chiens, d’ouvrir les tubes à torpille, de mettre la barre à 15, et de passer enfin au film d’action.
Un jour les gars, il faudra choisir…
*« Capt. Ramsey: It bears a proud name, doesn’t it, Mr. COB?
Chief of the Boat: Very proud, sir!
Capt. Ramsey: It represents fine people.
Chief of the Boat: Very fine people, sir!
Capt. Ramsey: Who live in a fine, outstanding state.
Chief of the Boat: Outstanding, sir!
Capt. Ramsey: In the greatest country in the entire world.
Chief of the Boat: In the entire world, sir!
Capt. Ramsey: And what is that name, Mr. COB?
Chief of the Boat: Alabama, sir! »