jeudi 29 juillet 2021


Onoda
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

« Vaurien ! Incapable ! Traître ! » : voilà comment commence l’épopée d’Onoda, un jeune homme de vingt-deux ans qui n’a pas réussi jeter son zero sur un porte-avions américain. Nous sommes en 1944, la guerre du Pacifique est perdue, et il ne reste qu’une solution honorable – le sacrifice des kamikazes – pour décourager les Gaijin de poser pied sur la terre sacrée du Japon.

En refusant cet honneur, Onoda court de graves dangers, pour lui et sa famille. Mais on lui propose une forme d’honneur alternative : non pas se sacrifier, mais au contraire survivre. A tout prix.

Il s’agira de défendre coûte que coûte Lubang, une des nombreuses îles conquises par les fascistes japonais : « Faites tout ce qu’il faut pour survivre, car quoi qu’il arrive, dans six mois ou dans dix ans, nous reviendrons vous chercher ». Cette promesse va déclencher l’un des événements les plus improbables de la Seconde Guerre Mondiale : avec une poignée d’hommes, Onoda va défendre son île de 125km² pendant trente ans*.

La critique, plutôt élogieuse envers le film, parle d’Apocalypse Now à la française. Le compliment est beau mais trompeur. En effet, pas de war opera dans Onoda, petit film français d’Arthur Hariri**, tourné au Cambodge avec des comédiens japonais et une grande parcimonie de moyens. Pas de dantesque reconstitution avec figurants, pas d’hélicoptère, pas de Walkyrie. Pas non plus de poème métaphysique à la Ligne Rouge, même si on pense plus à Malick qu’à Coppola. Onoda est un film très simple, filmé à hauteur d’homme, sans affect. Mais pas sans ambition. Sa force est de nous plonger, sans ironie ni sarcasme, dans la mentalité de ces soldats japonais, tout en évitant de les héroïser.

Totalement portés par son histoire incroyable et ses excellents comédiens, on finit par suivre Onoda Hirō dans ce cheminement intellectuel qui veut que la seule solution valable soit de combattre, de survivre, et d’attendre, plutôt que dialoguer, apprendre la vérité, et se rendre.

C’est le programme du film, et c’est aussi sa beauté.

* De 1947 à 1974, on retrouvera ainsi 127 soldats nippons dans différentes îles d’Asie du Sud-Est. Mais en Europe, des soldats allemands se sont aussi rendus après la fin de la guerre, comme la poche de St Nazaire, par exemple.

** Autant le dire tout de suite : Onoda a fait l’ouverture d’Un Certain Regard, mais n’a rien ramené de Cannes. Pour le Professore, c’est comme un diplôme…




mardi 27 juillet 2021


Titane
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

En parlant de provocation, Paul Verhoeven ferait bien d’aller voir la dernière Palme d’Or des Alpes Maritimes. Julia Ducournau n’y va pas avec le dos de la cuillère en Titane. Et c’est une cinéaste, tout autant que Verhoeven.

On avait déjà été fasciné par Grave, une histoire plus simple, et mieux tenue. Ducournau tient les rênes de Titane plus lâche, mais le film est aussi plus ambitieux, et formellement, beaucoup plus beau.  

Mais il y a ici un goût de trop-plein, une envie de trop bien faire, où chaque plan, chaque scène est censée être signifiante, d’époque. Film de genre, film sur le genre, chevauchant les ambiguïtés de la paternité et les angoisses de la maternité, formalisant le transhumanisme homme-machine ? On finit par y perdre son latin, même si, sur la scène du Palais des Festivals, Julia Ducournau a fourni une première piste en remerciant le jury de « laisser entrer les monstres* ».

Si c’est le cas, le propos est non seulement abscons, il est effroyable. Car dans sa première partie, Titane tutoie effectivement le cinéma de Tarantino, c’est-à-dire un cinéma sans âme ni conscience qui se plaît à reconstituer, de manière parfaitement « fun » – et parfaitement esthétique – toutes sortes de meurtres commis par son héroïne serial killeuse.  La réalisatrice fournit dans la scène d’intro une explication très faible à toute cette violence : le manque d’attention du père vers sa fille. C’est un peu court, jeune fille ! Est-ce que, comme dans OSS 117, les serial killers auraient droit à une seconde chance ?

