Il est rare que le Professore Ludovico ne soit pas d’accord avec Notre Agent au Kremlin, mais ça arrive. Elle n’a pas aimé Roubaix : Une Lumière, on a adoré. Desplechin, qui avait faiblit un peu sur Les Fantômes d’Ismael, revient ici en force, pourtant à l’écart de son parcours habituel. Un polar sur Roubaix, ville fétiche, mais filmé comme un Whitechapel chti ; corons de briques rouge, misère et petits larcins, flics débordés.
Contrairement au regard condescendant des frères Dardenne, Desplechin filme ça à hauteur d’homme (ou plutôt de femme, les excellentes Léa Seydoux et Sara Forestier)…. et comme d’habitude, il mêle stars et acteurs amateurs, ce que le spectateur accepte sans barguigner.
L’histoire est un classique du polar : une ville, la nuit (de Noël), les petites affaires qui s’enchaînent : vol de voiture, braquage, incendie, et soudain, le drame. Qui dit la vérité ? Qui ment ? Les victimes et les voyous se mélangent, sous l’œil consterné du rookie (Antoine Reinartz, personnage totalement Desplechinesque, en flic catho lecteur de Levinas), et celui, madré, du commissaire Daoud, l’impressionnant Roschdy Zem…
Car c’est là le talent de l’araignée Desplechin : elle tisse très vite sa toile d’araignée psychologique, son commissaire algérien impassible, entouré de ses inspecteurs hystériques, sa fugueuse marrante, son voyou flamboyant et son duo de jeunes femmes paumées… En deux heures, il aura creusé au fond des êtres, comme dans un Simenon.
Desplechin : cinéaste lumière.