Parfois, la beauté esthétique peut suffire à emporter le spectateur. C’est le cas de 2001, dont le succès semble aujourd’hui invraisemblable, tant le propos est abscons, mais aussi des films de Malick, et souvent, des films de Alejandro González Iñárritu. Depuis Amours Chiennes il y a vingt ans, l’esthétisme de son cinéma se déploie à l’inverse de ses ambitions en termes de stotytelling, qui, elles, rétrécissent peu à peu. Amours Chiennes était un impressionnant mélimélo d’intrigues dans un Mexico découpé en classe sociales et relié par la gent canine ; The Revenant est un simple survival, sans autre ambition que de faire traverser 300km de Dakota enneigé à son personnage.
L’argument est faible, même s’il rappelle nos vieilles lectures (Jim Bridger*, le Roi des Mountain Men, de Georges Fronval), et ne suffirait pas à nous tenir éveillé 2h36. Car nous n’avons pas cette passion américaine pour le martyre et la torture (Silence, La Passion du Christ, 24 …)
Hugh Glass (Di Caprio), est le guide d’une bande de trappeurs qui, à l’orée du XIX° siècle, tente de rejoindre l’abri d’un fort dans le Dakota du Sud, l’hiver venant. Mais les voilà attaqués par des indiens, et Glass est abandonné par un autre trappeur (Tom Hardy). Laissé pour mort, il va pourtant faire 300 km en affrontant indien, grizzly, froid, faim et soif, chute et avalanche. Rien ne nous sera épargné de ce long supplice, mais pour autant, on reste fasciné (non par ce supplice ni par le quelconque intérêt qu’on porte à la vengeance potentielle de DiCaprio), mais par le magnétisme pur et dur du film. Nous sommes littéralement scotchés devant ce Revenant, qui semble incarner, de par la perfection de l’image, et par la suavité virtuelle des mouvements qui tiennent du jeu vidéo, le futur du cinéma, ou, en tout cas, à quelque chose qui s’en approche.
Tout cela est bien sûr l’œuvre d’un des plus grands chef’op du moment, Emmanuel Lubezki, qui a dans son cartables les chefs d’œuvres visuels de ces vingt dernières années (Rencontre avec Joe Black, Sleepy Hollow, Ali, Le Nouveau Monde, les Fils de l’homme, Burn After Reading, The Tree of Life, Gravity, Birdman…). Un gars qui a dans son carnet d’adresses Alejandro González Iñárritu, Terrence Malick, les frères Coen, Tim Burton et Alfonso Cuarón ne peut pas être tout à fait mauvais.
Et si la forme prime sur le fond, pour la première fois, ce cinéma d’esbroufe fonctionne.
On avait refusé d’aller voir The Revenant en salle, et aujourd’hui, on s’en mord les doigts. C’est pour ce genre de spectacle bluffant qu’on va au cinéma.
*Un Jim Bridger jeune est un des personnages du film.