C’est le propos de la deuxième partie, mais paradoxalement, c’est là où le film, après de multiples sauts périlleux, se rattrape aux branches. L’arrivée de Vincent Lindon, métamorphosé en pompier, vient éteindre l’incendie moral qui commençait à gronder en nous. Pour ce père éploré, la paternité n’est pas une question de sang, mais bien de sens.

Un final très Cronenbergien viendra valider cette hypothèse en proposant une conclusion à la fois dérangeante et satisfaisante.

On restera ainsi entre la chèvre et le chou :  oui, Julia Ducournau est une grande cinéaste, mais une grande cinéaste en devenir.  

«* Satisfaire le besoin viscéral qu’on a d’un monde plus inclusif et plus fluide… Merci au jury de laisser entrer les monstres … »




dimanche 25 juillet 2021


La Servante Ecarlate au Pays de Lovecraft
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Pour en finir avec ... -Séries TV ]

On dit souvent ici que le cinéma est l’âme d’un peuple, et que c’est particulièrement vrai du cinéma et du peuple américain.

Si c’est le cas, l’Amérique va mal.

En témoigne les deux season finale de Lovecraft  Country (S01) et La Servante Ecarlate (S04). Deux séries très différentes, l’une fun, l’autre sérieuse, mais dans les deux cas pavées de bonnes intentions.

Comme l’enfer.

Dans la série inspirée du livre de Matt Ruff, il s’agit de rendre hommage à Lovecraft, tout en renversant son racisme foncier du début du vingtième siècle. Dans l’adaptation du livre Margaret Atwood (qui n’est couvert que par la première saison), il s’agit de faire œuvre prospective : que deviendrait les Etats-Unis si la dérive religieuse, déjà en cours, prenait le pouvoir ?  

Mais dans les deux cas – on n’ose le dire – poussées par une forme d’enthousiasme macabre, ces deux séries prolongent leur concept au-delà de l’extrême, et leur conclusion est la même – kill’em all! – tuons tous les blancs, lynchons tous les hommes…

Si un raisonnement élaboré amène à cette conclusion (enlevons aux blancs la magie qui a servi à notre oppression, punissons les violeurs de Gilead…), elle n’en est pas moins révoltante. Il suffit de pitcher l’inverse : qui voudrait d’une série où des héros blonds se proposeraient de tuer tous les noirs parce que certains pratiquent le vaudou ?

Il y a toujours eu cette culture de la vengeance dans le cinéma américain, (nous l’évoquions ici), mais elle était le problème de personnages solitaires*. Ici, la violence est proposée comme remède systémique. Pourtant, d’autres solutions existent : le personnage de Cristina, belle magicienne blonde, prend la défense des personnages noirs, et a même une romance (dans les années 50s de la ségrégation !) avec l’une d’entre elle. Les méchants de la Saison 4 de La Servante Ecarlate pourraient être jugés (probablement atrocement) par Gilead, mais June Osborn complote pour organiser leur lynchage. Les héros de ces séries ne sont donc pas obligés de sombrer dans une vengeance aveugle, c’est au contraire un choix conscient.  

Il y a dix ans, face à un problème collectif comme le racisme ou le sexisme, aucun film, aucune série US n’aurait proposé ce type de solution. Au contraire, une réconciliation, un pardon, une rédemption aurait été proposé au méchant (le plus souvent un mâle blanc)**. Via le pardon du héros, ou vers un procès, avec la loi comme remède aux maladies de l’humanité.

Nous n’en sommes plus là. Nous sommes à l’heure de la vengeance, et de la violence « juste », seule solution à la violence injuste***.

Et ça fait peur.

