Se serait-on trompés sur Wild Wild West ? Quand le film sort en 1999, c’est la bronca, menée notamment par le Professore, avant même d’avoir vu une seule image… On y décele déjà les prémices de la Cancel Culture : James West, notre vénéré Robert Conrad, un acteur qui à lui seul, dans son petit pantalon de velours violet, avait questionné les tréfonds de notre hétérosexualité, était remplacé par un acteur noir, Will Smith, (que nous aimions tout autant), mais qui n’était pas, au grand jamais, James West !
Le trauma était immense : rappelons que Les Mystères de l’Ouest, c’était la série de notre enfance. Nous avions huit ans, et La Une est à Vous la diffusait en fin d’après-midi, de sorte qu’il fallait courir pour rejoindre sa mère à la messe de 18h. Pendant le sermon, on reproduisait les péripéties d’Artémus Gordon (le grappin qui sortait de la botte se fichait – au moins dans notre imagination – sur le pilier de la nef), jusqu’à ce que la mère se demande ce qu’on fichait à gigoter comme ça ; question à laquelle nous ne pouvions évidemment pas répondre, puisque envoyé d’Ulysse S. Grant en personne !
Puis le film sortit, nous mettant particulièrement en rogne. Nous n’étions pas seuls : Robert Conrad avait refusé de faire un caméo. Nous fûmes récompensés : le film était un terrible échec au box-office. Laissons le mot définitif à maman Smith, quand son fils lui demanda ce qu’elle en pensait : « You’ve done better, my son ! »
Mais depuis, le film passe de temps en temps à la télé, et dégage un charme steampunk bizarre. Et on a subitement envie de le revoir. Et la surprise est là : si le film n’est pas vraiment bon, il a de réelles qualités. Et tout d’abord un véritable sous-texte politique, caché sous les gags, que nous n’avions pas compris il y a vingt ans.
Un James West noir reste évidemment totalement irréaliste après la Guerre de Sécession. Mais c’est totalement assumé par Barry Sonnenfeld et Will Smith ; on pourrait même dire que c’est leur projet. Quand Artemus Gordon (le très bon Kevin Kline) lui propose de jouer le rôle, plus réaliste, de son valet, James West parodie l’accent de l’esclave « Oui Missié, bien Missié ! » Des scènes semblables vont se répéter à plusieurs reprises, où la chute sera évidemment la même : non je ne serai pas ton esclave, non je ne jouerais même pas à l’esclave…
Et puis il y a la scène culte du film, où James West est sur le point d’être lynché par une bande de notables louisianais. L’agent secret prend les devants en se lançant, la corde au cou, dans un discours parodique sur la différence*, qui prend à l’évidence un sens plus vaste : deux siècles après la Guerre de Sécession, un siècle après la fin de la ségrégation, on ne se comprend toujours pas entre blancs et noirs.
Et pour le reste, même si le film est raté, trop long dans sa deuxième partie, parfois moche et lourdingue, il y a beaucoup de choses à sauver. Les répliques fusent, dans une ambiance sexy, entre nos héros, Salma Hayek, Bai Ling (« East meet West »), et les girls de Loveless, qui permettent de retrouver à certains moments l’ambiance de la série originale. Il y a aussi, en mode méta, les imbroglio crypto-gays entre Gordon et West, et bien sûr la prestation réjouissante de Kenneth Branagh en Docteur Loveless. Enfin, Wild Wild West sera un des premiers films à l’ambiance steampunk…
Wild Wild West n’est pas Les Mystères de l’Ouest, mais c’est pas mal quand même.
*Capt. James West: [Whistles] I’d like to have everyone’s attention for a moment. It seems we have had series of major misunderstandings here tonight. First of all, the whole « drummin’ on the boobies » thing. Now in my native land…
Someone in crowd: Georgia?
Capt. James West: Africa. We use drums to communicate between villages. And as you can see by this gal, we could communicate all the way to Baton Rouge. Hell, on a clear night, we might even get Galveston. All I was saying to the gal was, « Hi, how ya doing? My name’s Jim. How’s your momma? » Then there was the whole « Redneck » comment. And I’m sensing that you took that negatively. But let’s break down that word « Redneck ». First word red, color of power, fire, passion. Second word neck… neck… hey I can’t think of nothing for neck right now, but without that you still got red and that’s something to be proud of.