* Qui la plupart du temps étaient obligés de tuer le méchant :  repensons à toutes ces scènes avec Bruce Willis/Nick Cage/Stallone tenant la main au méchant au bord du précipice/hélicoptère, et que celui-ci, ignorant la main tendue, en profitait pour tenter de balancer notre héros dans le vide, qui n’avait alors d’autre choix que de le tuer…

** Mississippi Burning, Le Plus Beau des combats, American History X, Gran Torino, La Dame du Vendredi, Du silence et des Ombres, Amistad, Working Girl…

*** Sur le même sujet, avec les mêmes références (le massacre de Tulsa), et la même maison de production (HBO), Watchmen fait beaucoup mieux…




samedi 24 juillet 2021


Jojo Rabbit
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

C’est le sujet casse-gueule par excellence. Une comédie sur le Troisième Reich. Très peu ont essayé, beaucoup ont échoué, très lourdement comme l’ignoble La Vie Est Belle de Roberto Benigni.

Jojo Rabbit tente l’impossible : une comédie sur un petit garçon des Jeunesses Hitlériennes, et dont l’ami imaginaire n’est autre qu’Adolf Hitler ! Un Adolf Hitler drôle, qui fait des blagues et danse sur les chansons des Beatles.

Si on rit de bon cœur sur ces plaisanteries, c’est d’abord par le style impeccable de la mise en scène (sous influence Wes Anderson) , et une bande de comédiens parfaits (Roman Griffin Davis, Scarlett Johansson, Thomasin McKenzie, Taika Waititi, Sam Rockwell…)

Et on se demande évidemment comment cela va finir, comment conclure, comment résoudre l’équation impossible d’une rédemption du petit nazi qui ne serait ni ridicule, ni à l’opposé de la trajectoire du film depuis le début.

Comme le propose le carton final, pré-générique de fin, il faut « laisser tout vous arriver, beauté et terreur… Continuez à le faire, car aucun sentiment n’est jamais définitif *». Magnifique morale de l’histoire, et merveille de bout en bout.

Oui, on peut être un héros, juste pour une journée.

* Rainer Maria Rilke




jeudi 22 juillet 2021


The Nest
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

The Nest, en anglais c’est à la fois le doux nid du couple de tourtereaux, et aussi le nid de frelons. C’est de cela dont parle le nouveau film de Sean Durkin, dont on avait adoré le très fin Martha Marcy May Marlene.

De la transplantation d’une famille, de New York à Londres dans les 80s, pilotée par la volonté mythomane du père de famille, trader en pleine ascension, et formidablement interprété par Jude Law.

Durkin montre rapidement les faux-semblants de cette trajectoire, qui n’est pas sans rappeler le Shining de Kubrick, sans l’emphase fantastique, même si, à certains moments, des fantômes semblent frapper à la porte… à moins que ce ne soit un courant d’air, ou une impression de déjà-vu.

Mais si le film est intéressant dans cette ambiguïté, et si les acteurs sont tous excellents (dont notre chouchou Carrie Coon), il n’arrive pas vraiment à décoller, ni à passionner.




lundi 19 juillet 2021


Benedetta
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Il ne suffit pas de prendre un réalisateur provocant, une actrice bankable, et un sujet dans l’air du temps (femmes oppressées par la religion), pour faire un bon film.


Nous aimons beaucoup Paul Verhoeven ici, mais ça ne suffit pas non plus. Parce que le réalisateur hollandais s’est laissé emporter par sa charge anti-religieuse, ou tout simplement parce qu’il n’a pas beaucoup travaillé. Retour sur Benedetta en quatre échecs…

L’ignorance crasse du Moyen Âge
Dès les premières minutes, le connaisseur – et donc l’amoureux ! – du Moyen Âge n’est pas déçu de ce voyage en Toscane. Outre le fait que les décors, les costumes, les accessoires, font passer Les Rois Maudits* pour une reconstitution minutieuse à la Kubrick, on trouve dans Benedetta tous les clichés imaginables sur cet « âge des ténêbres ».

Au moyen Age, on était certes superstitieux, croyant, mais aussi cynique et utilitariste. Il y avait des homosexuels, et ils n’étaient pas tous condamnés à mort. Paul Verhoeven n’a aucune excuse pour ne pas le savoir puisqu’il utilise la musique d’Hildegarde de Bingen, une Moniale du XIe siècle, poète, médecin, herboriste et homosexuelle. Quant à l’utilisation opportuniste des miracles et autres reliques, c’est un fait connu qui aurait mérité d’être mieux traité que façon Borgia vu par Manara.**

Quant à la sexualité, le sujet n’est absolument pas traité, alors que l’on sait que c’est un des problèmes majeurs de l’église catholique. Il aurait fallu montrer que Benedetta n’était pas la seule avoir des désirs, que ces désirs étaient réprimés, et que l’extase religieuse ressemblait bizarrement à l’extase sexuelle (cf. toute la statuaire de la Renaissance) ; tout cela aurait pu expliquer le long naufrage du personnage….

La provocation à deux balles
Prendre Paul Verhoeven pour réaliser Benedetta, c’est évidemment chercher le combo qui fait vendre. On voit tout de suite la baseline marketing : Verhoeven + Virginie « Sharon Stone » Efira en nonne lesbienne + cris d’orfraie de l’Eglise catholique*** = succès garanti.

Verhoeven a fait de la provoc son fonds de commerce, mais chez lui, c’est plus que ça : une véritable signature artistique. Secouant sa hollande natale avec Spetters ou Le Quatrième Homme, choquant l’Amérique tout entière, de la gauche à la droite, avec sa tueuse lesbienne de Basic Instinct, ou remuant le couteau dans la plaie en filmant les héros aux dents blanches, 100% américains, de Starship Troopers comme l’aurait fait Leni Riefenstahl, en choquant même la France avec Elle, avec Isabelle Huppert violée mais pas plus gênée que ça****, Verhoeven fait scandale, mais pas que…

Pourquoi ça ne fonctionne pas ici ? D’abord, parce que c’est loin, le Moyen Âge. Facile à caricaturer en monde misogyne, asexué, pétri de superstition. Qui peut se sentir insulté ?

Ensuite c’est grossièrement fait : transformer la statuette de la Vierge Marie (que vénérait Benedetta enfant) en godemiché, non seulement ça se voit de loin, mais il va en falloir plus pour épater le bourgeois. N’est pas Ken Russel ou Pasolini qui veut…

Le Catholic bashing
Si c’est une grande tradition des films américains, il ne faut pas pousser Verhoeven très loin puisqu’il a toujours aimé s’attaquer aux bigots. Néanmoins, la description totalement ridicule qu’il fait de la vie dans une abbaye toscane rate sa cible, car on ne sait pas très bien dans quel film on est. Si c’est une caricature des institutions religieuses, il faut y aller plus loin, plus fort (Les Diables de Ken Russell). Et dans ce cas, on ne peut pas être dans le drame. Si au contraire, on prend le parti d’une Benedetta absorbée par ses visions, il faut chercher du côté de Cavalier (Thérèse), Arcand (Jésus de Montréal) ou même du Jeanne d’Arc de Luc Besson ! Et dans ce cas, il faut travailler un peu plus sérieusement les visions où Virginie Efira se rêve en épouse de Jésus. On peut encore prendre un point de vue cynique – tout à fait viable -, d’une Benedetta femme de pouvoir, manipulant moniales, hiérarchie et petit peuple avec ses miraculeuses stigmates. Mais en jonglant avec toutes ces possibilités sans vraiment choisir, Verhoeven reste dans le flou. Comme très souvent, c’est parce qu’il n’y a pas de personnage qu’il n’y a pas de film. Pas de Benedetta, pas de Benedetta.

L’erreur de casting
Le personnage, parlons-en. Virginie Efira est une actrice talentueuse, mais elle n’a pas du tout l’ambiguïté nécessaire pour le rôle*****. Maquillée de bout en bout, extrêmement belle, elle détonne déjà au milieu d’une abbaye Toscane. Découvrant le plaisir physique, on a l’impression qu’elle a fait ça toute sa vie. Devenant Révérende mère, pareil. Pendant tout le film, Virginie Efira n’aura pas l’air à sa place, mais plutôt en train d’imiter Isabelle Huppert. Et c’est justement cela qu’il aurait fallu : la jeune Isabelle Huppert, tout à la fois pleine de morgue et d’ingénuité, de Coup de Torchon ou de Violette Nozière.

* Les dialogues ressemblent à une dramatique de des années 70 avec toutes les liaisons qu’il faut : « que faites-vous zici ? », etc.

**En s’inspirant du très beau livre de Carole Martinez, Le Domaine des Murmures

*** Pas de chance : celle-ci n’a pas réagi.

**** Avec déjà Efira en ultra-catho

***** Une seule actrice d’ailleurs surnage au milieu de ce naufrage : c’est Charlotte Rampling, parfaite d’ambiguïté en Révérende Mère qui comprend qu’on peut avoir le pouvoir, et s’en servir, même dans ce moyen âge de ténèbres … Bientôt dans un autre rôle de Révérende Mère, Bene Gesserit cette fois : Gaius Helen Mohiam, dans Dune




lundi 12 juillet 2021


Sound of Metal
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

On a failli partir plusieurs fois, et puis on est resté, notamment pour Riz Ahmed. Pas tant que le film était si mauvais, mais qu’on avait l’impression d’y être comme la compagne du héros (Olivia Cooke), confortablement assise dans un camping-car, et dévalant ces autoroutes qui sillonnent les Etats-Unis en de longues lignes droites.

Derek Cianfrance et Darius Marder nous avaient pourtant habitué à bien mieux dans The Place Beyond the Pines. Ici, malheureusement, chaque scène s’enchaine sans surprise à la précédente, déclinant comme un mantra les douze étapes du Voyage du Héros : Le handicap, la colère, la rédemption*… Les premiers progrès, et l’inévitable rechute…

Le monomythe n’est certes pas l’apanage des Star Wars et autre Avengers, mais Sound of Metal l’applique de façon si scolaire, à un genre par essence lourdingue (le film de handicap), que c’en est horriblement monotone…

Mais c’est au moment où l’on croit que le film va se vautrer jusqu’à la fin dans ce gloubi-boulga rédemptionnel et résiliental, que l’action du film est bizarrement téléportée à Paris (filmé à Anvers, sacrés ricains !).

Une scène de fête, une scène sur un banc, et Sound of Metal finit en beauté, c’est-à-dire sur le malheur.

*Obligatoirement à la campagne, parce la campagne c’est bien, la ville c’est le mal.
** Qui te garantit a minima une nomination aux Oscars (Rain Main, L’Éveil, My Left Foot, Le Temps d’un Week-End… la liste est trop longue)
***Si vous allez quand même voir le film, emmenez avec vous les douze étapes du Voyage du Héros :

Le héros dans son monde ordinaire : il s’agit d’une introduction qui fera mieux ressortir le caractère extraordinaire des aventures qui suivront.

L’appel à l’aventure, qui se présente comme un problème ou un défi à relever.

Le héros est d’abord réticent, il a peur de l’inconnu.

Le héros est encouragé par un mentor, vieil homme sage ou autre. Quelquefois le mentor donnera aussi une arme magique, mais il n’accompagnera pas le héros qui doit affronter seul les épreuves.

Le héros passe le « seuil » de l’aventure, il entre dans un monde extraordinaire, il ne peut plus faire demi-tour.

Le héros subit des épreuves, rencontre des alliés et des ennemis.

Le héros atteint l’endroit le plus dangereux, souvent en profondeur, où l’objet de sa quête est caché.

Le héros subit l’épreuve suprême, il affronte la mort.

Le héros s’empare de l’objet de sa quête : l’élixir.

Le chemin du retour, où parfois il s’agit encore d’échapper à la vengeance de ceux à qui l’objet a été volé.

Le héros revient du monde extraordinaire où il s’était aventuré, transformé par l’expérience.

Le retour dans le monde ordinaire et l’utilisation de l’objet de la quête pour améliorer le monde (donnant ainsi un sens à l’aventure).




jeudi 1 juillet 2021


La Servante Ecarlate, saison 4
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Séries TV ]

Cinématographiquement, La Servante Ecarlate reste un objet difficile à critiquer. La série fait partie de ces œuvres à thèmes très lourds (la Shoah, le racisme, les banlieues, …) qui censurent toute forme de jugement.

Dans cette dystopie terrifiante, où une théocratie fasciste a dévoyé les principes de la religion (chrétienne) pour mettre les femmes en esclavage, The Handmaid’s Tale pose – comme une deuxième couche – la question de la place de la femme dans l’occident réel : mère-pondeuse, bonniche au foyer, ou prostituée destinée à ne servir que les désirs masculins ? C’est là où elle est passionnante, ce qui ne veut pas dire qu’elle est parfaite.

Critiquer la Servante, c’est très vite se voir opposer cela. « La série a peut-être des défauts, mais elle parle de quelque chose de tellement juste… » : c’est exactement le genre de chantage aux sentiments qu’on ne supporte pas ici, à CineFast.

Et en regardant le premier épisode de cette quatrième saison, on ne peut qu’être frappé par des parallèles cinématographiques qui vont évidemment hérisser beaucoup de cinefasters : La Passion du Christ, de Mel Gibson, et 24 heures Chrono. Le martyr, et la vengeance…

Prolégomène nécessaire ; nous n’ignorons pas que La Servante Ecarlate se situe à l’opposé absolu sur l’échiquier politique. Ce n’est pas une série de droite, raciste, antisémite, ou prônant simplement la suprématie de l’Amérique sur le reste du monde. Mais pour autant, Handmaid’s Tale est essentiellement, fondamentalement, américaine. Peut-être même à son insu.

L’Amérique, depuis toujours, s’est construite sur ce fondamentalisme Ancien Testament. D’abord parce que les passagers du Mayflower* étaient à l’origine des fanatiques religieux, chassés d’Angleterre pour leurs convictions. Ils se sont ensuite identifiés au Peuple Elu – les juifs de l’Ancien Testament – obligés eux aussi de faire exode. Si le Nouveau Testament (le christianisme) prône le pardon, la rédemption et la joue tendue, l’Ancien propose plutôt la Loi du Talion – œil pour œil, dent pour dent. (merci le Framekeeper).

Cette obsession biblique irrigue tout le cinéma populaire américain, du western à la science-fiction. Du Clint Eastwood d’Impitoyable au Capitaine Kirk qui règle les problèmes de la galaxie à coups de poing, un bon père de famille américain ne se tourne pas vers son avocat en cas de problème : il se fait justice lui-même**.

A l’image de ce premier épisode saison quatre, où les femmes vont se venger de ce qu’elles ont subi (comprendre : depuis trois saisons). Un Commandeur qui n’arrivait pas à avoir d’enfants a fait violer sa femme par tous les hommes qui passaient par là. Notre héroïne, June, se laisse très rapidement convaincre qu’il faut torturer l’un de ces hommes, puis le lyncher. « Because we fight. »

Tout est dit. Il faut tuer, rendre coup pour coup, car il s’agit d’un combat et pas d’une justice à exercer. Pas de procès, pas d’application de la loi, pas d’éducation ou de rédemption du coupable. Ce progrès essentiel de notre civilisation, la loi qui s’intermédie entre le coupable et sa victime pour lui donner réparation ? Tout cela a disparu. Comme dans tout le cinéma de Droite, les Dix Commandements, Le Justicier dans la Ville, les films de superhéros ou tout le cinéma de Tarantino. La solution, c’est le lynchage. June Bauer est en cornette, mais c’est quand même la sœur de Jack Bauer.

La série se complait tout pareillement dans le martyr. Martyre, June l’est assurément. Enlevée, séparée de son mari et de sa fille, insultée, violée, torturée… Il serait impensable qu’il en soit autrement dans l’univers de Gilead, cette dictature terrible inventée par Margaret Atwood. Mais l’actrice-productrice Elisabeth Moss est-elle obligée de se réserver la moitié des plans, sur son regard halluciné, son visage giflé, son corps ensanglanté ? Cette obsession douteuse a fini par gangréner la série, qui gagnerait à mettre la pédale douce sur la Passion selon Sainte June, qui finit par confiner au ridicule***.

Ces scènes sanglantes, filmées avec une telle complaisance gore, et répétés d’épisode en d’épisode, ne cessent d’étonner. Et l’on est une fois de plus consterné devant la critique française, qui voue aux gémonies (au hasard : Neon Demon), mais s’extasie sans distance devant les yeux enfiévrée de la servante écarlate.

*Les costumes féminins de la série évoquent d’ailleurs le XVIIème siècle et la série se passe à Boston.

**Il y a évidemment un pendant progressiste à cela : les films de procès

***Dans un autre rôle, l’excellente Elisabeth Moss en disait tout autant, si ce n’est plus, sur le même sujet : Mad Men, évidemment.